MOUVEMENT – Après la réémergence du mouvement Black Lives Matter suite à la mort de George Floyd aux Etats-Unis, celui du Blue Lives Matter a également refait surface. Retour sur ses origines et sa doctrine.
Lui aussi revient en force. En parallèle de Black Lives Matter, "la vie des noirs compte", mouvement antiraciste né en 2014 aux Etats-Unis et réveillé aujourd’hui après le meurtre de George Floyd par un policier de Minneapolis (Minnesota), un autre mouvement a réémergé dans l’espace public, prenant son contrepied : celui de Blue Lives Matter, "les vies bleues comptent", en référence à la couleur des uniformes des policiers.
Lancé en 2014, peu après les homicides de deux agents du NYPD, Rafael Ramos et Wanjjan Liu, à Brooklyn, le 20 décembre de cette année-là, il est également une réponse à la popularité du mouvement antiraciste.
Soutien moral et financier, mais aussi lobbying
Créé d’abord pour aider moralement et soutenir financièrement les forces de l’ordre ainsi que leurs proches, il vise plus largement à faire voter une législation dans chaque Etat punissant les auteurs de crimes envers des policiers en vertu des lois sur les crimes de haine, pénalement plus sévères que le droit commun. En mai 2016, l’Etat de Louisiane a sauté le pas en proposant une loi Blue Lives Matter incluant dans les crimes de haine le ciblage d’un individu "en raison d’un emploi réel ou perçu comme officier chargé de l’application des lois ou pompiers".
Si l’on revient à ses origines, la création de Blue Lives Matter NYC est à l’initiative de trois agents du NYPD : le sergent Joseph Imperatrice et les officiers Chris Brinkley et Carlos Delgado qui ont commencé par distribuer des bracelets portant cette devise à la mémoire de leurs deux collègues tués. Aujourd’hui, cette association à but non lucratif fédère policiers et agents fédéraux actifs comme retraités.
Le sergent Joseph Imperatrice a d’ailleurs pris la parole mercredi 3 juin dans les colonnes de Newsweek, réagissant aux émeutes dans le pays et dans sa ville. "Ces derniers jours à New York ont été difficiles à regarder. Des années de dur labeur et de dévouement de la part des policiers ont été effacées et ont reculé", déplore-t-il.
Celui qui officie au NYPD depuis plus de 14 ans écrit plus loin : " Les officiers de New York et du pays sont impressionnés par ce qui se passe. Ils sont blessés. Des centaines d'officiers se sont fait voler la vie au fil des ans, défendant ces personnes qui se comportent désormais comme des déviants. C'est la gifle ultime pour tous les Américains. (…) Chaque officier a honte de ce qu'a fait cet officier du Minnesota".
Au vu des tensions autour des pratiques de violences policières, le mouvement ne suscite pas que l’adhésion. Dans le Washington Post, l’historien Matthew Guariglia décortique en 2017 l'expression "vies bleues", qu’il rejette point par point. "La police au 21e siècle a besoin d'un recadrage et d'une réforme drastiques. Pas vers des vies bleues, mais vers un sens plus large de l'identité, qui comprend la police comme étant la même chose que les civils, plutôt qu'une classe distincte qui cherche la sienne", affirme-t-il.
Une autre critique vise à pointer l’absurdité, voire l’obscénité, du parallélisme entre les persécutions à l’encontre de personnes noires et à l’encontre de policiers. C'est ainsi que la chroniqueuse Miranda Jackson-Nudelman dénonce en 2019 dans le journal américain Pipe Dream : "La couleur bleue si corrélée avec les forces de police n'est pas due à leur magnifique peau bleue Avatar, mais à un uniforme qui peut être facilement retiré à la fin de la journée. (…) Alors que la police peut simplement changer de garde-robe, ce n'est pas une solution aussi simple pour les personnes de couleur".