Liban, Grèce, Irak : pourquoi la tension monte entre la France et la Turquie

Publié le 13 août 2020 à 16h40, mis à jour le 14 août 2020 à 13h17
Recep Tayyip Erdoğan est président de la Turquie depuis 2014, après avoir été Premier ministre durant 11 ans
Recep Tayyip Erdoğan est président de la Turquie depuis 2014, après avoir été Premier ministre durant 11 ans - Source : AFP

DIPLOMATIE - Recep Tayyip Erdogan s'en est pris à Emmanuel Macron, sur fond de tensions croissante entre les deux pays. Le président turc a qualifié le déplacement du chef de l'Etat à Beyrouth de "spectacle" et fustigé une intervention "colonialiste". Une escalade diplomatique qui s'est poursuivie vendredi.

Les tensions diplomatiques entre la France et la Turquie montent d'un cran. Depuis jeudi matin Recep Tayyip Erdogan, a directement critiqué à deux reprises Emmanuel Macron dans sa gestion de la crise libanaise et des tensions entre la Turquie et la Grèce. 

Jeudi, devant un parterre de responsables provinciaux du parti présidentiel AKP réunis à Ankara, le leader turc a accusé son homologue français d'avoir des visées "coloniales" sur le Liban.  Vendredi matin, la diplomatie turque a également accusé la France de se comporter "comme un caïd" en Méditerranée. 

Ces nouvelles attaques virulentes de Recep Tayyip Erdogan interviennent dans un contexte de tensions croissantes entre la Turquie et la France, liées notamment à des intérêts divergents en Libye et en Méditerranée orientale. Une situation qui a poussé la diplomatie allemande à appeler, vendredi, les parties prenantes à la "désescalade". 

Rivalité au Liban

"Ce que Macron et compagnie veulent, c'est rétablir l'ordre colonial (au Liban)", a scandé Recep Tayyip Erdoğan. "Nous, ce n'est pas courir après les photos ou faire le spectacle devant les caméras qui nous intéresse", s'est-il défendu. La Turquie, pays voisin du Liban, a également proposé son soutien aux Libanais. Le Vice-président turc Fuat Oktay, deuxième personnage de l'Etat, s'était rendu au Liban deux jours après Emmanuel Macron. En revanche, il s'était lui ostensiblement affiché avec les autorités politiques libanaises pour présenter son programme d'aide. La Turquie a notamment promis un appui sanitaire et médical pour les hôpitaux de la capitale libanaise dévastés. 

Conflit maritime avec la Grèce

Le président Erdogan a évoqué en premier lieu le conflit maritime qui l'oppose à la Grèce, qui a conduit la France, mercredi, à annoncer un renforcement de sa présence militaire en Méditerranée orientale. La découverte, ces dernières années, de gisements gaziers prometteurs attise dans ce secteur les appétits d'Ankara. Le 11 août, un navire turc de recherche sismique, accompagné de frégates militaires, se trouvait se trouvait dans un secteur partiellement occupé par la zone maritime grecque, non loin de l’île de Karpathos (située entre la Grèce et les côtes turques). Une réunion des ministres européens des Affaires étrangères est prévue vendredi à ce sujet.

Dans ce contexte, la France a décidé de renforcer sa présence militaire dans la zone. Deux Rafale ont stationné en Crète et la frégate Lafayette était en route pour un exercice militaire conjoint. 

"Nous ne laissons aucun pays dénigrer nos droits", a prévenu de son côté le président Erdogan. La Turquie conteste le découpage des eaux territoriales dans la région, mais également la présence militaire de la France, un "pays qui n'a pas de littoral en Méditerranée orientale", le sommant de "ne pas se croire plus grand qu'il ne l'est".

Tensions autour d'une intervention en Irak

Autre volet dans ce conflit diplomatique entre Paris et Ankara : le tir de drone turc qui a coûté la vie à deux hauts gradés irakiens dans le nord de l'Irak. Un acte qualifié d'"agression flagrante" par l'armée irakienne. La France demande à ce que "toute la lumière" soit faite sur cet incident. La Turquie mène depuis des semaines des frappes aériennes contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, opposition kurde en Turquie) au Kurdistan d'Irak, estimant être dans son droit en bombardant des positions du PKK qu'elle considère comme une organisation "terroriste". 

"La France est profondément attachée au plein respect de la souveraineté irakienne" et "condamne toute violation de cette souveraineté", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian lors d'un déplacement à Bagdad. 

Cette montée des tensions entre les deux pays n'est pas une première. Le 10 juin dernier, le navire français Le Courbet, déployé au large de la Libye pour identifier un cargo suspecté d'être impliqué dans un trafic d'armes, avait fait l'objet de trois illuminations radar, ce qui équivaut à un marquage de cible, de la part d'une frégate turque. Un geste considéré comme hostile selon les règles d'engagement de l'Otan, alliance militaire dont la France et la Turquie font pourtant partie. 


La rédaction de TF1info

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