Tunisie : "Il est possible d’être homosexuel seulement si on se cache"

Publié le 15 décembre 2015 à 17h07
Tunisie : "Il est possible d’être homosexuel seulement si on se cache"

DECRYPTAGE - Six étudiants ont été condamnés pour "pratiques homosexuelles" à trois ans de prison ferme et cinq ans d'interdiction de séjour dans une ville du centre de la Tunisie. Une lourde peine, symptomatique du sort réservé aux homosexuels du pays.

La justice tunisienne n’était jamais allé aussi loin dans sa répression de l’homosexualité. Lundi, six étudiants ont été condamnés pour "pratiques homosexuelles" à trois ans de prison ferme, mais également et cinq ans d'interdiction de séjour dans leur ville de Kairouan (centre du pays). Une peine à rebours de l’évolution de la Tunisie, tout juste auréolée d’un prix Nobel de la Paix.

"Il est possible d’être homosexuel seulement si on se cache", témoigne pour Metronews Bayran. Selon ce militant de Shams , une association qui milite pour la dépénalisation de l'homosexualité, le bannissement infligé aux étudiants aura des conséquences dramatiques : "Kairouan, c’est leur ville, c’est là où ils font leur étude. Déjà, avec trois ans d’emprisonnement, on pense que leur avenir est détruit. Surtout que les conditions de détention en Tunisie sont horribles, avec des prisons souvent insalubres et surpeuplées." D'après leur avocate, les six étudiants ont subi durant leur détention préventive un examen anal, une pratique vivement critiquée par les ONG, qui la juge "inhumaine" et "dégradante".

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 "Notre militantisme se joue essentiellement sur Internet"

Le quotidien en dehors des prisons ne semblent guère plus réjouissant pour la communauté homosexuelle du pays. La pression provient en effet à la fois des autorités, mais aussi des la société civile, des islamistes radicaux ou des terroristes. Elle s’est accentuée fin novembre, quand un député islamiste les a accusés de pervertir la jeunesse. Depuis, le gouvernement essaie de dissoudre l'association Shams dont le vice-président a préféré se réfugier en France.

"Nous avons un siège social, nos membres se réunissent et l’association a déjà fait une manifestation le 17 mai, journée internationale contre l’homophobie. Mais désormais, notre militantisme se joue essentiellement sur Internet", témoigne Bayran. Son ONG est formelle : l'Etat tunisien est le "garant de la protection de la vie privée des citoyens", selon la nouvelle Constitution adoptée en 2014.

Une Constitution qui a pu voir le jour en partie grâce à l’action du quartet menant le dialogue national en Tunisie. Cette structure a été récompensée en octobre dernier par les jurés du Nobel, qui lui ont attribué leur prestigieux prix. Une récompense inconcevable selon Shams : "Le comité doit réviser ses critères d’attribution car le premier d’entre eux devrait être le respect des droits de l’homme." "Cette affaire souligne (...) tout le chemin qui reste à faire en Tunisie avant que la communauté LGBT jouisse d'une pleine liberté sexuelle", a pour sa part estimé Amnesty International.

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Thomas GUIEN

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