"Beauvau de la sécurité" : malaise aussi au sein de la lutte antiterroriste

par William MOLINIE
Publié le 18 décembre 2020 à 6h21

Source : TF1 Info

INFO LCI - Avant la concertation du "Beauvau de la sécurité" prévue en janvier, LCI a recueilli le témoignage de policiers qui ont ou continuent d’œuvrer au sein de la sous-direction de l’antiterrorisme, eux aussi gagnés par le malaise ambiant au sein de la police nationale…

C’est une tentative de suicide qui a fait exploser la marmite. D’ordinaire discrète, soumise à l’anonymat et au secret, la parole de policiers affectés à la lutte antiterroriste s’est libérée après qu’un des leurs a tenté de mettre fin à ses jours il y a quelques semaines. Dans un mail adressé à la hiérarchie de ce policier qui était affecté à la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), la femme de cet agent accuse : "Le rouleau compresseur que vous avez exercé sur lui ces derniers mois est en grande partie responsable. […] Il est d’ailleurs fort probable que les agissements exercés à son encontre depuis des mois puissent être qualifiés de harcèlement moral", dénonce-t-elle.

 

Un tract syndical a d’ailleurs été diffusé mettant en cause la "haute hiérarchie au management inhumain", rappelant qu’un "nombre faramineux de demandes de départ […]aurait dû donner lieu à certaines remises en question". Le policier a été, selon nos informations, déplacé d’office dans un autre service de police, "après plusieurs manquements qui se sont soldés par un conseil de discipline", précise un connaisseur du dossier.

"La hiérarchie a oublié l’humain"

Toujours est-il que la gestion de ce dossier par l’administration et la hiérarchie a fait des remous – à tort ou à raison – au sein de la SDAT, un service de plus de 200 agents au cœur des enquêtes antiterroristes issues de la vague d’attentats survenue en France depuis 2015. "Nous sommes pris entre deux feux, à la fois cet amour du travail, notre motivation, cette volonté de bien faire pour les gens, on y trouve un sens. Et on a de l’autre côté une pression hiérarchique très importante qui a oublié l’humain", reproche l’un d’entre eux qui s’est lancé vers une reconversion dans la sécurité privée.

 

Des moyens importants ont pourtant été alloués à la lutte antiterroriste ces dernières années. "Bien sûr, on a des moyens par rapport aux unités traditionnelles, mais c’est quasiment le seul luxe. On ne prend pas soin des effectifs, et donc, ils partent", poursuit-il.

"Absence d’horizon pour la filière judiciaire et l’investigation"

La colère s’est surtout cristallisée autour d’une addition de cas particuliers. Absence d’astreintes rémunérées, dénigrement et dévalorisation de certains policiers, changement de missions… Une réorganisation est, selon nos informations, actuellement en cours au sein de la division nationale de recherche et de surveillance (DNRS) de la SDAT. "Le nouveau chef de la SDAT réorganise le service pour l’adapter au mieux à la menace terroriste qui évolue constamment, certains policiers ne sont peut-être pas en phase avec ces réorganisations", avance une source proche du dossier. 

"Il y a des problèmes de management, de cas individuels. Mais celui de fond est l’absence d’horizon et de reconnaissance pour la filière judiciaire et l’investigation", entrevoit un syndicaliste. Un commissaire enfonce le clou : "Le judiciaire n’intéresse presque plus nos décideurs, à l’inverse, ils sont éblouis par les projecteurs de la sécurité et de l’ordre public". Alors que Gérald Darmanin reçoit ce vendredi les organisations syndicales pour préparer le "Beauvau de la sécurité" voulu par Emmanuel Macron, nul doute que cette question du malaise généralisé à tous les étages de la police nationale fera partie des discussions.


William MOLINIE

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