Manifestations en Algérie : qui sont les "3B" dont le peuple réclame le départ?

Publié le 8 avril 2019 à 19h59

Source : JT 13h Semaine

ALGÉRIE - Malgré le départ d'Abdelaziz Bouteflika, les rues algériennes étaient encore bondées ce vendredi. Les manifestants ont voulu faire entendre leur refus de l'ancien "système" appelant notamment au départ des "3B" : Abdelkader Bensalah, Tayeb Belaiz et Noureddine Bedoui.

Pour la première fois depuis vingt ans, l’Algérie n’est plus dirigée par Abdelaziz Bouteflika. Mais le peuple est tout de même descendu massivement dans les rues ce vendredi 5 avril. Nouvelle cible de la contestation : le "système" et notamment trois hommes. Issus du "vieux monde" que les manifestants veulent "dégager", ils s’appellent Abdelkader Bensalah, Tayeb Belaiz et Noureddine Bedoui. Ou les "3B", comme l’ont écrit et scandé les Algériens dans les cortèges.

Ce nouveau slogan fait référence à trois hommes d’État. Proches du pouvoir en place depuis une vingtaine d'années pour certains, ils tiennent un rôle-clé dans le processus de transition politique et ont tous entre 59 et 70 ans. C’est aussi un clin d’œil historique à la guerre d’indépendance, comme le note le site francophone Tout sur l’Algérie. Bien que ces nouveaux "3B" fassent "figure d’enfants de chœur" par rapport à leurs prédécesseurs, ces anciens fidèles serviteurs d’Abdelaziz Bouteflika sont devenus la nouvelle cible de la colère.

Abdelkader Bensalah, chef d’État par intérim

Premier nom sur la liste, Abdelkader Bensalah. À 77 ans, c’est un pur produit du régime. Il a même déjà connu la transition. C’est lui qui était à la tête du "Conseil national de la transition"… en janvier 1992. Il a ensuite été placé à la tête du Conseil de la Nation, l’équivalent du Sénat, par l'ancien président démissionnaire lors de son tout premier mandat. Un poste qu'il occupe donc depuis près de dix-sept ans. 

Outre le fait qu’il soit depuis bien longtemps dans le système, il est également très proche d'Abdelaziz Bouteflika. Ces dernières années, c'est même lui qui le représentait lors de visites officielles dans le pays. Il a également défendu la révision de la Constitution en 2008 qui a permis la suppression de la limitation des mandats. Et donc a ouvert la possibilité à Bouteflika  d’être président si longtemps. 

C'est donc à cet homme qu'incombe désormais la tâche de remplacer Abdelazi Bouteflika. Il devrait prendre la tête du pays par intérim ce mardi, lorsque l’article 102 de la Constitution sera actionné par le Conseil constitutionnel et le Parlement réuni en ses deux chambres. 

Une perspective qui déplaît. Et ce jusqu’au sein de la rédaction du très officiel quotidien gouvernemental El Moudjahid. Dans un éditorial publié ce dimanche, on estime qu’il faut écarter Abdelkader Bensalah en le remplaçant à la tête de la Chambre haute. "Il faudrait trouver le plus tôt possible une solution à la question de la présidence du Conseil de la Nation, du moment que l’actuelle figure ne semble pas être tolérée par le mouvement citoyen."

Tayeb Belaiz, chargé de contrôler la régularité du scrutin

Lui aussi est septuagénaire. Et lui aussi est en place depuis seize ans. Tayeb Belaiz a enchaîné différents postes. Dès 1999, l’ancien magistrat devient membre de la Commission nationale de la réforme de la justice. Un comité créé par le président Bouteflika lors de son premier mandat. C’est ce qui lui donnera ensuite accès, en 2003, au ministère la Justice. Poste auquel, dès son arrivée, un ex-juge d’instruction dépose plainte contre lui, comme le rappelle le quotidien Jeune Afrique. Tayeb Belaiz est accusé d’avoir couvert des actes de torture. La plainte a été classée sans suite.

Plus tard, en mars 2012, Abdelaziz Bouteflika a nommé ce proche à la tête du Conseil constitutionnel. Des fonctions qu’il quitte avant d’y revenir il y a près de deux mois, le 10 février, encore une fois à la demande de l’ancien président. Le jour du serment, il avait juré loyauté au chef de l’État. Composé de douze membres, le Conseil constitutionnel a pour rôle de valider les candidatures à la présidentielle, de contrôler la régularité du scrutin et d'en proclamer les résultats définitifs. Un rôle-clé attribué à cet homme de main. Qui est également le troisième homme du pouvoir. Et donc un possible chef d’État par intérim, selon le protocole, si Abdelkader Bensalah venait à renoncer à ce poste.

Noureddine Bedoui, proche du frère d’Abdelaziz Bouteflika

Il est lui aussi l'un des hommes forts de l'ancien gouvernement d'Abdelaziz Bouteflika. Cependant, il rompt avec le "clan Bouteflika". Plus jeunes qu’eux, adepte des réseaux sociaux, diplômé de l’ENA d’Alger et originaire de la capitale, il est même un temps devenu la coqueluche des médias grâce à son dynamisme et sa faculté à répondre aux questions sur tous les dossiers d’actualité. Il est issu d’une génération plus jeune que celle de l’ancien président. Et serait donc surtout un proche de Nacer Bouteflika, le frère cadet du président Bouteflika, selon plusieurs médias algériens et Middle East Eye, un site anglais spécialisé sur les questions du Moyen-Orient. 

Mais cet homme est mal perçu par les manifestants. Nommé Premier ministre le 11 mars dernier, il était jusqu'alors ministre de l'Intérieur depuis 2015. Il était alors chargé d'organiser les dernières élections. Boycottées par plusieurs têtes de l’opposition qui les jugeaient frauduleuses, elles avaient permis au président Bouteflika de gagner avec 82% des voix. Un passé que le quotidien El Watan, partisan de la contestation décrit dans un édito comme un "parcours peu honorable d’ingénieur en chef de la fraude électorale et d’ennemi des libertés".


Felicia SIDERIS

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