Le parcours politique déroutant d'Alexeï Navalny, principal opposant à Poutine

Publié le 9 février 2021 à 12h10

Source : JT 20h WE

OPPOSITION - Depuis son retour en Russie le 17 janvier, Alexeï Navalny agite le débat, au point que 5.000 personnes ont été arrêtées lors de manifestations réclamant sa libération. Le 2 février, il a été condamné à trois ans de prison. Retour sur le parcours de l'opposant au Kremlin.

Pourfendeur de la corruption des élites, opposant numéro un à Vladimir Poutine, figure incontournable des réseaux sociaux… Alexeï Navalny est affublé de plusieurs qualificatifs, chacun illustrant une caractéristique de ce personnage incontournable de la scène politique russe. Difficile pour autant de cerner tous les contours d'une personnalité complexe, l'homme ayant fait un grand écart idéologique et multiplié les coups d'éclat parfois contradictoires.

Ses convictions politiques, Alexeï Navalny a commencé à se les forger à la fin des années 1990. Fraichement diplômé en droit de l'université de l'Amitié des peuples, le jeune étudiant file en 1997 étudier à l'université des finances du gouvernement russe. Puis ce sera Yale, aux États-Unis, ce qui lui permet de soigner son côté pro-occidental. En parallèle, il intègre le parti d'opposition libéral Iabloko. Son aventure sera de courte durée : il est exclu du mouvement en 2007 pour ses prises de position nationalistes.

"Pourquoi les Russes devraient-ils se tenir à l'écart ?"

Ce nationalisme, l'avocat en droit des affaires va le cultiver au fil des ans, s'autorisant à mettre les pieds dans des rassemblements aux relents racistes au début des années 2010 quand il lance sa carrière politique. Par exemple à la Marche russe, ce grand raout qui se déroule chaque année avec la fine fleur de la mouvance nationaliste : militants ultraorthodoxes, nationaux-bolcheviques, sympathisants néonazis, nostalgiques de l'empire tsariste… "En Europe, et particulièrement en France, où Alain Delon soutient Marine Le Pen, le nationalisme modéré se développe. Pourquoi les Russes devraient-ils se tenir à l'écart ?", se défend en 2013 Alexeï Navalny, qui préfère cette année-là éviter de se joindre au cortège… mais invite ses partisans à venir en grossir les rangs. 

À l'époque, le militant n'est déjà plus un inconnu du grand public. En particulier grâce au Fonds de lutte contre la corruption, qu'il a créé en 2012. Financé par des dons d'hommes d'affaires sympathisants, cette structure lui permet de critiquer le régime en place. Alexeï Navalny s'impose vite dans le débat public grâce à ce qui devient son thème fétiche, porté par son charisme et la véhémence de ses prises de parole. Son site internet Rospil, qui traque les faits de corruption en décortiquant comptes et appels d'offre de l'administration, lui assure sa publicité.

Des "vues conservatrices"

Des années plus tard, l'homme assume : dans un entretien avec l'AFP en 2018, il se disait "fier" de son travail pour relier "les branches traditionnelles de l’opposition en Russie, libérale et soi-disant nationaliste". Il dit en garder "des vues conservatrices" sur le plan migratoire, souhaitant l'introduction de visas pour les ressortissants des ex-républiques soviétiques d'Asie centrale, d'où provient une grande partie de l'immigration économique. 

Ses "vues conservatrices", le candidat aurait bien aimé les défendre devant les urnes. Problème : depuis sa percée en 2013 à Moscou, il a été interdit de participer à une élection, la justice trouvant à chaque occasion un moyen de le disqualifier. Année après année, l'homme a néanmoins accordé des dizaines d'interviews, dans lesquelles il affûte un programme résolument libéral. Mais ses tentatives de séduction auprès de l'électorat conservateur et certaines convictions continuent de diviser l'opinion. Notamment en 2014, quand il tarde à dénoncer la politique menée par Moscou en Ukraine et qu'il plaide pour un nouveau référendum pour déterminer le futur de la Crimée, fraichement annexée. 

Quel avenir pour l'ennemi juré du Kremlin ? Alexeï Navalny est la cible de multiples affaires judiciaires depuis son retour en Russie le 17 janvier après des mois de convalescence en Allemagne pour un empoisonnement dont il accuse le président Vladimir Poutine d'être responsable. "Je fais de la politique depuis longtemps, je suis souvent arrêté (...) C'est simplement une partie de la vie", avait-il relativisé il y a quelques années. "Je fais le travail que je préfère, les gens me soutiennent, j'ai de nombreux partisans. Qu'est-ce qui peut rendre un homme plus heureux ?"

Le 2 février, un tribunal moscovite a ordonné l'emprisonnement pour près de trois ans de l'opposant Alexeï Navalny, entraînant la condamnation unanime de l'Occident, sur fond de répression d'un mouvement de contestation. La juge Natalia Repnikova avait estimé que le principal détracteur de Vladimir Poutine avait violé son contrôle judiciaire et devait en conséquence purger une peine de trois ans et demi de prison avec sursis datant de 2014, moins une dizaine de mois passés cette année-là assigné à résidence.


Thomas GUIEN

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