INTERVIEW - L'Iran a tiré dans la nuit du mardi 7 au mercredi 8 janvier une vingtaine de missiles sur des bases abritant des soldats américains en Irak. Une riposte avant tout symbolique, comme l'explique à LCI le chercheur Vincent Eiffling.
"La nuit dernière, une gifle a été donnée en pleine face" aux Américains. L'ayatollah Ali Khamenei a affiché sa fermeté ce mercredi, quelques heures après des frappes iraniennes sur le sol irakien. Dans le viseur de Téhéran : des bases américaines, afin de venger la mort du puissant général iranien Qassem Soleimani, assassiné le 3 janvier. Si le bilan de cette attaque est pour l'heure inconnu, elle constitue une réponse stratégique de la part des autorités iraniennes, comme nous l'explique Vincent Eiffling, chercheur au Centre d’étude des crises et des conflits internationaux (Cecri) de l’université catholique de Louvain (Belgique).
Téhéran avait promis "une dure vengeance au bon endroit et au bon moment" peu après la mort de Soleimani. Ces frappes constituent-elles selon vous le début d'une riposte militaire d'envergure ?
A mon sens, cette attaque est avant tout symbolique. Il faut se rendre compte que les frappes menées par Téhéran sont assez limitées dans leur portée (ndlr : 22 missiles). Et savoir que les missiles iraniens ne sont pas les plus modernes qui soient, pour leurs portées ou leurs charges. Certains ont d'ailleurs raté leur cible. Pour autant, nous ne sommes pas à l'abri d'un bilan humain : un seul baraquement américain touché avec des hommes à l'intérieur constituerait une catastrophe.
Donald Trump a néanmoins fait savoir qu'il ne ferait pas de réaction dans l'immédiat. Cela suppose que nous ne sommes pas dans l'urgence la plus extrême. Et que le bilan est moins pire que ce que les médias iraniens avancent.
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La balle est clairement dans le camp de Washington
Vincent Eiffling
Le discours des autorités iraniennes – "Nous ne cherchons pas l'escalade ou la guerre" – est-il crédible ?
Les Iraniens savent très bien qu'ils n'ont pas les moyens de gagner une guerre conventionnelle contre Washington. Mais le symbolisme est fort en Iran : il faut sauver les apparences. Il y a eu un engouement populaire suite à l'assassinat de Soleimani. Avec ces frappes - qui sont une réponse rapide -, le régime y apporte une réponse : "Regardez, on est capable de riposter vite et fort".
En outre, sur le plan de la politique étrangère, c'est une manière de dire à Washington que l'Iran n'a pas aussi peur que certains le pensent depuis la mort de Soleimani. N'oublions pas qu'il est possible de faire beaucoup plus de dégâts avec un attentat à la bombe ou avec des milices paramilitaires, qui mènent des attaques ciblées et coordonnées. Tout le jeu d'équilibriste de l'Iran est là : apporter une réponse qui soit visible et claire, mais ne franchisse pas le seuil qui engendrerait une réponse américaine.
Quelle réaction peut-on attendre de la part de Washington ?
Il n'est pas impossible que Donald Trump calme le jeu. Les Américains savaient très bien que l'assassinat de Soleimani allait engendrer des réactions. Ils y étaient préparés. Mais cela va aussi dépendre du bilan : s'il y a des morts, cela aura un impact sur l'opinion publique qui engendrera une réaction plus forte du président américain. De son côté, Téhéran a fait savoir que si les Américains ne ripostent plus, l'affaire est close. C'est une porte ouverte à la désescalade. La balle est clairement dans le camp de Washington.