Quand les experts se penchent sur l’avenir du monde

Michel SCOTT
Publié le 26 novembre 2016 à 13h15, mis à jour le 20 janvier 2017 à 9h59
Quand les experts se penchent sur l’avenir du monde

NOUVELLE ERE. Avec le Brexit, la surprise du 8 novembre, et un paysage général qui épouse les vœux du Kremlin, s’ouvre une nouvelle ère où le retour aux souverainetés concurrence l’idée même de gouvernance mondiale. Comme chaque semaine, Michel Scott, éditorialiste à TF1, vous livre son regard sur l'actualité internationale.

C’est la vertu de ce genre de forum : la World Policy Conférence initiée il y a dix ans par Thierry de Montbrial (président de l’Institut Français des Relations Internationales), s’est toujours donnée pour objectif de décrypter le dessous des cartes, de repérer les stratégies géopolitiques dans un monde en mutation, de faire de la prospective. Tout cela grâce à un panel très relevé d’experts, diplomates, universitaires ou conseillers gouvernementaux des cinq continents. Or cette année a été marquée par deux nouveautés : la tenue de la conférence à Doha au Qatar, et surtout, la soudaine imprévisibilité justement de l’ordre planétaire depuis l’élection de Donald Trump.

Les termes de "fragmentation politique" et de "déglobalisation" ont été avancés. Tous ont insisté sur l’inconnu que représente un Président Trump pour les relations internationales, même si l’idée d’un retour à l’isolationnisme américain a été récusée par certains. Ces derniers parient sur la volonté pragmatique du nouveau locataire de la Maison Blanche, en bon négociateur commercial qu’il est, de simplement repasser les traités en revu à un niveau bilatéral, rien de plus. Mais chacun sent bien qu’avec le Brexit, la surprise du 8 novembre, et un paysage général qui épouse les vœux du Kremlin, s’ouvre une nouvelle ère où le retour aux souverainetés concurrence l’idée même de gouvernance mondiale.

Un aveu, un espoir, une conclusion

Au fil des discussions, j’aurai noté trois choses en particulier : un aveu, un espoir, une conclusion. L’aveu est venu de Sergueï Karaganov, patron du Conseil en charge de la politique extérieure et de défense russe. La rupture de l’ordre mondial, vue de Moscou, date des bombardements sur Belgrade par l’OTAN lors de la guerre au Kosovo en 1999, et peut-être plus anciennement encore de la reconnaissance par les occidentaux de l’indépendance auto-proclamée de la Slovénie et la Croatie mettant fin à l’existence de la Yougoslavie. Dès lors, après le renversement de Kadhafi en 2011, toute l’intervention russe en Syrie aurait pour seul but, non pas de combattre le terrorisme en soi, mais d’envoyer le message suivant : plus aucun gouvernement légitime ne sera dorénavant renversé par la voie des armes. Qu’elles soient celles des F16 ou celles de rebelles djihadistes.

Un même espoir a été formulé curieusement par deux points de vue opposés : celui de Jean-Marc Ayrault et celui d’Ali Babacan, l’ancien vice-premier ministre turc. Il concerne l’Europe. Le premier pense que la rétractation de l’Amérique autour de ses seuls intérêts représente précisément une occasion unique pour l’Europe de se prendre en main, de se reconstruire, politiquement et militairement. Le second, qui a confirmé la poursuite à grande échelle des purges en cours et le rétablissement prochain de la peine de mort dans son pays, a paradoxalement souhaité lui aussi que l’Europe sorte de sa crise existentielle, pour mieux renouer le dialogue avec Ankara lorsque la stabilisation sécuritaire turque serait achevée.

La conclusion est venue d’Hubert Védrine, l’ancien ministre des affaires étrangères. Les "insurrections électorales" dans nos démocraties ont démontré une chose : les peuples y veulent "de l’identité, de la sécurité et de la souveraineté". Les élites, et plus généralement les "forces de la mondialisation" doivent être plus souples, plus patientes, plus humaines. A défaut de quoi, de l’ordre au chaos, il n’y aura qu’un pas.


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