Montréal autorisé à déverser un tiers de ses égouts dans le fleuve Saint-Laurent

par Nicolas VANEL
Publié le 10 novembre 2015 à 15h13
Montréal autorisé à déverser un tiers de ses égouts dans le fleuve Saint-Laurent

CANADA - Dans le cadre d'imposants travaux routiers à Montréal, la métropole québécoise va déverser un tiers de ses égouts dans le fleuve Saint-Laurent. Un rejet qui représente huit milliards de litres d'eaux usées, ce qui soulève des inquiétudes pour l'écosystème du fleuve et la distribution d'eau potable dans la région.

A peine en poste, la nouvelle ministre de l'environnement canadienne Catherine McKenna a dû trancher un dossier délicat. Ce lundi, en effet, elle a autorisé le déversement temporaire d'une partie des égouts de Montréal dans le fleuve Saint-Laurent. Soient quelque 8 milliards de litres d'eau usée et de déchets en tout genre - l'équivalent de la production parisienne hebdomadaire - vidés directement dans le grand fleuve de l'est canadien, sans passer par l'usine d'épuration.

En cause, des travaux autoroutiers majeurs lancés dans la deuxième plus grande ville du Canada, qui obligent les autorités à assécher une importante conduite acheminant en temps normal un tiers des eaux usées de la ville vers une station d'épuration. Concrètement, ce sont l’équivalent de 2600 piscines olympiques que Montréal s'apprête à rejeter durant une semaine le long de la rive sud du fleuve. Long de 1100 km, le Saint-Laurent se jette dans l'Atlantique nord et abrite de nombreuses espèces, dont des baleines, ainsi que l'unique colonie de bélugas en dehors de l’Arctique, et fournit 45% de l'eau potable consommée par les huit millions de Québécois.

"D’autres déversements" interviendront dans le Saint-Laurent

Selon les responsables politiques, aucune autre solution n'était envisageable. Néanmoins, la précédente ministre de l’environnement canadienne, la conservatrice Leona Aglukkaq, avait suspendu l'autorisation de déversement le temps d'effectuer une expertise indépendante sur cette mesure contestable.

A défaut d'abandonner les travaux déjà maintes fois reportés, les experts ont conclu qu'un rejet encadré des eaux usées comportait moins de risques qu'un éventuel déversement accidentel lié à la rupture d'une conduite. Cependant, ces derniers préconisent diverses mesures de protection de l’environnement, comme l'utilisation d'un bateau-citerne capable de récupérer les matières impropres vidées dans le fleuve, ainsi que l'installation d'unités mobiles de traitement aux endroits où les rejets sont potentiellement toxiques, comme les centres médicaux. Surtout, le groupe d'experts estime qu'au vu de la vétusté du réseau d'égouts montréalais "d’autres réparations devront être faites", qui entraîneront "d’autres déversements dans le Saint-Laurent".

"Je suis inquiète qu'il puisse y avoir un impact" écologique

Les précautions préconisées par les experts mandatés par Ottawa ne devraient cependant pas être satisfaites par la mairie de Montréal qui considère, selon son porte-parole, que "le fleuve a une capacité de dilution importante, avec un débit de 6.000 à 7.000 mètres cubes par seconde." Et d'affirmer : "ce n'est pas une préoccupation majeure pour l'environnement", selon des propos rapportés par la presse québécoise.

Un avis que ne semble cependant pas partager Catherine McKenna qui, bien qu’autorisant le déversement, s'inquiète des conséquences : "Je reconnais que ce déversement est loin d’être souhaitable, mais c’est un dossier dont j’ai hérité comme ministre", a-t-elle déclaré depuis Paris, où elle participe à une réunion en préparation du sommet sur le climat ."Je suis inquiète qu'il puisse y avoir un impact" sur la biodiversité du Saint-Laurent, a-t-elle même ajouté.

Inquiétudes en aval de Montréal

Les inquiétudes sont grandes également dans les villes en aval du fleuve. Le maire de la ville de Sorel-Tracyn, située à moins de 100 km de Montréal, craint ainsi pour l'écosystème du lac Saint-Pierre, reconnu par l'Unesco. "Oui, on nous parle de dilution, mais rien n'empêche que toute cette quantité [d'eaux usées] va passer chez nous", a ainsi déclaré Serge Péloquin, cité par Radio Canada . En guise de comparaisons, l'édile de Trois-Rivières, une ville de plus 160.000 habitants, affirme de son côté : "Si on prend les 8 milliards de litres qui vont être déversés durant ces 7 journées-là, c'est comme si la Ville de Trois-Rivières déverserait ses eaux usées pendant 114 jours." De quoi en effet s'inquiéter de la dégradation de l'environnement du fleuve.

Pour tenter d'atténuer ces craintes, l'Etat fédéral a assorti son décret d’autorisation de plusieurs contraintes parmi lesquelles l'obligation faite à la ville de Montréal d'effectuer "une surveillance visuelle" permanente des eaux usées rejetées et de mettre en place "des barrages flottants ou d’autres mesures" devront également être mises en place par les autorités montréalaises "si des matières remontent à la surface", a indiqué le ministère. La Ville devra enfin effectuer des relevés sur la qualité de l'eau et de la flore autour des points de rejet et ce, jusqu'en juin 2016.

A LIRE AUSSI
>> Canada : Justin Trudeau prend le pouvoir, Stephen Harper se retire

>> Climat : à quoi ressembleront les mégalopoles après la montée des eaux


Nicolas VANEL

Tout
TF1 Info