"Disparue du Vatican" : 40 ans après, l'affaire Emanuela Orlandi continue de hanter le Saint-Siège

Publié le 11 janvier 2023 à 12h17

Source : TF1 Info

Le Vatican a ouvert une enquête mardi 10 janvier, 40 ans après la disparition d'une adolescente, fille d'un travailleur du Saint-Siège.
Emanuela Orlandi, 15 ans au moment des faits, n'a jamais été retrouvée depuis 1983.
Retour sur une histoire qui hante les esprits italiens.

C'est un fait divers jamais résolu. L'un de ceux qui défraie la chronique depuis des décennies et remue des théories impliquant la mafia et le Vatican depuis quarante ans. Emanuela Orlandi, fille d'un employé de la Préfecture de la maison pontificale, a disparu le 22 juin 1983 à la sortie d'un cours de musique, piazza San Appollinare, à Rome, et n'a jamais été retrouvée. Depuis des années, son frère, Pietro Orlandi accuse le Vatican de complicité et de silence. 

Ce mardi 10 janvier, "le promoteur de justice" du Vatican, l'équivalent d'un procureur, "a ouvert une enquête", réclamée depuis des décennies par la famille, a indiqué le service de presse du Saint-Siège. L'avocate de la famille, Laura Sgro, souhaite désormais connaître les intentions de la justice vaticane. "Nous ne savons pas ce que va faire le Vatican", a-t-elle déclaré à l'AFP. "Dans les prochaines heures, je demanderai une rencontre au promoteur de justice pour comprendre. Jusqu'à présent, le Vatican n'a rien fait."

Enlèvement, mafia, parties fines...

Plusieurs pistes ont été évoquées pour expliquer la disparition de l'adolescente. Tout d'abord, celle de la fugue exploitée par la police, mais qui ne mènera à rien : sa famille reçoit des messages lui disant qu'Emanuela va bien. Puis arrive un conflit entre la justice italienne et le Vatican. Emanuela Orlandi est une citoyenne du Vatican, mais a disparu sur le territoire italien, à Rome. Deux semaines après sa disparition, un appel anonyme propose de relâcher la jeune fille en échange de la libération de Mehmet Ali Agca, l'auteur de l'attentat contre le Pape Jean-Paul II. On explore aussi la piste de l'enlèvement par un groupe criminel pour recouvrer un prêt auprès de l'ancien président américain de la banque du Vatican, Paul Marcinkus. 

La piste de la mafia est également étudiée : il se murmure qu'il y a peut-être quelque chose dans la tombe d'Enrico De Pedis, l'ancien chef de la bande de la Magliana, qui terrorisa Rome dans les années 1970-1980. En 2005, au cours d'une émission télévisée, un homme avait préconisé l'ouverture de la tombe du "boss", d'autant que l'ancienne maîtresse du patron de la bande avait aussi affirmé que ce dernier était impliqué dans la disparition et le meurtre de la jeune fille.

Selon elle, son corps avait été jeté dans une bétonnière dans la banlieue de Rome. La tombe du "boss" a été ouverte, mais ne contenait que la dépouille de De Pedis. Il y eut aussi le père Gabriele Amorth, exorciste du Vatican, qui avait déclaré qu'Emanuela Orlandi a été enlevée par un gendarme du Vatican pour participer à des parties fines, avant d'être assassinée. Selon lui, une ambassade étrangère était impliquée dans cette affaire. Là encore, sans succès.

La piste des ossements...

Énième rebondissement en septembre 2017, lorsqu'un journaliste d'investigation italien rend public un document signé par un cardinal pouvant accréditer la thèse selon laquelle le Saint-Siège a dépensé des millions pour cacher la jeune fille dans des instituts religieux à Londres jusqu'en 1997. Le Vatican a démenti. Puis l'année suivante, de mystérieux ossements sont découverts dans une propriété cédée au Saint-Siège par des ouvriers effectuant des travaux de terrassement, à Rome, dans un petit bâtiment situé dans le parc de l'ambassade du Saint-siège auprès de l'Italie. 

De quoi lancer une nouvelle piste, d'autant que de troublantes coïncidences ont été relevées par les médias italiens. La somptueuse résidence, entourée d'un grand parc, fut donnée au Saint-Siège en 1949 par un industriel et sénateur juif, qui s'était inscrit au parti national fasciste (PNF) puis s'était converti au catholicisme. Plusieurs liens sont faits entre cette "Villa Giorgina" située au 29 de la rue Po. Surtout, un membre important d'une bande de malfaiteurs, régulièrement associée à la disparition d'Emanuela Orlandi, habitait au numéro 25 de la rue Po, à deux pas de l'ambassade, entre 1983 et 1985. Des examens scientifiques avaient finalement conclu que les ossements, très anciens, n'étaient pas ceux de la jeune fille. 

"Cherchez à l'endroit où pointe l'ange"

En 2018, l'avocate de la famille Orlandi reçoit un message lui intimant : "Cherchez à l'endroit où pointe l'ange", accompagné d'une photographie montrant des plaques tombales. Un ange sculpté en marbre lisant sur une tablette l'inscription "Repose en paix" trône effectivement dans le cimetière teutonique du Vatican. Alors, dans un nouvel élan d'espoir, la famille dépose une demande de vérification de la tombe.

Le Vatican en a finalement ouvert deux, adjacentes, afin d'éliminer d'éventuels doutes sur la sépulture indiquée par l'ange. Pour l'avocate Laura Sgro, "il est temps maintenant de donner des réponses à cette famille". Elle est persuadée qu'il y a encore "des personnes en vie qui savent" et se taisent "par omerta, par peur ou par commodité personnelle".

VATICAN MEDIA / AFP

Alors les fouilles ont été entreprises, en juillet 2019. Un nouvel échec. "Il n'y avait rien", a expliqué, "soulagé", Pietro Orlandi, le frère d'Emanuela, après avoir assisté à l'opération. "J'espère qu'on ira de l'avant avec une collaboration honnête. Tant que je ne trouverai pas Emanuela, mon devoir sera de chercher la vérité." Le mystère reste entier et le fantôme d'Emanuela Orlandi risque de continuer à hanter les rues de Rome, en attendant les conclusions de l'enquête désormais ouverte.


La rédaction de TF1info

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