Mexique : pourquoi les assassinats de prêtres se multiplient

Publié le 21 septembre 2016 à 18h28, mis à jour le 26 septembre 2016 à 8h55
Mexique : pourquoi les assassinats de prêtres se multiplient

DÉCRYPTAGE - Les corps de trois prêtres ont été retrouvés en une semaine au Mexique. Au total, 15 ecclésiastiques ont été tués depuis 2012. La faute aux cartels, mais pas seulement. Explications.

Un prêtre de l'État de Michoacan au Mexique a été retrouvé mort samedi. Une semaine plus tôt, c’est à Papantla, une petite localité de l’Etat de Veracruz, que les corps d’Alejo Nabor Jiménez Juárez et José Alfredo Suárez de la Cruz avaient été retrouvés. Les trois prêtres ont été tués par balles, pour un motif encore inconnu. Seule certitude : les ecclésiastiques sont plus que jamais ciblés au Mexique, où 14 d’entre eux ont été assassinés depuis 2012. 

Il s’agit du pays "le plus dangereux d'Amérique latine pour un prêtre" devant la Colombie, le Brésil et le Venezuela, soulignait en février le Centre multimédia catholique, peu avant une visite du pape François dans le pays. Ce dernier a d’ailleurs réagi après la mort des deux prêtres, se disant "profondément attristé" de la mort de ces deux hommes "victimes d’une violence inexcusable". 

"Nous te tuerons"

Pour Jean Rivelois, cette violence ne doit rien au hasard. Selon ce sociologue et chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) interrogé par LCI, "les églises aident, à travers leurs associations, les clandestins d’Amérique centrale à traverser le Mexique pour se rendre aux Etats-Unis. Or ces migrants sont souvent l’objet d’enlèvements ou de vols de la part des narcotrafiquants et des autorités policières. Un fait que dénoncent certains prêtres. Au risque d’être eux-mêmes enlevés, torturés ou assassinées".

Alejandro Solalinde, un prêtre devenu populaire pour avoir ouvert un centre d'hébergement pour migrants dans l'Etat de Oaxaca, au sud du pays, a ainsi dû fuir temporairement le Mexique en 2012. "Nous te tuerons" disait l'un des messages reçus par l’homme de foi qui l’assure : "Ma tête était même mise à prix. Ils offraient 5 millions de pesos (358.000 euros environ) pour me tuer".

"Les narcos peuvent être bienveillants"

Aussi étonnantes soient-elles dans le second pays catholique du monde, ces menaces illustrent la violence du conflit qui gangrène le Mexique. Un pays où, depuis dix ans, plus de 166.000 personnes ont été tuées et plus de 27.000 sont portées disparues. "Les hommes d’église paient le prix de leur engagement, humanitaire comme social. Tout ce qui concerne les droits de l’homme est l’ennemi des narcotrafiquants". 

Ces derniers peuvent néanmoins se montrer cléments… à condition de ne pas déborder sur leur terrain : "La plupart du temps, les narco sont bienveillants, ils peuvent aider les paroisses à restaurer les églises et les cimetières, précise Jean Rivelois. Ils sont très croyants et respectent l’homme d’église. Jusqu’à ce que ce dernier s’oppose à leur implantation sur le territoire."


Thomas GUIEN

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