Procédure de destitution contre Trump : l'"impeachment", une solution déjà utilisée mais jamais concrétisée

Publié le 25 septembre 2019 à 16h52, mis à jour le 13 novembre 2019 à 15h01

Source : JT 20h Semaine

DANS LE RÉTRO - Alors que Nancy Pelosi, la cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, a annoncé mardi 25 septembre 2019 le lancement d'une procédure de destitution contre Donald Trump, LCI fait un retour sur les précédents dans l'histoire américaine.

Une attaque frontale aux faibles chances d’aboutir et un coup de tonnerre politique. Voilà comment on peut décrire la déclaration de Nancy Pelosi. Mardi 25 septembre 2019, la cheffe des démocrates à la Chambre des représentants a annoncé qu’elle lançait une procédure de destitution ("impeachment" en anglais, ndlr) contre le président américain, Donald Trump. "Les actes du président jusqu'à ce jour ont violé la Constitution", a-t-elle assuré. 

Donald Trump est désormais soupçonné d’avoir demandé en juillet dernier lors d’une conversation téléphonique avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, d’enquêter sur son principal rival démocrate à l’élection présidentielle de 2020, l’ancien vice-président Joe Biden. Dans le transcription de la conversation publiée ce mardi, on découvre que Donald Trump a bien au président ukrainien d'enquêter sur son rival.

À quelque 400 jours de l’élection présidentielle, déclencher une procédure de destitution - une procédure qui vise à retirer le président de son poste et qui doit être votée par les 2/3 des sénateurs pour être validée - est un pari très risqué pour les démocrates, surtout que le soutien populaire n’est pas là. En effet, seulement 38% de la population soutient l’idée de destituer le président Trump. En plus de la faible popularité d’une telle procédure, les précédents historiques montrent que l’"impeachment" est une décision très risquée politiquement car elle n’a jamais abouti à la destitution d’un président. Retour sur les faits.

Seulement deux précédents

Sur 45 présidents des États-Unis, seulement deux d’entre eux ont eu à connaître une procédure de destitution engagée à leur encontre. Le premier est le démocrate, Andrew Johnson, en 1868. Propulsé à la présidence après le meurtre d’Abraham Lincoln, Andrew Johnson est très rapidement engagé dans une guerre ouverte avec la frange la plus radicale du parti républicain, qui souhaite mettre en œuvre un programme ambitieux en faveur des anciens esclaves et également punir les états confédérés vaincus lors de la guerre de sécession. Cette volonté d’entraver au maximum sa présidence se poursuit lorsque que le Congrès passe  le "Tenure of Office Act", une loi visant à retirer au président Johnson le droit de révoquer comme il le souhaite les titulaires des plus hautes fonctions de exécutif sans l’accord du Congrès. Il a rapidement décidé d’outrepasser cette nouvelle loi en renvoyant le ministre de la Guerre, Edwin M. Stanton, provoquant la furie de ses adversaires politiques.

Le 24 février 1868, la chambre des représentants décide donc de lancer une procédure d’impeachment contre le chef de l’État pour avoir violé le "Tenure of Office Act". Elle sera votée par 128 voix contre 47. Le 5 mars, le procès du président Johnson débute au Sénat, la chambre haute du Congrès américain, et durera onze semaines. Durant ce procès, l’attitude du président Johnson semble faire changer d’avis aux sénateurs grâce à son attitude conciliante et ses promesses. Le Sénat passe au vote le 16 mai 1868 et rate sa cible. À une voix près, le président Johnson sauve sa tête et reste en place. Il vivra une fin de présidence très compliquée et son parti refusera son investiture pour un second mandat.

En 1998, Bill Clinton devient le deuxième président à faire l'objet d'une procédure de destitution. En novembre 1995, le 42e président des Etats-Unis débute une liaison, qui durera un an et demi, avec la désormais célèbre Monica Lewinsky. En avril 1996, la jeune stagiaire de 21 ans est transférée au Pentagone où elle se confie rapidement à une de ses collègues sur ses relations sexuelles avec le président des États-Unis. L’année suivante, sa collègue, Linda Tripp, commence à enregistrer secrètement ses discussions avec Lewinsky dans lesquelles elle donne davantage de détails sur sa liaison avec Bill Clinton.

Dans le même temps, les avocats de Paula Jones, une femme qui accuse le président d’harcèlement sexuel, font signer une déclaration sous serment à Monica Lewinsky où elle affirme, possiblement sur les conseils de Bill Clinton, solennellement n’avoir jamais eu de relations sexuelles avec le président. Mise au courant de cette déclaration, Linda Tripp livre au procureur indépendant, Kenneth Starr, les enregistrements de ses conversations avec Monica Lewinsky.

Le 21 janvier 1998, le Washington Post révèle que Bill Clinton aurait demandé à la jeune stagiaire de mentir sur sa relation avec lui. Cinq jours plus tard, le président déclare à la télévision et en mondo-vision : "Je n'ai pas eu de relations sexuelles avec cette femme, Mademoiselle Lewinsky." Après avoir reconnu devant un grand jury avoir eu une "une relation inconvenante" avec cette jeune femme, Bill Clinton admet le 17 août 1998 "avoir eu une relation qui n'était pas appropriée".

L’accusation de parjure devant le grand jury et d’obstruction à la justice permet aux Républicains de la Chambre des représentants de lancer une procédure de destitution contre Bill Clinton, le 8 octobre 1998. La mise en accusation pour les faits de parjure et d’obstruction à la justice est votée le 19 décembre 1998. Le 7 janvier 1999, le procès du président débute. Après plusieurs semaines, le Sénat décide de ne pas voter la destitution du président Clinton car certains Républicains jugent ce procès politique. 

Un "impeachment" jamais déclenché

Il existe un cas un peu particulier dans l’histoire des destitutions de président, celui de Richard Nixon. Alors qu'il est empêtré pendant de longs mois dans le scandale d’espionnage politique du Watergate, la Chambre des représentants décide de lancer le 30 octobre 1973 une enquête en vue d’une destitution du 37e président des Etats-Unis. Après des mois d’enquêtes, la commission des affaires judiciaires de la Chambre des représentants propose le 24 juillet 1974 de voter trois chefs d’accusation contre Richard Nixon : l’obstruction à la justice, l’abus de pouvoir et l’outrage au Congrès.

Mais cette procédure n’aboutira pas car, coup de théâtre, "Tricky Dicky" (son surnom), se sachant acculé, décide le 8 août 1974 de démissionner avant même le début de la procédure de destitution.Dans la foulée, il sera gracié par le nouveau président, Gerald Ford, ce qui permet de stopper toutes procédures judiciaires contre lui. 


Antoine LLORCA

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