"Un homme voulait me ramener dans ma famille, je l’ai tué" : la difficile resocialisation des enfants kidnappés par l'Etat Islamique

Publié le 24 octobre 2019 à 16h00

Source : JT 20h Semaine

DÉRADICALISATION - Ils ont été endoctrinés pour poser des bombes ou devenir des kamikazes. Nos envoyés spéciaux ont retrouvé en Irak la trace des enfants et adolescents, membres de la communauté Yezidi, enlevés par le groupe État islamique. Dans le nord de l’Irak, le père Desbois travaille désormais à leur réinsertion.

Ils ont entre onze et dix-huit ans, et durant quatre ans, ils ont renié leur communauté, celle des Yézidis. Kidnappés par l'Etat islamique il y a plusieurs années, ces enfants ont été transformés en tueur par le groupe terroriste, et ont parfois été contraints d'accomplir des actes terroristes. Aujourd'hui, le père Patrick Desbois travaille à leur réinsertion. 

Dans le camps de réfugiés de Qadyu, au Kurdistan Irakien, suivis par des psychologues, ses enfants ont été des "lionceaux du califat", le surnom donné à cette jeunesse endoctrinée par Daech pour faire la guerre. Ils devaient porter des vestes d'explosifs, étaient incités à devenir des kamikazes. “Il y avait beaucoup de pression pour te porter volontaire, et beaucoup se sont fait exploser”, raconte ce jeune homme que nous avons pu interroger. Après quatre ans passés entre les mains de ceux qui ont soumis leurs mères ou exécuté leurs pères, cet autre garçon se souvient s'en être pris à "un homme qui voulait me ramener dans ma famille". "Je l'ai tué", confie-t-il à notre équipe. 

Certains continuent, même dans ce camp, à fabriquer des bombes artisanales, signe d'une jeunesse marquée par la violence et l'endoctrinement. 

Endoctrinement dans l'horreur

Ceux que l'Etat islamique surnomme "les lionceaux du califat" ont été très présents dans la propagande de l'organisation : cela va des salles de classe où, dans les programmes estampillés Daech, on apprend le nom des armes et des sourates guerrières du Coran, à des entraînements paramilitaires, des rassemblements au cours desquels on assiste à des décapitations, voire des exécutions lors desquelles les bourreaux, arme au poing, ont une douzaine d'années. En plus de l'endoctrinement et des horreurs auxquelles ils ont pu assister, ces enfants, comme tous les rescapés de zones de guerre, auront vécu des mois, voire des années, dans des régions touchées par les privations, les bombardements et les raids aériens. 

La resocialisation à l'oeuvre

Il existait des dizaines de camps d'entraînement sur le territoire capturé par Daech, des milliers d'enfants devenus des adolescents sont concernés. Dans ces camps, les enfants étaient constitués en unités, chacune correspondant à une région du monde. Certains enfants, encadrés par des djihadistes français, avaient 13 ou 14 ans, raconte l'un de ces adolescents enrôlé par Daech. Pour le père Patrick Desbois, président de Yahad-In Unum, l'important est désormais d'ouvrir un "sas de réintégration en Irak ou en Syrie pour qu'ils se retrouvent dans un environnement d'un pays musulman sans Daech". Dans ce camp, c'est ce principe de "resocialisation" qui est à l'oeuvre, avec du sport intensif et de l'enseignement sur la base du volontariat.

Avec l'offensive turque en Syrie, de nombreux camps de prisonniers tenus par les Kurdes menacent d'être libérés. Environ 300 femmes et enfants français se trouvent aux mains des forces kurdes soumises depuis le 9 octobre à une offensive turque qui a déjà provoqué l'évasion de centaines de djihadistes, selon les autorités kurdes. 


La rédaction de TF1info

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