La traque des fêtes clandestines, une mission complexe

Publié le 16 décembre 2020 à 7h55, mis à jour le 16 décembre 2020 à 10h40

Source : JT 20h Semaine

SÉCURITÉ – Au mépris des consignes liées au Covid-19, des centaines de personnes se rassemblent le week-end dans des lieux clos ou en plein air pour s'amuser et danser. Un casse-tête pour les forces de l'ordre.

"Neuf mois qu'on est enfermés presque tout le temps, à un âge où l'on sort normalement presque tous  les week-ends. Forcément, à un moment, on sature, et on fraude." Manon, 18 ans a déjà participé à deux "grosses fêtes" depuis le début du confinement en mars, et elle ne compte pas "les verres pris à quinze cet été sur la plage ou dans les parcs parisiens". 

Ne pas respecter les consignes malgré les risques, elle l'assume, comme de nombreux jeunes de son âge. "On nous a tout interdit au motif de la maladie et en même temps on laisse les gens s'entasser dans les supermarchés pour faire des courses alimentaires ou les grands magasins pour faire les achats de Noël. Sortir, c'est notre manière de protester, comme les manifs et les recours pour la culture, les stations de ski ou les restaurants", estime Alex, un de ses amis, qui a déjà participé à des soirées dans des bars pourtant censés  être fermés.

Telegram, Whatsapp, Tik Tok, Insta ou Snap

Et les moins de 20 ans qui mentent à leurs parents pour "faire la teuf", ne sont pas les seuls. Les trentenaires et plus, les stars, et ceux qui font le monde de la nuit ne se privent pas. Alors oui, des fêtes, il y en a trop, beaucoup trop depuis mars 2020.  Accompagnées parfois d'un appel à se faire tester... qui n'est pas forcément respecter. 

Rien que sur le mois dernier, ont été relevées, notamment, une fête clandestine et coquine rassemblant mi-novembre 300 personnes dans un pavillon de Joinville-le-Pont, la rave "I want to break free" organisée une semaine plus tard sur une voie ferrée de la petite ceinture dans  le 13e arrondissement rassemblant autant de convives, et le week-end dernier, plusieurs événements réunissant jusqu'à 500 convives ont été repérées par les autorités ce week-end à Marseille, Strasbourg et Nantes. 

Pourtant, les forces de l'ordre s'affairent à lutter contre ces rassemblements interdits, payants, où personne ne porte le masque et où tout le monde est collé. "Nous avons bien compris comment ça marche et les organisateurs ont très bien compris aussi qu'on les traquait, indique une source policière à LCI. Des réseaux officiels et permanent comme Twitter et Facebook, ils sont passés à Snap, Tik Tok, Telegram et Whatsapp. Les messageries éphémères ou cryptée, c'est plus compliqué", reconnait notre source.

#Balancetonvoisin

"Le renseignement territorial travaille lui aussi sur la question de ces fêtes. Le problème est nous ne pouvons rien faire ou presque en amont. Repérer les soirées à l'avance est un travail colossal, et les organisateurs utilisent maintenant des mots dédiés, codés, pour ne pas se faire repérer. Rares sont les fêtes qui s'annoncent en tant que telle avec les mots 'soirée", 'party', ou 'free party', ajoute une autre source policière. 

Les autorités comptent également sur les "bons citoyens" pour les alerter. "Il y a ceux qui s'amusent, et ceux qui ont peur. J'ai 60 ans, je connais des personnes qui ont passé plusieurs jours en réanimation avec le Covid. Je n'ai pas eu le virus, et je ne veux pas l'avoir. Alors oui, je fais partie des gens qu'on appelle aujourd'hui les '#Balancetonvoisin'", confie Véronique, qui n'a pas hésité  à composer le 17 à plusieurs reprises quand ses voisins ont organisé de façon récurrente des dîners en nombre à l'été ou à l'automne. 

Pierre a lui aussi appelé les forces de l'ordre après avoir vu une bande de jeunes faire des allers retours il y a quelques semaines avec des cartons de bouteilles et de la sono dans une maison de Seine-et-Marne. "Nous ne pouvons malheureusement pas faire grand-chose avant que l'événement ait lieu, admet-on côté gendarmerie. La prévention, les jeunes s'en moquent, la dissuasion n'a pas d'effet. Tout ce qu'on peut faire, c'est du flagrant délit et de la verbalisation quand la fête a lieu et que des signalements ont été faits."

4 gardes à vue après la soirée de Marseille

A Marseille, c'est après que des riverains ont donné l'alerte à 1 heure du matin samedi dernier que la soirée clandestine a été stoppée. Mais d'après les syndicats de police, les fonctionnaires n'étaient que huit sur place et n'ont pas pu verbaliser les convives en nombre. 

" Il y a eu une vingtaine de verbalisation pour non-respect de la mesure du confinement, très peu par rapport au nombre de personnes présentes, détaille une autre source policière à LCI. Par ailleurs, quatre personnes ont été placées en garde à vue pour mise en danger de la vie d'autrui notamment : le DJ, le propriétaire du local, l'agence qui a prêté le matériel et le locataire du local"

Mercredi matin, la procureure de la République de Marseille Dominique Laurens a confirmé que "quatre personnes avaient  été placées en garde à vue le  14 décembre 2020  sur la base d’une infraction de mise en danger de la vie d’autrui". La magistrate ajoute : "le parquet de Marseille a demandé à ce que la qualification supplétive de travail dissimulé leur soit notifiée. Sur ces quatre personnes l’une d’elle a été remise en liberté dès hier mise totalement hors de cause Les trois autres personnes ont été remises en liberté ce matin (mercredi)  aux fins de poursuite de l’enquête pour permettre l’identification des organisateurs de ce rassemblement".

 

Manque d'effectifs

Ce jeu du chat et de la souris ne plait guère aux policiers et militaires. "On nous demandait de contrôler les attestations de sortie, puis maintenant, celle du couvre-feu, ok. On nous demande d'intervenir dans ces soirées, ok. Mais il faut voir si ces missions sont des priorités pour les forces de l'ordre, tout dépend où l'on place le curseur", insiste une source policière qui déplore le manque d'effectifs pour réaliser ces nouvelles missions. 

Tous redoutent déjà les soirées à venir dans les jours prochains avec les vacances scolaires qui débutent, l'approche de Noël, et surtout le 31. Car 15 000 euros d'amende et un an de prison ne semblent pas dissuader les organisateurs de soirée et les propriétaires des lieux privés. Pour preuve, dans le pavillon de Joinville-le-Pont, un nouvel événement était organisé quelques jours après la fête clandestine de mi-novembre. "Pour la fête clandestine de Joinville, deux personnes ont été mises en examen après les faits, notamment pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui. Parmi elles, il y a le propriétaire. Comment expliquer qu'un nouvel événement ait pu être organisé au même endroit quelques jours plus tard et qu'il n'ait pas été de nouveau inquiété ? Il faut peut-être aussi se poser la question des sanctions et de leurs applications", s'inquiète une des sources policières.

En vertu d'un décret gouvernemental pris fin octobre dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de coronavirus, tout rassemblement dans un lieu public de plus de six personnes a été interdit. Ni la gendarmerie, ni la police ne sont en mesure de donner de chiffres sur le nombre d'enquêtes ouvertes pour mise en danger de la vie d'autrui suite à la tenue de fêtes clandestines depuis mars. 


La rédaction de TF1info

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