Qui est l'opposant biélorusse arrêté à Minsk après le détournement d'un avion de ligne ?

Publié le 24 mai 2021 à 12h14, mis à jour le 24 mai 2021 à 21h16

Source : TF1 Info

PORTRAIT - Journaliste de 26 ans, Roman Protassevitch se trouvait dimanche dans l’avion détourné par les autorités biélorusses. Il a été arrêté lors d’une escale forcée à Minsk et risque la peine de mort, selon une figure de l'opposition.

Il semblerait qu’Alexandre Loukachenko en personne a donné l’ordre de procéder à l’arrestation de Roman Protassevitch. À bord du vol FR4978 reliant Athènes à Vilnius, le journaliste a été interpellé dimanche 23 mai par les autorités de la Biélorussie, lors d’une escale forcée à Minsk, sa capitale.Dans la soirée, lundi 24 mai, le pouvoir biélorusse a annoncé son placement en détention. Quelques instants plus tard, une vidéo du jeune homme, le visage marqué par des ecchymoses, était diffusée à la télévision d'État biélorusse : il y reconnaissait, selon ce que les opposants dénonçaient comme des aveux forcés, "comploter en vue d'organiser des émeutes". Des faits dénoncés aussitôt par la communauté internationale mais rendu possibles par le détournement de l’appareil par un chasseur MiG-29, tandis qu’il passait dans l’espace aérien biélorusse. 

Si la tête de Roman Protassevitch est mise à prix dans le pays, c’est qu’il est considéré comme une figure importante de l’opposition au président Loukachenko, qualifié parfois de dernier dictateur d’Europe. 

Nexta et sa couverture de l'élection de 2020

En exil en Lituanie depuis 2019, ce journaliste de 26 ans ne s’empêche pas cependant de suivre avec ferveur l’évolution de la politique dans son pays, commentant régulièrement les dérives du régime sur les réseaux sociaux et alimentant le mouvement d’opposition. Il refuse toutefois de qualifier son activité de coordination et s’en explique au journal d’opposition biélorusse Nacha Niva : "Il est impossible de coordonner quelque chose quand il n’y a pas d’Internet, quand les actions des forces de l’ordre sont complètement imprévisibles"

Une référence à la campagne électorale de 2020 en Biélorussie, que couvre largement Roman Protassevitch, n’hésitant pas à dénoncer les mensonges et les fraudes constatés pendant cette période. La chaîne dont il est rédacteur en chef, Nexta et accessible sur Telegram, devient alors une source d’information majeure pour les Biélorusses lorsque le gouvernement décide de les priver d’Internet. Ce militantisme, qu’il matérialise dès 2010 lors de manifestations à Minsk, lui vaut d’ailleurs d’être recherché par les services de renseignements hérités du soviétisme, le KGB, qui inscrivent son nom sur la liste des "individus impliqués dans des activités terroristes" au mois de novembre. Depuis Vilnius où il a demandé l’asile politique, Roman Protassevitch décide alors d’en rire. "Lorsque les autorités biélorusses m’ont reconnu comme terroriste, j’ai reçu plus de félicitations que pour mon anniversaire", confie-t-il à Nacha Niva. 

"Qu'est-ce qui nous attend le jour de la liberté ?"

Ayant quitté Nexta en septembre, le jeune journaliste informe depuis ses soutiens à travers la chaîne Telegram Belamova, fondée par Igor Losik, un blogueur actuellement détenu en Biélorussie. Régulièrement, il fait le point sur la lutte engagée contre le pouvoir de Loukachenko dans des diffusions en direct sur YouTube. Dans une vidéo datant du 6 mars dernier et comptabilisant 15.000 de vues, Roman Protassevitch discute avec les abonnés de Belamova durant une heure et demie de l’avenir du mouvement, une fois la victoire obtenue : "Qu’est-ce qui nous attend le jour de la liberté ? Doit-on s’attendre à une poussée du radicalisme ? Que nous manque-t-il pour gagner ?"

Roman Protasevich en mars, sur la chaine Youtube du média Belamova, autrement dit "le cerveau du Bélarus" (capture d'écran)
Roman Protasevich en mars, sur la chaine Youtube du média Belamova, autrement dit "le cerveau du Bélarus" (capture d'écran) - Belamova

Sur Twitter aussi, le journaliste prend position. Comme le 7 mai dernier, où il partage sur son compte une infographie comparant la Biélorrusie de Loukachenko avec l’Allemagne nazie. Ou lorsqu’il parle de son père, aujourd’hui réfugié avec sa mère à Varsovie et ancien militaire, qui a été privé de son grade par Loukachenko. "Mon père a fait 29 ans de service militaire et a démissionné à l'automne 2019, après quoi il a travaillé dans la collecte de fonds. Il n'a pas pris une part active aux manifestations et n'a jamais été impliqué", s’indigne-t-il.

Dimanche, peu avant d’être remis aux autorités de Minsk, Roman Protassevitch aurait déclaré aux passagers du vol qu’il pensait risquer la peine de mort. Ce que craint également l’opposante politique Svetlana Tikhanovskaïa, elle aussi en exil en Lituanie. Sofia Sapega, sa compagne russe, est également détenue à Minsk.


Caroline QUEVRAIN

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