Quelles suites pour les victimes après la mort de Jeffrey Epstein ?

Publié le 14 août 2019 à 21h58

Source : TF1 Info

SCANDALE - La mort de Jeffrey Epstein, accusé de trafic sexuel de jeunes filles, continue de soulever de très nombreuses questions. Parmi celles-ci, celui du sort des victimes et les possibilités qui s'offrent à elles, sur le terrain judiciaire, pour obtenir réparation et voir traduits leurs agresseurs devant la justice.

Depuis son "suicide apparent", selon les termes du procureur de New York, les révélations impliquant Jeffrey Epstein et ses conditions de détention n'en finissent plus. L'homme d'affaires est mort, dans sa cellule de la prison de Manhattan, où il avait été incarcéré après avoir été arrêté à la descente de son avion, sur le tarmac de Teterboro par la police. Il avait été inculpé pour avoir organisé, durant des années, un réseau de dizaines d'exploitation sexuelle de jeunes filles, pour la plupart mineures, qu'il aurait violées, dans ses très nombreuses propriétés. Son procès devait se dérouler courant 2020. 

Sa mort est un coup dur pour ses victimes présumées qui attendaient de le voir être traduit en justice. Quelques-unes d'entre elles ont d'ailleurs fait part de leur déception et de leur colère en apprenant ce décès : en effet, il ne répondra jamais de ses actes devant un tribunal pénal. Reste alors, pour les victimes présumées, la possibilité de mener une action devant le tribunal civil. Une procédure distincte du procès pénal et qui sera chargée de déterminer si les victimes présumées ont subi un préjudice et s'il doit être réparé. 

Plusieurs accusatrices vont attaquer les héritiers d'Epstein pour obtenir réparation, selon les médias américains

Si les accusatrices d'Epstein sont en colère, Lisa Bloom, avocate de certaines des victimes présumées temporise et explique : la mort d'Epstein ne signifie pas que tout soit terminé. Elle a demandé "à ce que tous ses avoirs soient gelés, qu’ils ne soient pas dispersés, mais conservés, afin que ses victimes puissent recevoir des indemnités, à la hauteur des blessures à vie qu’il leur a causées", a expliqué la spécialiste. En effet, plusieurs accusatrices d'Epstein s'apprêteraient à attaquer au civil les héritiers du financier, dont la fortune était estimée à plus de 500 millions de dollars, selon certains médias. 

Selon l'acte d'accusation rendu public par le procureur fédéral de Manhattan, Epstein était accusé d'avoir, entre 2002 et 2005 au moins, fait venir des mineures parfois âgées de 14 ans seulement dans ses résidences de Manhattan et de Palm Beach en Floride "pour se livrer à des actes sexuels avec lui, après quoi il leur donnait des centaines de dollars en liquide". "Il en a aussi payé certaines pour qu'elles recrutent d'autres filles afin qu'elles soient elles aussi abusées par Epstein", peut-on également lire. "Il y a des dizaines de victimes à New York et des dizaines de victimes en Floride", a souligné Geoffrey Berman, procureur de Manhattan, lors d'un point-presse. En demandant à des jeunes filles d'en recruter d'autres, il a pu "tisser une toile de victimes en constante expansion".

L'enquête se poursuit et visera les éventuels complices d'Epstein

A l'annonce de la mort d'Epstein, William Barr, ministre de la justice américain, s'est dit "effaré" par ce décès survenu en détention. Pour lui, cette mort "pose de graves questions". Rapidement, après l'annonce du "suicide apparent" du financier, le FBI a ouvert une enquête. Celle-ci sera menée en parallèle à celle de l'inspection générale du ministère, selon le ministre. Elles auront pour but de comprendre comment le détenu supposé être "le plus surveillé" d’Amérique a pu mettre fin à ses jours. Epstein mort, le procès au pénal de ce dernier n'aura donc pas lieu mais il est fort probable que certains de ses co-accusés doivent répondre de leurs actes devant la justice. C'est en tout cas ce qui se dessine. 

