Manifestations en Iran : le coup de poker de Hassan Rohani

Publié le 4 janvier 2018 à 15h49
Manifestations en Iran : le coup de poker de Hassan Rohani
Source : HO / IRANIAN PRESIDENCY / AFP

DÉCRYPTAGE - Le président iranien marche sur un fil ces derniers jours, confronté à une vague de contestation inédite depuis sa réélection en mai dernier. Une contestation dont il pourrait ressortir vainqueur... comme vaincu. Explications.

Hassan Rohani va-t-il parvenir à faire taire ce qu'il considère comme une "petite minorité" ? Le président iranien y croit dur comme fer. Après une semaine de manifestations dans plusieurs villes du pays, qui se sont soldées par 21 morts, le dirigeant a estimé mercredi soir qu'elles cesseraient "dans quelques jours". Les troubles de ces derniers jours sonnent quoiqu'il en soit comme un désaveu pour celui qui a été réélu il y a moins d'un an.

Le président s'est en effet maintenu au pouvoir en promettant d'améliorer l'économie et les libertés civiles. Il également mené une sorte de bataille avec les puissants Gardiens de la Révolution (l'armée d'élite du régime) ces dernières années, en tentant d'instaurer davantage de transparence dans leurs affaires économiques, qu'il veut rendre imposables. Des promesses considérées comme vaines par les récentes manifestations, qui illustrent la profonde frustration de la population face à l'absence de progrès.

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"Situation dangereuse"

"Les prix augmentent sur les produits de premières nécessités, les pensions diminuent, d'autres ne sont plus payées… Les Iraniens s'attendaient à une croissance économique en flèche après l'adoption de l'accord sur le nucléaire, et à la place on leur annonce un budget d'austérité", constate pour LCI Vincent Eiffling chercheur associé à l'université catholique de Louvain et spécialiste de l'Iran. Et d'ajouter : "Les couches populaires ont le sentiment d'être les "oubliés", qu'ils ne sont pas pris en compte par le gouvernement." Selon le chercheur, Hassan Rohani aurait tout à perdre si le mouvement venait à prendre de l'ampleur. "La situation est  dangereuse : il a fait mine de comprendre les manifestations, en reconnaissant des revendications légitimes. Mais si la contestation ne faiblit pas, les conservateurs pourraient prendre la main dans l'échiquier politique iranien."

L'hypothèse selon laquelle Hassan Rohani pourrait tirer profit des troubles actuels n'est cependant pas à exclure. "Si le mouvement s'essouffle, il pourrait s'en trouver renforcer en disant que le pays a échappé à une crise grave et qu'il faut avancer dans la direction que lui-même préconise", estime Vincent Eiffling. Selon le chercheur, "le président a d'ailleurs préparé le terrain dans son discours, mardi, en disant : "Si nous en sommes là, c'est car mes idées ne sont pas appliquées correctement."

"Il n'est pas un réformateur mais un centriste modéré"

Des idées qui étaient au cœur de sa campagne, il y a un an. Celui qu'on surnomme le "cheick diplomate" pour son rôle durant les négociations sur le dossier nucléaire avait alors défendu ses propositions sur les libertés, la culture ou la tolérance concernant le port du voile par les femmes. Il avait alors durci le ton à l'égard de ses adversaires conservateurs qu'il accusait d'être dans "une logique d'interdiction". Selon lui, l'époque "des partisans de la violence et des extrémistes est révolue". 

Des propos qui contrastent avec les événements de ces dernières heures, puisque les Gardiens de la révolution , l'armée d'élite du pouvoir, était à la manœuvre pour mater les opposants…Surprenant ? Pas forcément, tant ce religieux âgé de 68 ans est un pilier de la République islamique, dont il connait tous les rouages. Et l'ensemble de l'échiquier politique : présent au côté de l'imam Khomeiny lors de son exil en France avant la révolution islamique de 1979, Rohani entame ensuite une longue carrière politique, se classant jusque dans les années 2000 dans les rangs des conservateurs avant de se rapprocher des modérés et réformateurs. "Il n'est pas un réformateur mais un centriste modéré, relève Vincent Eiffling. Il veut pérenniser le régime de la république islamiste dans le temps, tout en voulant faire bouger certaines choses dans son pays."


Thomas GUIEN

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