Menacée par Daech, la Turquie a-t-elle joué avec le feu ?

Publié le 9 octobre 2014 à 14h45
Menacée par Daech, la Turquie a-t-elle joué avec le feu ?

MOYEN-ORIENT - Le groupe islamiste, aux portes de la Turquie, semble bénéficier de sa complaisance. Didier Billion, spécialiste de la Turquie, apporte son éclairage.

Depuis la percée fulgurante de Daech en Irak et en Syrie au printemps, la Turquie semble faire preuve de retenue, voire de complaisance, envers le groupe islamiste. Qu'en est-il vraiment ? Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient, commente les trois éléments qui sèment le doute.

> La Turquie a soutenu les organisations djihadistes présentes en Syrie, dont Daech.

"Il est incontestable que la Turquie fait preuve d'une complaisance envers les trafics d'armes illégaux à sa frontière avec la Syrie, bien que celle-ci soit compliquée à surveiller. Depuis 2011, la Turquie a fait de la chute de Bachar Al-Assad une obsession, ce qui l'a amené à soutenir les différentes composantes de la rébellion syrienne, dont le Conseil national syrien et l'Armée syrienne libre. Dans ce chaos, les plus radicaux se sont imposés, Daech a pris le dessus du pavé. Mais je parlerais plus d'un piège dans lequel la Turquie s'est laissée enfermer plutôt que de double jeu."

> La Turquie ne participe pas aux opérations militaires contre Daech bien qu'elle soit voisine du conflit.

"Les Turcs considèrent que les opérations de bombardements aériens menées par la coalition ne suffiront pas, et ils ont raison. Il n'y a pour l'instant ni mandat de l'ONU ni objectif clair dans ces frappes. Le Parlement turc a adopté jeudi dernier une résolution autorisant l'armée à intervenir au sol si la Turquie le décidait, mais elle ne veut pas y aller toute seule. Et vu qu'aucun membre de la coalition ne veut débarquer des soldats, le pays se retrouve dans une position diplomatique plutôt confortable."

"Et puis il y a la question kurde. C'est clair et net que la Turquie redoute davantage la potentielle création d'un Etat kurde indépendant à sa frontière que la menace de Daech. Elle ne veut pas aider les Kurdes de Syrie car cela pourrait renforcer le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation qu'elle considère comme terroriste."

> La Turquie a échangé 180 combattants de Daech, selon le Times , pour libérer 46 de ses ressortissants retenus en otage.

"Je ne possède pas les éléments précis des tractations. Les déclarations officielles formulées lors des prises d'otage ne reflètent jamais la vraie nature des tractations. On ne peut pas reprocher à un Etat de négocier avec une organisation terroriste pour libérer des otages."


La rédaction de TF1info

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