William Barr a promis aux victimes et à leurs familles qu'il poursuivrait l'enquête pour traquer d'éventuels complices des agressions sexuelles dont est accusé Jeffrey Epstein. "Je peux vous assurer que l'enquête va continuer, visant quiconque (ayant été) complice d'Epstein. Aucun complice ne dormira tranquille", a déclaré le ministre lors d'une conférence de presse. "Nous irons au fond des choses (...) il y aura des comptes à rendre", a assuré ce dernier. Ces personnes, sont, semble-t-il déjà identifiées, selon le New York Times.

Geoffrey Berman a, de son côté, assuré la même chose dans un communiqué publié sur le site du district sud de New York. "À ces courageuses jeunes femmes qui se sont déjà manifestées et aux nombreuses autres qui ne l’ont pas encore fait, permettez-moi de réaffirmer que nous restons déterminés à vous défendre et à mener notre enquête sur les faits énoncés dans l’acte d’accusation, qui incluait un chef de complot", a-t-il dit. 

Dans les faits, l'enquête se poursuit. Ce mardi 13 août, le FBI a procédé à des perquisitions dans la résidence caribéenne d'Epstein, sur la petite île de Little Saint James. Cette île est surnommée "l'île de la pédophilie" par certains médias. 

Avant sa mort, la justice américaine s'intéressait à ce réseau de jeunes filles mineures mais aussi à son carnet d'adresses. Un carnet dans lequel les noms de nombreuses personnalités de premier plan apparaissent mais pas seulement. Deux mille documents ont été rendus publics par le tribunal de New York et ceux-ci révèlent des détails sordides sur cette affaire. Le procès à venir annonçait donc des révélations qui auraient pu ternir des réputations de nombreuses personnes haut placées. 

Et en France ?

Puissant hommes d'affaires, Epstein était aussi propriétaire de différentes résidences à travers le monde, dont une à Paris, située Avenue Foch dans le 16e arrondissement de la capitale. C'est d'ailleurs au retour d'un séjour dans la capitale française qu'il a été arrêté par la police à la descente de son avion. Un trajet entre le Bourget et Teterboro dans le New-Jersey que ses deux avions effectuaient régulièrement, selon le site Insider. C'est donc dans l'un des arrondissements les plus cossus de la capitale qu'Epstein qu'avait acquis ce "pied-à-terre" de plusieurs centaines de mètres carrés et dans laquelle il avait installé les bureaux de "Jep", une de ses sociétés.

Rien dans les témoignages n'indique pour le moment qu'Epstein s'est livré à des actes répréhensibles sur le territoire français. Mais Virgina Giurrie, l'une de ses accusatrices, affirme qu'elle a été forcée à faire un "massage érotique" à un homme, "propriétaire d'une grande chaîne hôtelière" sur le territoire français. Pour déterminer s'il y a des victimes de ces actes en France, Adrien Taquet et Marlène Schiappa ont demandé qu'une enquête soit ouverte en France. "Il nous semble ainsi fondamental, pour les victimes, qu'une enquête soit ouverte en France afin que toute la lumière soit faite". "La mort de monsieur Epstein ne doit pas priver les victimes de la justice à laquelle elles ont droit : c'est une condition essentielle à leur reconstruction, c'est aussi une condition à une protection plus efficace à l'avenir d'autres jeunes filles face à ce type de réseaux organisés, face à ce type de prédateurs", ajoutent les secrétaires d'Etat. 

A cela, l'association Innocence en Danger indique pour sa part "avoir eu confirmation que plusieurs victimes du réseau mis en place par Epstein et ses complices sont de nationalité française". Quant au parquet de Paris, il a précisé à nos confrères du Monde qu'il avait commencé à procéder à des "premières vérifications" pour déterminer si une enquête était nécessaire. "Les éléments transmis sont en cours d'analyse et de recoupement", indique le parquet.


La rédaction de TF1info

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