"Striketober" : pourquoi les États-Unis sont secoués par une vague de grèves quasi inédite

V.F
Publié le 20 octobre 2021 à 9h51, mis à jour le 20 octobre 2021 à 10h15

Source : TF1 Info

FRONDE SOCIALE - Les États-Unis subissent une vague de grèves quasi inédite depuis 1968. Des dizaines de milliers de salariés, épuisés par la pandémie, réclament l'amélioration de leurs conditions de travail. Tous les secteurs sont concernés.

Ils sont fatigués par de longues heures de travail pendant la pandémie, et frustrés face aux profits de leurs employeurs : ces dernières semaines, des dizaines de milliers de salariés américains sont eentrés en grève. Et le mouvement fait tache d'huile. Ici, ce sont quelques 31.000 employés du groupe de santé Kaiser Permanente, dans l'ouest des États-Unis, qui menacent de cesser, sous peu, le travail. Là, ce sont 2.000 employés de l'hôpital Mercy à Buffalo qui sont en grève depuis le 1er octobre. 

Il est difficile de connaître le nombre exact de grèves, le gouvernement américain ne recensant que celles impliquant plus de 1.000 salariés. Mais la tendance est clairement à la hausse depuis le mouvement des enseignants en Virginie-Occidentale en 2018, affirme Josh Murray, professeur de sociologie à l'université Vanderbilt. Un dernier décompte fait toutefois état de 100.000 grévistes et le phénomène est tellement rare qu’on a inventé un nom pour le décrire : "Striketober", contraction de "strike" (grève) et "October" (octobre). La star de l'aile gauche du parti démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez, l'a même mis en avant jeudi 14 octobre sur Twitter.

Mon salaire n’a pas augmenté depuis 2014. On a travaillé tous les jours de l’été. On est épuisé.
Carrie Borris, infirmière dans le Minnesota

Dernière grève en date, des infirmières du Minnesota qui ont décidé il y a quelques heures d’arrêter le travail. "Mon salaire n’a pas augmenté depuis 2014. On a travaillé tous les jours de l’été. On est épuisé", déplore Carrie Borris, infirmière au centre de santé Allina, dans la vidéo en tête de cet article. Les grévistes "revendiquent en majorité une amélioration des conditions de travail", remarque Kate Bronfenbrenner, spécialiste des mouvements syndicaux à l'université Cornell. "Les organisations font plus de profits que jamais et demandent aux salariés de travailler plus que jamais, parfois en risquant leur vie avec le Covid", souligne-t-elle. Mais face à des employeurs refusant les compromis, les salariés "sont moins enclins à accepter des conventions collectives ne répondant pas à leurs besoins", remarque-t-elle. 

Le secteur de la santé n'est pas le seul touché, l'usine Kellogs dans le Nebraska est par exemple bloquée depuis deux semaines. Avec à chaque fois les mêmes complaintes : "On a raté tellement de moments avec nos proches pour le travail ! Certaines familles ont failli exploser. Je peux vous dire que vous aviez intérêt à avoir un bon conjoint pour faire tenir debout votre vie personnelle", s'offusque Chris haynes, un salarié. Frustration partagée par les salariés de John Deere, le plus gros constructeur de tracteurs aux États-Unis. 10.000 grévistes qui protestent contre les profits réalisés par leurs patrons. "On doit leur faire comprendre qu’ils ne peuvent pas continuer à nous prendre notre argent, encore et encore", explique Laura Hagen, une salariée. 

Pourquoi ces travailleurs américains se mettent-ils en grève maintenant ? Ce n’est pas seulement parce qu’ils sont fatigués ; ils ont aussi compris qu’ils étaient en position de force. Les États-Unis manquent en effet de main d’œuvre et viennent d’atteindre ce record : 10,4 millions de postes sont à pourvoir dans le pays. "On vit un phénomène inédit avec ce mouvement de fond : il y a de plus en plus d’adhésions envers les syndicats. Les chiffres montrent qu’on n’a plus connu ça depuis des décennies", analyse David Jacobs, professeur d’économie à l’université de Washington. Le pourcentage de salariés américains syndiqués a atteint le mois dernier 10,8% des travailleurs, c’est presque deux fois plus qu’en France.


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