Le "Angry black man", ce concept raciste toujours ancré dans la société américaine

Publié le 21 avril 2021 à 11h00, mis à jour le 21 avril 2021 à 11h10
Le "Angry black man", ce concept raciste toujours ancré dans la société américaine
Source : AFP

INTERVIEW – Si Derek Chauvin a été reconnu coupable mardi du meurtre de George Floyd, le 1er rapport de la police de Minneapolis avait d'abord indiqué que ce dernier s'était débattu face aux policiers, pour masquer une bavure évidente. Ce mensonge fait référence à un concept bien ancré dans une société américaine toujours minée par le racisme : le "angry black man".

[EDIT : Cet article a initialement été publié le 6 juin 2020]

"Coupable". A l'annonce du verdict visant Derek Chauvin, a foule a exulté devant le tribunal de Minneapolis mardi. Car beaucoup craignaient que le policier échappe à la sanction pour le meurtre de George Floyd, comme dans de précédentes affaires de violences policières à l'encontre d'Afro-Américains.

Dans son premier rapport publié peu après les faits lundi 25 mai, la police de Minneapolis avait d'ailleurs indiqué que George Floyd s'était débattu, ce qui justifiait l'intervention violente dont il a fait l'objet. L'exploitation des images de vidéosurveillance prouvera l'inverse. Ainsi que la vidéo de l'arrestation à l'issue de laquelle cet homme de 46 ans a fini par succomber. 

Sans ces deux preuves irréfutables, George Floyd, décrit par ses proches comme un "doux géant",  aurait donc pu être tenu responsable de la violence des policiers. Une justification de cette bavure qui n'est pas une première et fait référence à un cliché raciste largement ancré dans la société américaine : le "angry black man". Journaliste à TF1 et spécialiste des Etats-Unis, Guillaume Debré nous éclaire sur ce terme et sa résonance dans une Amérique qui a vu, une nouvelle fois, resurgir au grand jour un racisme toujours bien ancré.

D'où vient ce concept raciste du "angry black man" ?

Il s’agit d’un concept particulier qui décrit une inquiétude viscérale profondément ancrée dans l’inconscient collectif du Blanc américain. Elle est liée à la crainte qu’un jour la communauté afro-américaine se révolte pour se "venger" de la communauté blanche. Cette pensée collective puise aux sources de la société américaine. En France, la société s’est bâtie sur la lutte des classes, aux Etats-Unis, elle se structure autour de la couleur de peau s’appuyant sur l’opposition Blancs-Noirs. Le clivage entre les communautés blanches et noires structure le débat politique américain. Il le nourrit et l’alimente.

Quelles sont les implications de cette peur viscérale ? 

L’inquiétude de la communauté blanche vis-à-vis des Noirs aux Etats-Unis est utilisée pour justifier des tactiques policières plus musclées. On assiste en fait à une sorte de répression préventive. Le "angry black man" permet de justifier la diabolisation et la bestialisation de certains jeunes Noirs. Aux Etats-Unis, la culture politique afro-américaine a longtemps été vindicative. En d’autres termes, la demande des réparations constituerait le fondement de l’action politique des Noirs américains. Cela effraye une partie de la communauté blanche.

Tout cela explique que les Blancs ont une incapacité à s’incarner politiquement dans un homme politique noir. A ce titre, l’élection de Barack Obama a représenté une grande césure politique. Il a fait croire aux Blancs que l’Amérique était entrée dans une ère post-raciale Pourtant, très rapidement le mirage s’est évaporé. Avec Donald Trump au pouvoir, cette ère post raciale a rarement semblé aussi peu d’actualité.

Qu’est-ce que cela révèle sur la société américaine ? 

Le racisme est ancré dans la société américaine. Le rêve américain se fonde sur l’idée que "mes enfants seront mieux lotis que moi", qu’il est possible de monter dans l’échelle sociale. La seule communauté aux Etats-Unis pour laquelle cela ne s’est pas produit c’est la communauté noire. La réalité statistique est indiscutable et impitoyable. La population afro-américaine représente 12% de la population américaine. Elle constitue pourtant 33% de la population carcérale et environ 20% des Afro-Américains vivent sous le seuil de pauvreté. Il s’agit d’inégalités sociales terribles et que les chiffres révèlent sans filtre. 

*Auteur de "Je twitte donc je suis, l’art de gouverner selon Donald Trump"


Maxence GEVIN

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