Les Panama Papers : un an après, tout, ou presque, reste à faire

Publié le 3 avril 2017 à 20h51, mis à jour le 3 avril 2017 à 22h11
Les Panama Papers : un an après, tout, ou presque, reste à faire

LENTEUR – Les Panama Papers, révélés il y a un an tout juste, ont mis en lumière l’opacité des paradis fiscaux et des sphères financières. Mais s’ils ont permis quelques avancées en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, il reste énormément à faire. Explications avec Eric Alt, vice-président de l’association anti-corruption Anticor.

Tout, ou presque, reste à faire. Un an tout juste après la révélation des Panama Papers par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, les Panama Papers – 11,5 millions de documents issus du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca –, l’opacité des paradis fiscaux et des sphères financières, mise en lumière à l’époque, ne semble pas s’être vraiment atténuée. 

Et pour cause : s’ils ont permis quelques avancées en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, à l’instar de l’échange automatique d’informations bancaires entre les Etats, de (très) nombreuses choses pourraient encore être accomplies, comme nous le détaille Éric Alt, magistrat et vice-président de l’association anti-corruption Anticor, qui organisait lundi 3 avril une conférence avec les candidats à la présidentielle ou leurs représentants (exception faite de François Fillon, nous disait-elle). D'après lui, certaines mesures pourraient pourtant permettre de combattre efficacement ce problème.

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Augmenter les moyens matériels et humains

"Les services compétents en ce domaine (de lutte contre la fraude et l’évasion, ndlr) sont en difficulté", assure Éric Alt, citant en exemple le Parquet national financier (PNF), l’Office centrale de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ou encore les services de la Direction des finances publiques, qui ont vu leurs effectifs se réduire à peau de chagrin ces derniers mois. Des réductions d'effectifs dont, chose rare souligne Éric Alt, l'OCLCIFF s'est directement fait écho récemment par voie de communiqué. 

"Il faudrait un renforcement de ces moyens", poursuit le magistrat. "Ce sont des enjeux juridiques et financiers relativement modestes. On parle de quelques centaines de fonctionnaires, de quelques dizaines de policiers, alors que de l’autre côté on parle d’une fourchette de 60 à 80 milliards d’euros de perdus chaque année à cause de la fraude et de l’évitement de l’impôt en France, soit l’équivalent de notre déficit annuel. Et ce chiffre monte même à 1000 milliards pour l’UE, d’après les estimations avancées par la Commission européenne." 

Des progrès à faire au niveau européen et international

Pour Anticor, si la lutte doit évidemment avoir lieu au niveau national, des mesures continentales et internationales devraient également être prises. "Sur le plan européen, la transparence des bénéficiaires de trusts et de sociétés écrans est en route mais pas encore en place car il y a des résistances fortes", précise Éric Alt. "Il faut donc accélérer les choses." 

Mais là n’est pas le plus urgent à ses yeux. Selon lui, la lutte contre la concurrence fiscale, qu’il juge "déloyale", au sein même de l’UE, devrait ainsi être l’une des priorités des pays du Vieux continent. "Il n’est pas acceptable qu’il y ait un dumping fiscal dont bénéficient certains Etats, comme le Luxembourg, l’Irlande ou les Pays-Bas, alors que les autres Etats perdent autant de recettes fiscales dans le même temps. Il faut que les règles soient harmonisées." 

Des harmonisations qui pourraient être décidées dans le cadre de grandes conférences internationales, comme le préconise l’association. "Comme la COP21 pour la lutte contre le réchauffement climatique, il faudrait un débat et une entente entre les pays sur la question de l’évasion fiscale et de l’évitement de l’impôt", estime Éric Alt.

Un manque de leadership et de volonté politique

A priori relativement simples à mettre en place, ces mesures se heurtent pour l’instant à un manque de volonté politique et de leadership. "La France ou l’Allemagne sont volontaires sur ces sujets mais se résignent sans doute trop vite face à l’obstruction d’un certain nombre d’autres pays européens", explique encore le magistrat, pour qui le problème vient avant tout des pays du nord, comme les Etats-Unis avec le Delaware, ou des grandes places financières, comme la City à Londres, qui autorisent ce genre de pratiques. 

"Cela pose aussi le problème de l’architecture européenne", ajoute Éric Alt. "Car si certaines mesures contre la fraude peuvent être prises par coopération renforcée entre les pays, les mesures d’unification (d’harmonisation) de la base fiscale doivent être prises à l’unanimité. Et comme certains Etats y sont opposés, elles ne seront pas prises." Un an après la révélation des Panama Papers, tout, ou presque, reste donc encore à faire.


Alexandre DECROIX

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