Pakistan : l'acquittement de la chrétienne Asia Bibi confirmé, la Cour suprême ouvre la voie à son départ

Publié le 29 janvier 2019 à 17h39, mis à jour le 29 janvier 2019 à 18h56
Pakistan : l'acquittement de la chrétienne Asia Bibi confirmé, la Cour suprême ouvre la voie à son départ
Source : AFP PHOTO / British Pakistani Christian Association

LIBRE - Condamnée à mort pour "blasphème" en 2010, la chrétienne Asia Bibi est désormais libre. La Cour suprême du Pakistan s'est opposée ce mardi à l'ouverture d'une procédure en appel contre son acquittement, une décision qui devrait permettre à la jeune femme de quitter son pays à l'issue d'une longue saga judiciaire.

La Cour suprême pakistanaise a ouvert ce mardi 29 janvier la voie au départ du pays de la chrétienne Asia Bibi en rejetant un dernier recours contre son acquittement, à l'issue d'une longue saga judiciaire au retentissement international. La plus haute instance judiciaire pakistanaise, qui avait acquitté la jeune femme le 31 octobre 2018, s'est opposée à l'ouverture d'une procédure en appel contre cette décision, réclamée par Qari Saalam, l'imam du village où elle avait été accusée de blasphème. 

"Ce recours est rejeté", a déclaré le juge Asif Saeed Khosa, chef de la Cour suprême, au terme d'une audience bondée d'un peu plus d'une heure à Islamabad, la capitale du Pakistan. Plus rien n'empêche désormais Asia Bibi, condamnée à mort en 2010 pour "blasphème" envers l'islam après une altercation entre voisines, de quitter ce pays musulman très conservateur où elle vit actuellement sous haute protection dans un endroit inconnu, étant de longue date une cible pour les extrémistes. 

Elle est libre de quitter le Pakistan, de vivre où elle veut et de profiter de la vie
Me Saif-ul-Mulook, l'avocat d'Asia Bibi

On ignorait dans l'immédiat si Asia Bibi entendait quitter le pays mais son avocat Saif-ul-Mulook a laissé entendre mardi que cette option était sur la table. "Je crois que pour le moment elle est ici, mais qu'en sera-t-il ce soir, je ne sais pas", a-t-il dit à des journalistes. "Elle est libre de quitter le Pakistan, de vivre où elle veut et de profiter de la vie". 

"Asia Bibi doit enfin obtenir sa liberté et la fin de son épreuve. (...) Elle doit être libre de retrouver sa famille et d'être en sécurité dans le pays de son choix", a renchéri Amnesty International. La cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a salué une "conclusion longuement attendue (et) positive", et appelé Islamabad à continuer "d'assurer la sécurité d'Asia Bibi et de sa famille". On lui prête l'intention de demander l'asile dans un pays européen ou au Canada où ses enfants se trouveraient déjà.

La Cour suprême avait décidé le 31 octobre d'acquitter Asia Bibi et de la libérer après huit années passées dans le couloir de la mort. Ce verdict avait provoqué la fureur des milieux islamistes radicaux. Des milliers d'entre eux, dont des sympathisants du parti islamiste Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), étaient descendus dans les rues pour exiger sa pendaison, bloquant le pays trois jours durant et poussant le gouvernement du Premier ministre Imran Khan à signer un accord controversé avec eux.

La colère des islamistes radicaux

Le verdict rendu mardi pourrait à nouveau attiser la colère des islamistes radicaux. "Nous n'accepterons en aucun cas un jugement contre le Coran", a averti le TLP dans un communiqué, promettant "un mouvement qui sera vu par le monde entier" si la justice rendait une décision favorable à "la blasphématrice". Mais le Tehreek-e-Labaik Pakistan apparaît affaibli après l'arrestation à l'automne de son chef Khadim Hussain Rizvi et de centaines de ses partisans. Ils étaient peu nombreux mardi à manifester devant la Cour suprême, a constaté l'AFP. "Elle mérite d'être tuée, conformément à la Charia", a lancé l'un d'eux, Hafiz Ehtisham Ahmed, un militant islamiste lié la très radicale Mosquée rouge d'Islamabad. "Si elle part à l'étranger, n'y a-t-il pas des musulmans qui  vivent là-bas ? Si elle quitte le Pakistan, n'importe qui peut la tuer là-bas", a-t-il menacé.

Pour les experts en droit, la décision de la Cour suprême pakistanaise était largement attendue. Le recours de l'imam Saalam était "frivole", "ni en accord avec les précédents verdicts de la Cour suprême, ni en accord avec la loi", avait estimé l'avocat Saif-Ul-Mulook avant la décision. Le cas d'Asia Bibi, ouvrière agricole chrétienne âgée d'une cinquantaine d'années, a eu ces dernières années un retentissement international, obtenant le soutien du pape Benoît XVI puis de son successeur, François.

Au Pakistan même, où le blasphème est un sujet sensible et où des accusations suffisent à provoquer des lynchages meurtriers, l'affaire divise l'opinion. Les défenseurs des Droits de l'homme dénoncent des lois instrumentalisées pour régler des conflits personnels. Le sujet est si incendiaire que de simples appels à la réforme peuvent entraîner des violences.


La rédaction de TF1info

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