Etats-Unis : le nombre de tueries de masse a-t-il explosé depuis l'arrivée de Donald Trump au pouvoir ?

par Claire CAMBIER
Publié le 4 août 2019 à 18h11, mis à jour le 4 août 2019 à 19h26

Source : TF1 Info

STATISTIQUES - À seulement quelques heures d'intervalle, deux fusillades ont éclaté aux Etats-Unis. Ce samedi 3 août, un homme a tué 20 personnes et blessé au moins 26 autres à El Paso, au Texas. Dans la nuit, un autre massacre faisait 9 morts et 26 blessés à Dayton dans l'Ohio. Les médias évoquent 251 tueries de masse, depuis le début de l'année, soit plus d'une par jour. Mais qu'en est-il réellement ? Nous avons sorti notre calculatrice pour faire les comptes.

Deux tueries de masse ont été perpétrées en à peine 13 heures ce week-end aux Etats-Unis. Samedi 3 août, un jeune homme de 21 ans, Patrick Crusius, s'est rendu, arme à la main, dans un hypermarché Walmart d'El Paso, au Texas. Son objectif, avouera-t-il plus tard aux policiers, tuer "le plus de Mexicains possible". La fusillade a fait 20 morts et au moins 26 blessés. 

Quelques heures plus tard, un homme a ouvert le feu devant un bar d'un quartier animé de Dayton dans l'Ohio. La police, arrivée rapidement sur place, a abattu le tireur mais 9 personnes ont été abattues et 26 autres blessées. Ses motivations sont encore inconnues. 

Les Etats-Unis sont régulièrement frappés par des tueries de masse. Commerces, entreprises, écoles, églises ou encore cinémas, aucun lieu ne semble épargné. Des drames qui suscitent l'indignation dans le pays, mais aussi dans le monde. Sur Internet, de nombreuses informations, parfois contradictoires, ont circulé. Certains affirment que le nombre tueries de masse auraient explosé ces dernières années, ou, à l'inverse, qu'elles étaient plus fréquentes sous la présidence de Barack Obama que depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump. Plusieurs médias avancent également que l'on en compterait 251 depuis le début de l'année 2019, soit plus d'une par jour. Mais qu'en est-il vraiment ? LCI démêle le vrai du faux.

251 tueries de masse : une question de définition

251 tueries de masse sur la seule année 2019, soit 251 fusillades en à peine 216 jours. Un nombre astronomique qui parait à peine croyable. Cette information, largement relayée par les médias américains, se base sur les données de l'ONG Gun Violence Archive, qui répertorie tous les incidents par armes à feu dans le pays. Mais la définition donnée aux tueries de masse est très large, il s'agit de fusillades ayant fait au moins 4 victimes qu'il s'agisse de morts ou de blessés, et peu importe le contexte. En comptabilisant les drames familiaux et les règlements de comptes de gang, le curseur grimpe rapidement. Ces fusillades ont causé la mort de 520 personnes et en ont blessé 2000 autres.

Au niveau gouvernemental, les Etats-Unis s'appuient sur une autre définition. Le FBI considère ainsi qu'une fusillade est une tuerie de masse lorsque l'on comptabilise 3 morts ou plus, sans compter le tueur. La fusillade doit avoir été perpétrée sur un même lieu et au même moment. Cette définition juridique a été assouplie en 2012. Auparavant, entraient en compte les seules fusillades ayant causé la mort d'au moins 4 personnes. Dans tous les cas, les tueries causées par le crime organisé - et notamment les gangs - ainsi que les violences domestiques ne peuvent être considérées comme des tueries de masse au regard de ces textes législatifs. A partir de là, le chiffre chute drastiquement. En 2019, on en compte "seulement" 7, d'après les données collectées par le média Mother Jones.

Avant les fusillades de Dayton et d'El Paso, un jeune homme de 19 ans avait tiré dans la foule lors d'un concert du festival Garlic (Californie), tuant 3 personnes. Le 31 mai, un ancien employé municipal avait ouvert le feu dans des bâtiments de la mairie de Virginia Beach (Virginie), avant d'être tué par les forces de l'ordre. Bilan : 12 morts et 4 blessés. Le 15 février, un homme a attaqué son ancienne entreprise à Aurora (Illinois), tuant 5 personnes et en blessant 6 autres. En janvier, un homme a tué 3 personnes et blessé une autre dans un bar et ses environs en Pennsylvanie. Quelques jours plus tôt, un homme tuait cinq personnes dans une banque de Floride. Au total, et en comptant les deux nouveaux drames survenus ce week-end, ces tueries de masse ont entraîné la mort de 57 personnes, tandis que 65 autres ont été blessées.

