Le combat de Naoto Matsumura, le "dernier homme de Fukushima"

Publié le 10 mars 2014 à 19h31
Le combat de Naoto Matsumura, le "dernier homme de Fukushima"

NUCLEAIRE – Invité par les écologistes, Naoto Matsumura racontera son histoire mardi au Parlement européen. C'est une des premières fois que ce Japonais de 53 ans s'aventure aussi loin de chez lui : il y a trois ans, lors de la catastrophe nucléaire de Fukushima, ce paysan fut le seul habitant à avoir refusé de partir, pour s'occuper des animaux laissés sur place, à l'abandon.

Il n'avait jamais manifesté avant. Ni contre le nucléaire, ni contre rien d'autre d'ailleurs. En bon Japonais, Naoto Matsumura n'exprimait pas ses idées en public, et certainement pas dans la rue. La catastrophe de Fukushima, il y a trois ans jour pour jour mardi, a tout changé. Dimanche, d'aucuns ont pu apercevoir cet homme de 53 ans au visage affable, cheveux blancs et fine moustache, manifester à 10.000 kilomètres de chez lui auprès des antinucléaires français vers la centrale de Fessenheim, en Alsace. Mardi, invité par les écologistes, l'homme livrera son témoignage au Parlement européen.

Car en trois ans, Naoto Matsumara est devenu un symbole de résistance, bien au-delà des frontières de son pays. Celui de l'homme seul contre tous, le simple fermier qui s'est élevé contre le puissant lobby du nucléaire. Surnommé le "dernier homme de Fukushima" , ce paysan a en effet refusé de suivre l’ordre d’évacuation lancé par son gouvernement en mars 2011, peu après la catastrophe, préférant s'occuper des bêtes. Lui qui ne vivait qu'à 12 kilomètres de la centrale accidentée est resté là, passant ses journées à nourrir les animaux laissés à l'abandon, mourant de faim ou d’irradiation. Des centaines de vaches, de cochons, de chats et de chiens, qui sont aujourd’hui sa seule compagnie.

"Irradié", il est aujourd'hui un "paria dans son pays"

"Au lendemain de l’accident, la seule chose à laquelle j’ai pensé a été de sauver des animaux", explique l'homme, adepte de la religion shintoïste, pour qui aucune espère n'est supérieure à l'autre dans la nature. "Maintenant, je ne peux plus arrêter", confie-t-il encore. Dans cette vie d'ermite, sans électricité, il ne lui reste comme unique lien vers l'extérieur qu'un téléphone et un ordinateur, qu'il alimente grâce à un générateur de secours pour partager son expérience sur Internet.

Interrogé sur les risques pour sa santé, l'homme semble à la fois résigné et serein. "Pour l’instant je n’ai rien. Peut-être que dans trois ou cinq ans, je verrai les conséquences de la catastrophe sur ma santé", écrit-il . Lucide, il sait qu'il est "irradié" – "j'ai des particules radioactives" – ce qui lui vaut d'être considéré comme un "paria" dans son pays.

"La France ou le Japon, c'est pareil"

Derrière la candeur, il y a la colère. Lorsqu'il évoque le nucléaire, son discours se politise. Ses ennemis, aujourd'hui, s'appellent Tepco, géant du nucléaire Japonais, ou Edf... "Des menteurs", assène-t-il. Comme les gouvernements, qui "cachent la vérité". Fukushima en fut un exemple. Juste après la catastrophe, le gouvernement a minimisé les risques, expliquant d'abord aux gens qu'ils pouvaient rester chez eux. Aujourd'hui, il vient d'autoriser les habitants à retourner dans leurs foyers, jusqu'à 20 kilomètres de la centrale, "malgré des taux de radioactivité toujours très élevés", explique l'agriculteur.

Une hypocrisie qui vaut aussi pour l'hexagone, selon lui. "Vous les Français, vous pensez que vos centrales nucléaires sont sûres parce que vos techniques sont meilleures ?" interrogeait-il dimanche, en marge de la manifestation de Fessenheim. "Mais au Japon, c'était pareil, on nous disait que c'était sûr...". Dans la vie de Natao Matsumura, il y aura un avant et un après Fukushima. Sa vie d'avant, il dit ne pas la regretter. Aujourd'hui, Natao se sent "parfois un peu seul" mais investi d'une nouvelle mission. Un combat qu'il compte "mener jusqu'à la fin".
 


La rédaction de TF1info

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