Les forces turques prennent Afrine : la France inquiète, les Kurdes dénoncent un "nettoyage ethnique"

Publié le 19 mars 2018 à 21h02
Les forces turques prennent Afrine : la France inquiète, les Kurdes dénoncent un "nettoyage ethnique"

SYRIE - Ce dimanche, la ville d'Afrine, jusqu'alors aux mains de la milice kurde YPG est tombée. Le gouvernement turc se félicite de cette victoire face à ce qu'elle estime être un groupe "terroriste" alors qu'une grande partie de la communauté internationale, dont la France, fait part de ses inquiétudes. Plus de 200.000 civils auraient fui la zone. Les forces kurdes évoquent un "nettoyage ethnique."

Depuis le 20 janvier, le gouvernement turc attaque sans relâche l'enclave kurde d'Afrine, une ville située au nord de la Syrie. Le but d'Ankara : annihiler la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considérée comme "terroriste" par la Turquie mais allié précieux de Washington dans la lutte contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI). Ce dimanche, Afrine est tombée.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) fait état de plus de 1.500 combattants kurdes tués, ainsi que de 400 rebelles syriens proturcs. Quelque 250.000 civils auraient également fui les violences dans la ville. "C'est le chaos généralisé", a ajouté l'ONG qui dispose d'un vaste réseau de sources sur le terrain. Des correspondants de l'AFP affirment avoir vu des magasins saccagés, des combattants syriens pro-Ankara chargeant pêle-mêle dans des pick-up cartons de nourriture, chèvres, couvertures et même des motos, avant de quitter la ville.

"Une grande victoire pour Erdogan"

Pour la Turquie, seule la victoire compte. "Nous avons laissé derrière nous l'étape la plus importante de l'opération" lancée dans le nord-ouest syrien, s'est félicité ce lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan. Et il ne compte pas s'arrêter là :   "Maintenant, nous allons poursuivre ce processus jusqu'à la destruction totale de ce corridor constitué de Minbej, Aïn al-Arab (nom de Kobané en arabe), Tal Abyad, Ras al-Aïn et Qamichli", a-t-il ajouté.

"C'est une grande victoire pour Erdogan", estime l'analyste Fabrice Balanche cité par l'AFP, confirmant que la Turquie construit "une zone d'influence dans le nord" syrien. "Le rêve d'autonomie des Kurdes s'effondre. Les YPG vont se faire écraser par la Turquie (...)", assure ce spécialiste de la Syrie.

Critiques de la communauté internationale

Cette victoire militaire turque a cependant été virulemment critiquée par une grande partie de la communauté internationale. Le régime syrien tout d'abord a condamné lundi "l'occupation turque" et réclamé "le retrait immédiat" des troupes d'Ankara, même s'il n'a jamais véritablement répondu à l'appel à l'aide des forces kurdes.

Washington a de son côté mis en garde Ankara, son allié à l'OTAN : le Pentagone a appelé à "rester concentré" sur la lutte contre le groupe Etat islamique. "Nous avons à plusieurs reprises exprimé notre profonde préoccupation aux autorités turques à propos de la situation à Afrine", a également indiqué la porte-parole du département d'Etat, Heather Nauert, dans un communiqué. "Il semble que la plus grande partie de la population de la ville, qui est à majorité kurde, a dû évacuer sous la menace d'une attaque des forces armées turques et des forces d'opposition soutenues par la Turquie", ajoute-t-elle, dénonçant également des scènes de pillage.  

La situation humanitaire inquiète aussi la France. Lors d'un entretien téléphonique avec Vladimir Poutine, "le président de la République a fait part de sa grande préoccupation sur la situation tant dans le canton d'Afrine que dans la Ghouta orientale, et a appelé la Russie à faire ses meilleurs efforts pour que cessent les combats et les pertes civiles", précise l'Elysée dans un communiqué.

Khaled Issa, représentant en France du Kurdistan syrien (Rojava), qui contrôle une partie du nord et du nord-est de la Syrie repris depuis deux ans aux groupes djihadistes  va plus loin : "Ce qui se passe à Afrine est un nettoyage ethnique, et les grandes puissances restent spectatrices".


La rédaction de TF1info

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