Une explosion des tueries de masse sous le mandat de Donald Trump

Si les tueries de masse ne sont pas un phénomène nouveau aux Etats-Unis, reste que leur nombre a considérablement augmenté ces dernières années. D'après les rapports du FBI, on comptabilise 116 tueries de masse depuis l'an 2000. Dans le détail, il y en a eu 3 en 2000 (15 morts et 4 blessés), 2 en 2002 (7 morts et 8 blessés), 5 en 2003 (22 morts et 14 blessés), 2 en 2004 (12 morts et 4 blessés), 3 en 2005 (19 morts et 13 blessés), 3 également en 2006 (17 morts et 7 blessés), 7 en 2007 (61 morts, dont 32 lors de la fusillade à l'université de Blacksburg en Virginie, et 35 blessés), 4 en 2008 (22 morts et 21 blessés), 6 en 2009 (51 morts et 46 blessés), 6 en 2010 (24 morts et 17 blessés), 5 en 2011 (27 morts et 29 blessés), 12 en 2012 (81 morts, dont 27 dans la fusillade de l'école de Sandy Hook dans le Connecticut, et 82 blessés), 6 en 2013 (34 morts et 15 blessés), 7 en 2014 (26 morts et 35 blessés), 8 en 2015 (49 morts, dont 14 à San Bernardino en Californie, et 42 blessés), 7 en 2016 (74 morts, dont 49 dans la fusillade dans une boite de nuit d'Orlando en Floride, et 84 blessés).

L'année 2017 a été la plus meurtrière avec 124 morts et 540 blessés lors de 13 attaques. On se souvient notamment de la fusillade survenue lors d'un festival de musique à Las Vegas, coûtant la vie à 58 personnes, ou encore celle dans une église du Texas, fréquentée par la communauté afro-américaine, tuant 26 personnes. En 2018, on compte 10 tueries de masse (73 morts, dont 11 dans une synagogue de Pittsburgh, et 62 blessés) et 7 en 2019. 

Ces chiffres nous montrent une croissance exponentielle des tueries de masse. Cela reste tout aussi vrai si l'on prend en compte la définition de Gun Violence Archive. Les données disponibles de l'ONG remontent à 2013. On compte 254 tueries cette année-là, puis 269 en 2014. En 2015, ce nombre grimpe encore à 335 sur l'année, puis à 382 en 2016, à 346 en 2017, à 340 en 2018 et enfin à 251 de janvier 2019 à aujourd'hui, en à peine plus de huit mois.

Certains internautes ont questionné le rapport entre les mandats présidentiels et le nombre de tueries de masse. Là encore, on voit une augmentation constante. Lors du premier mandat de George W. Bush, de 2001 à 2004, 9 tueries de masse ont eu lieu (41 morts et 26 blessés). Un chiffre qui double presque pour son deuxième mandat : 119 morts et 76 blessés, lors de 17 fusillades de 2005 à 2008. Sous Barack Obama, on comptabilise 29 tueries lors du premier mandat, de 2009 à 20012 (183 morts et 174 blessés), puis 28 lors du second, de 2013 à 2016 (183 morts encore et 176 blessés).

Des données qui explosent encore un peu plus depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, avant même la fin de son mandat : 254 morts et 667 blessés, lors de 30 fusillades de masse.

Les suprémacistes blancs de plus en plus violents

La police a annoncé qu'elle s'orientait vers la piste d'un possible "crime haineux" au Texas. Le suspect a publié sur Internet un manifeste raciste, qualifiant son attaque de réponse à "l'invasion hispanique du Texas". Mais les tueries de masse sont-elle plus liées au racisme qu'auparavant ? La réponse est malheureusement oui. Selon la Ligue anti-diffamation, les Etats-Unis ont connu l'an dernier leur année la plus meurtrière depuis 1995 en ce qui concerne les tueries perpétrées par des extrémistes. Et 78% d'entre elles incombaient à des suprématistes blancs. Au total, on compterait une cinquantaine de crimes racistes, tueries de masse comprises. 

Le directeur du FBI, Christopher Wray, a également témoigné a également témoigné devant le Congrès le 23 juillet sur ce sujet, soulignant que la majorité des personnes ayant fait l'objet d'une enquête pour des faits de "terrorisme intérieur" étaient "motivées par ce que l'on peut appeler du suprématisme blanc violent".

Vous souhaitez réagir à cet article, nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse alaloupe@tf1.fr 


Claire CAMBIER

Tout
TF1 Info