Russie : Sergueï Pougatchev, grandeur et décadence d’un oligarque

Publié le 27 novembre 2014 à 17h55
Russie : Sergueï Pougatchev, grandeur et décadence d’un oligarque

PORTRAIT - Interpol a demandé jeudi l'arrestation du milliardaire, recherché pour escroquerie par la justice russe. Cet ancien argentier du Kremlin est réfugié à l'étranger d'où il critique Vladimir Poutine après avoir gravité des années dans les hautes sphères du pouvoir.

"Le banquier du Kremlin" est devenu son pire ennemi. Un mandat d’arrêt a été émis jeudi par Interpol à l’encontre du milliardaire russe Sergueï Pougatchev, après des accusations de détournement de fonds et d’escroquerie émises par Moscou. Un ultime revers pour l’oligarque francophile après une descente aux enfers fulgurante.

Il faut dire que rien ne prédestinait ce magnat russe de 51 ans à se retrouver ces jours-ci en photo sur le site d’Interpol pour un délit passible de dix ans de prison en Russie. Car derrière sa barbe fournie, Sergueï Pougatchev a longtemps eu ses entrées à Moscou : dans les années 1990, ce banquier gère les comptes de la famille de l’ancien président Boris Eltsine. Dans la foulée, il s’acoquine avec  Vladimir Poutine et se fait élire sénateur en 2001. Côté affaires, son empire devient alors colossal : derrière sa holding OPK (Corporation industrielle unifiée), il investit dans la banque, le secteur minier, l’immobilier ou encore les chantiers navals.

Il "ne se rendra pas à Interpol"

"Il fait partie de ces oligarques qui se sont enrichis durant les années 1980 avec la vague des privatisations", nous explique Tatiana Kastoueva-Jean, responsable du Centre Russie de l'Ifri. Avant de préciser : "Ce statut est une épée de Damoclès, il peut être retiré à tout moment pour le Kremlin qui a un accord tacite avec ses oligarques : on laisse faire, mais ils ne s’ingèrent pas dans la politique."

Pour Sergueï Pougatchev, tout s’écroule en 2010. Suite au défaut de paiement de sa banque Mejprombank, trentième établissement financier de Russie, la justice ouvre une enquête. Soupçonné d'être à l'origine de transactions douteuses qui permettaient à ses propriétaires de sortir des actifs du pays, le milliardaire se résout à quitter la Russie. Il dénonce alors un "raid" de l'Etat russe, enclenché selon lui à la suite d'un désaccord avec Vladimir Poutine. Au bord de la faillite, il se sépare peu à peu de son empire. Celui-ci s’étend jusqu’en France, où il avait injecté 100 millions d’euros pour s’offrir l’épicerie fine Hédiard en 2007. Une somme similaire est également déboursée pour racheter le quotidien France Soir, dont il confiera les rênes à son fils Alexandre. Début 2012, la justice décide de saisir le château de Gairaut, dans la région niçoise où il possède plusieurs biens immobiliers.

A terre, le magnat trouve encore la force de taper sur Moscou. En octobre 2014, il prend la parole pour la première fois en deux ans contre le Kremlin. Au quotidien financier britannique Financial Times, il décrit une Russie où "il n'y a plus de propriété privée", où les grandes entreprises "doivent vivre sous des règles militaires". "Il n'y a plus que des serfs qui appartiennent (au président russe Vladimir) Poutine", affirme-t-il. "Maintenant, il y a Poutine et ses lieutenants qui exécutent ses ordres". Depuis Londres où il s’est réfugié, Sergueï Pougatchev a d’ores et déjà assuré ce jeudi via son avocat qu’il "ne se rendra pas à Interpol".


Thomas GUIEN

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