La Turquie pointée du doigt par RSF : "Il est presque impossible d'exercer un journalisme indépendant"

Publié le 13 décembre 2016 à 16h53
La Turquie pointée du doigt par RSF : "Il est presque impossible d'exercer un journalisme indépendant"
Source : Can Erok/AP/SIPA

TÉMOIGNAGE - Plus de 100 journalistes et collaborateurs de médias se trouvent actuellement dans les prisons turques, selon le Bilan 2016 de Reporters sans frontières. En cause : l'autoritarisme du président Erdogan, confronté à un putsch avorté cet été. LCI a interrogé Erol Önderoglu, correspondant dans le pays de RSF.

La Turquie, "plus grande prison du monde" pour les journalistes. Six mois après le putsch avorté, le pouvoir a muselé la liberté d'expression : selon le bilan de Reporters sans Frontières (RSF) publié ce mardi, plus de 100 journalistes et collaborateurs de médias se trouvent aujourd’hui dans les geôles du président Recep Tayyip Erdogan. Une situation qui pourrait encore s'empirer.

C'est en tout cas l'avis de Erol Önderoglu. Joint par LCI, le correspondant de RSF l'assure : "Il est presque impossible d'exercer un journalisme indépendant en Turquie dans la mesure où le gouvernement a pris le contrôle de plus de 80% des médias grand public." Selon ce journaliste, "il ne reste plus au gouvernement que de réduire au silence un petit nombre de quotidiens critiques, ce qui est sur le point d'être malheureusement accompli."

"Insulte au président de la République"

Ce défenseur de la liberté de la presse a lui-même fait les frais du régime islamo-conservateur d'Erdogan. En juin dernier (avant même la tentative de coup d'Etat et la reprise en main qui a suivi), après son audition par un tribunal d’Istanbul dans le cadre d’une enquête lancée à son encontre pour "propagande terroriste", il avait été incarcéré durant une dizaine de jours. Son crime : avoir pris symboliquement la direction éditoriale du journal Özgür Gündem, dans le collimateur de la justice et des autorités. Son procès, qui s'est ouvert début novembre, a été reporté en janvier. Il encourt une peine de prison de 14 ans.

"La pression des autorités s'exerce sur divers plan", nous explique Erol dans un français courant. "Un journaliste grand public peut être confronté à une campagne d'hostilité via les réseaux sociaux, face à des trolls "envoyés" par le gouvernement. Il arrive que des procureurs les convoquent et qu'ils fassent l'objet d'une autre forme d'arbitraire et d'intimidation." Et ce reporter de 47 ans d'ajouter : "Quand la police débarque au domicile d'un journaliste, il s'agit en général d'accusations concernant une offense au président ou à un représentant du gouvernement. Souvent, le prétexte à ces opérations est une analyse du portable ou de l'ordinateur de la personne concernée".  Et quand ce n’est pas pour “insulte au président de la République”, c’est pour “terrorisme” que les journalistes sont traînés par centaines devant la justice, estime RSF. 

Conséquence, nombreux sont ceux à envisager l'exil. C'est en tout cas ce qu'ils racontent à Erol Önderoglu : "Des journalistes viennent nous voir et nous disent : 'Sous l'état d'urgence, avec ce climat d'intimidation, il n'est plus possible pour nous de prolonger notre carrière, nous sommes incriminés à vie ou accusés de soutenir les putschistes, d'affiliation avec des mouvements terroristes'. Donc ils préfèrent partir.

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Thomas GUIEN

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