INFO TF1/LCI - Faux pass sanitaires : le réseau en produisait jusqu’à 400 par jour

par Georges BRENIER Georges BRENIER
Publié le 16 décembre 2021 à 12h42, mis à jour le 16 décembre 2021 à 13h11

Source : JT 20h Semaine

ENQUÊTE - D’après nos informations, une équipe rodée de rabatteurs et de faussaires a été interpellée la semaine dernière par la Sous-direction parisienne de la lutte contre l’immigration irrégulière (SDLII). Les 10 suspects, soupçonnés d’avoir piraté le système informatique des autorités sanitaires, auraient fabriqué à eux seuls près de 4000 documents en moins de six mois.

Difficile de ne pas les prendre pour des braqueurs chevronnés. Messageries cryptées, répartition précise des tâches, circuits financiers occultes, blanchiment de l’argent…. Les 10 suspects arrêtés récemment par les policiers de la SDLII avaient mis en place un système de fabrication de faux passes sanitaires d’une efficacité encore jamais observée à ce jour. Avec une technicité et un mode opératoire plus propres au grand banditisme qu'aux petits "geeks" astucieux.

 

L’équipe a été arrêtée à l’heure du laitier à travers les régions parisienne et lyonnaise mardi dernier, le 7 décembre 2021. Six hommes et quatre femmes, âgés de 16 à 37 ans, ont été placés en garde à vue. Tous sont soupçonnés d’avoir fabriqué au moins 3800 faux passes sanitaires plus vrais que nature le tout en moins de six mois.

Le groupe, qui était  depuis le mois d'août dernier dans le collimateur du Département de lutte contre la criminalité organisée, au sein de la préfecture de police de Paris, ressemble étrangement à une "équipe à tiroirs", ces commandos de malfaiteurs capables de recruter ici ou là des complices pour remplis les éventuels trous dans leur organigramme. Faussaires, rabatteurs, chargés de communication, trésoriers, blanchisseurs… "Rien n’était laissé au hasard" décrypte un cadre des autorités sanitaires, encore bluffé par la facilité avec laquelle les suspects ont pendant des mois entiers réussis à passer le plus tranquillement du monde entre les mailles du filet.

 

D’après les investigations, les suspects ont en effet déjoué tous les systèmes de contrôle ou de sécurité mis en place par l’État, en particulier par les autorités sanitaires. 

Sommes transférées sur des cagnottes en ligne

Dans un premier temps, un rabatteur se chargeait de dénicher des clients, généralement des hommes ou des femmes farouchement opposés au vaccin contre le Covid-19, mais prêts à tout pour obtenir un passe sanitaire. Pour une somme de 330 euros, ce publicitaire en herbe proposait un passe authentique, impossible à différencier de celui classiquement et légalement obtenu par un patient, lui, bel et bien vacciné. Sur les réseaux sociaux (Snapchat, TikTok, etc.), le "VRP" de l’équipe vendait également de faux tests PCR ou des attestations de sortie du territoire, tout aussi bidons.

L'argent touché était alors transféré à des trésorières, chargées de transférer la somme sur des cagnottes en ligne, avant de, habituellement, rediriger le pactole amassé vers des applications en ligne ou en direction d’une banque allemande 2.0, un casse-tête total pour les enquêteurs français.

D'autres suspects, eux, s'occupaient de fournir les précieux sésames, en intégrant l'identité des clients dans la gigantesque base de données "Vaccin Covid", mise en place par l’Agence du numérique en santé (ANS). Le tour de passe-passe semblait un jeu d'enfants. Le réseau usurpait pour commencer l'identité de tout un tas de professionnels de santé (médecins, pharmaciens....) en se procurant par différents biais - chaque fois illégalement - leur identifiant professionnel : piratage informatique, achat de données frauduleuses sur les réseaux sociaux, détournement de données publiées sur le site Doctolib... tout ou presque y passait. "Ils s’engouffraient dans toutes les brèches du système", raconte un agent de l’ANS. Résultat : le réseau n’avait même pas besoin de dupliquer un passe déjà existant en le retouchant ici ou là. Les documents, presque obtenus en bonne et due forme, pouvaient officiellement attester d’injections pourtant totalement imaginaires…

Les voyous se connectaient ensuite à une session informatique sur "Vaccin Covid", des sessions informatiques ouvertes en théorie uniquement aux professionnels de santé. Alertés de cette connexion par un message sur leur téléphone portable, les praticiens n'y voyaient souvent que du feu et validaient l'opération. "Souvent par négligence ou par erreur, analyse un magistrat, qui exclut - pour le moment - toute complicité au sein du corps médical. L'heure était à la vaccination de masse et tout cela en urgence. Les praticiens ne pouvaient pas tout vérifier".

Les escrocs présumés du passe sanitaire ouvraient ainsi une boîte de Pandore. Ils parvenaient à intégrer sans la moindre limite les identités, date de naissance et numéro de Sécurité sociale de leurs clients, tous prêts à débourser 330 euros plutôt que de se faire vacciner gratuitement par l'Etat. Les données enregistrées ni vu ni connu étaient alors traitées par des personnels spécialisés et habilités, comme pour n'importe quelle fabrication d'un véritable schéma vaccinal complet.

Dans la foulée, les clients du réseau recevaient, sans être inquiétés une seule seconde, leur vrai-faux passe sanitaire. "Impossible de le différencier d'un vrai, il était fabriqué comme celui envoyé à un patient honnête et réellement vacciné", confie un cadre de la préfecture de police de Paris.

Les investigations sans relâche de la SDLII permettront pourtant de lever le lièvre. Car les suspects, qui pensaient masquer leurs traces grâce à des messageries et des connexions cryptées, ont commis des erreurs de débutants. Les policiers ont ainsi repéré que, pour certains "patients", les deux doses de vaccination étaient enregistrées à la même date, alors qu'un délai d'au moins trois semaines est imposé par les médecins.

Un rythme de vaccination jamais vu jusqu'alors

La téléphonie, elle, s'avérait souvent désastreuse pour les clients : ils ne "bornaient" presque jamais là où ils étaient censés avoir reçu le vaccin, ni quand la dose leur avait prétendument été injectée...

L'enquête a d'ores et déjà permis d'établir qu’au moins 3.800 passes sanitaires bidons avaient été vendus à travers la France par cette équipe. D'après un membre de la Caisse nationale d’Assurance maladie, "ce chiffre pourrait vite s'avérer être très en dessous de la réalité". En perquisition, plus de 400 faux passes ont été retrouvés au seul domicile d'un des protagonistes présumés, et près de 18.000 euros saisis en espèces, tout comme de nombreux téléphones et ordinateurs. Au moins douze identifiants de médecins ou de pharmaciens ont été usurpés.

Lors de leurs interrogatoires, les 10 suspects ont tous laborieusement reconnu leur participation aux faits reprochés, mais en minimisant leur rôle. Une des femmes arrêtées a reconnu émettre jusqu'à 400 faux documents par jour au plus fort de la campagne de vaccination. Trois suspects ont été mis en examen par des juges d'instruction de Nanterre (Hauts-de-Seine) et placés sous contrôle judiciaire. Les sept autres mises sont convoqués dans les prochains jours en vue d'être à leur tour présentés devant les magistrats. "Le réseau touchait tout le territoire, avec un rythme de production jamais vu jusqu'alors", analyse un haut-fonctionnaire. 

Aucun membre du réseau n'a exprimé le moindre regret ou remord, semblant tous totalement inconscients des risques sanitaires pris par leurs clients.


Georges BRENIER Georges BRENIER

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