La France visée à Jeddah ? "C'est l'hypothèse la plus vraisemblable"

R.L.V.
Publié le 11 novembre 2020 à 14h16

Source : TF1 Info

DECRYPTAGE - Un attentat à l'explosif a été perpétré ce mercredi au cimetière non musulman de Jeddah, ville de l'ouest de l'Arabie saoudite, lors d'une cérémonie commémorant l'armistice du 11 novembre 1918. Interrogé ce mercredi sur LCI, le géopolitologue Frédéric Encel analyse les motivations de cette attaque, la deuxième visant des intérêts français.

Jeddah serait-elle devenue un lieu particulièrement sensible ? Cette ville où a eu lieu ce mercredi un attentat à l'explosif perpétré dans un cimetière non-musulman à l'occasion de la cérémonie du 11-Novembre, "est l'un des lieux les plus ouverts au monde au sein de ce royaume extraordinairement fermé", selon le maître de conférences à Sciences Po Paris Frédéric Encel, sur LCI. "

Ces dernières années, le royaume saoudien, dirigé "par une famille qui a épousé depuis le XVIIIe siècle le wahhabisme" et

critiqué pour la promotion cette "version extrêmement rigoriste de l'islam", tente de se présenter sous un nouveau jour, avec des réformes sociales libérales entreprises sous l'impulsion de Mohammed Ben Salmane, qui a dans le même temps accentué la répression des voix dissidentes depuis son accession au statut de prince héritier en 2017. "Ces dernières années, il y a effectivement eu une ouverture sous l'égide du prince héritier qu'on surnomme MBS" poursuit le politologue. "Mais, manifestement, une partie importante de l'opinion, plus précisément des cercles ultra-conservateurs, n'acceptent pas ces réformes. On a vu ces dernières années des contestations, des attentats contre des intérêts occidentaux."  

Parmi les hypothèses, un double objectif : "gêner le prince héritier vis-à-vis des occidentaux" et "envoyer un message fort à la France"

Plusieurs pays étaient représentés à Jeddah, ce mercredi pour la célébration de ce 102 anniversaire de l'armistice conclu entre l'Allemagne et les Alliés, qui marqua la fin de la Première guerre mondiale. La France, qui figurait parmi ces pays, était-elle la première visée ? "C'est trop tôt pour le dire mais, parmi les hypothèses à formuler, c'est l'hypothèse la plus vraisemblable" assure le géopolitologue. "Tout d'abord, parce que nous sommes dans une séquence qui suit ce qui s'est passé ces dernières semaines" - il s'agit de la deuxième attaque visant des intérêts français à Jeddah après celle du 29 octobre contre un vigile du consulat de France, sur fond d'une série d'attentats jihadistes en France mais aussi à Vienne le 2 novembre.   

"De manière plus générale, c'est une tentative des mouvances les plus ultra-conservatrices en Arabie Saoudite de faire échouer les réformes du prince héritier MBS" précise-t-il. "Il n'y a rien de plus 'efficace' pour frapper un pouvoir dont on n'aime pas les réformes que de le mettre en porte-à-faux, et donc en difficulté, sur le plan sécuritaire vis-à-vis des occidentaux. Ces occidentaux dont le pouvoir cherche à obtenir le soutien. Cela ne m'étonnerait pas que ce nous soyons confrontés à ce type de manoeuvre." 

Deux hypothèses donc qui ne seraient pas exclusives l'une de l'autre pour expliquer ce qui s'est passé : "On peut très bien imaginer un attentat de nature islamiste dont les deux objectifs seraient de gêner le prince héritier vis-à-vis des occidentaux et d'envoyer un message fort à la France, peut-être de manière plus générale aux Européens et aux occidentaux" résume Frédéric Encel. 

Ce dernier ajoute par ailleurs que "ces dernières décennies, les islamistes radicaux en Algérie, en Afghanistan, en Syrie ou ailleurs ont toujours tenté de toucher deux-trois objectifs à la fois, certains symboliques, d'autres parfaitement concrets". 


R.L.V.

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