Raids meurtriers, guerre civile, attentats : que se passe-t-il au Yémen ?

Publié le 10 octobre 2016 à 16h43
Raids meurtriers, guerre civile, attentats : que se passe-t-il au Yémen ?
Source : MOHAMMED HUWAIS / AFP

DÉCRYPTAGE - Le conflit qui saigne le Yémen depuis un an et demi, déstabilisant la région sur fond de rivalités entre l'Arabie saoudite et l'Iran, a fait plus de 6.700 morts et a déplacé au moins trois millions de civils, selon l'ONU. Comment en est-on arrivé là ? Explications.

"Un avion a tiré un missile contre la salle, et quelques minutes après, un deuxième appareil a bombardé le site". Les témoignages, comme celui de cet homme cité par l'AFP, continuent d’affluer ce lundi après les frappes sanglantes - plus de 140 morts et 525 blessés -, attribuées à l'Arabie saoudite,  qui ont visé Sanaa ce week-end. Un nouveau drame illustrant l’enlisement du conflit au Yémen, où chiites et sunnites se disputent le pouvoir sur fond de rivalités entre Ryad et Téhéran. 

Un conflit qui trouve ses origines en 2004, quand les combattants du mouvement Ansarullah, dits Houthis, entrent en guerre contre l'Etat. Dirigé par Abdel Malek al-Houthi (d'où le nom de Houthis donné à ses partisans), le groupe est accusé de liens avec l'Iran.  Au début, la rébellion voulait défendre le zaïdisme (une branche du chiisme qui se concentre dans le nord du Yémen et réunit environ un tiers de la population) face au prosélytisme des courants sunnites. En juillet 2014, ils ont lancé une offensive fulgurante, avant de conquérir le 21 septembre la capitale Sanaa, avec la complicité d'unités de l'armée restées fidèles à l'ex-président yéménite Ali Abdallah Saleh (qui avait quitté le pouvoir en février 2012 sous la pression du printemps arabe). Forts de leur succès, ils ont alors avancé dans l'ouest, l'est et le centre du pays, pour finir par progresser vers le sud, où ils ont pris la ville portuaire d'Aden.

VIDÉO - La capitale Sanaa, cible de raids aériens :

Yémen : la capitale Sanaa, cible de raids aériensSource : Sujet JT LCI
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Opération "tempête décisive"

Fin mars 2015 face à la progression des rebelles, le président élu depuis 2012, Abd Rabbo Mansour Hadi, est contraint de s'exiler en Arabie saoudite. Pour soutenir son protégé, Ryad lance aussitôt l'opération aérienne "Tempête décisive" avec les monarchies du Golfe (sauf Oman), mais aussi l’Egypte, la Jordanie, le Maroc et le Soudan. Le 17 juillet 2015, le gouvernement en exil annonce la "libération" de la province d'Aden (sud) puis, en février 2016, Ryad affirme que le gouvernement légitime a repris, avec son aide, "plus des trois-quarts du territoire".

Seulement voilà : les rebelles s’accrochent à la capitale Sanaa. A plusieurs reprises, l'ONU tente de promouvoir des cessez-le-feu et des négociations de paix, en vain jusqu'à présent. Un cessez-le-feu entre malgré tout en vigueur le 10 avril. Des pourparlers s'engagent à Koweït mais, trois mois et demi plus trad, ils sont "suspendus" par l'ONU le 6 août, et les bombardements aériens reprennent.

Les groupes djihadistes profitent du chaos

Des raids dont les civils paient le prix fort, puisqu'ils représentent plus de la moitié des morts. Le conflit a déplacé au moins trois millions de Yéménites et laissé environ un quart des habitants dans "l'incertitude de leur prochain repas", a affirmé le 5 octobre le patron des opérations humanitaires de l'ONU Stephen O'Brien. Selon l'Unicef, près de trois millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire immédiate au Yémen, et 1,5 million d’enfants souffrent de malnutrition.

Profitant du délitement du pouvoir, les groupes djihadistes ont en outre pu fleurir dans la région. Tout d'abord Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), fruit de la fusion en 2009 des branches saoudienne et yéménite du réseau, qui avait profité de l'affaiblissement du pouvoir central en 2011 pour renforcer son emprise dans le sud et le sud-est du pays. Mais aussi la branche yéménite du groupe Etat islamique, née de la défection en novembre 2014 de membres d'Al-Qaïda au Yémen, qui a signé ses premiers attentats en mars 2015 contre des mosquées chiites à Sanaa (142 morts). Elle a ensuite élargi ses opérations dans le sud.


Thomas GUIEN

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