Accusée par Darmanin de "diffamer la police", Pulvar porte plainte pour dénonciation calomnieuse

Publié le 24 mai 2021 à 13h30, mis à jour le 24 mai 2021 à 14h08

Source : TF1 Info

JUSTICE – Au lendemain de l'annonce du ministre de l'Intérieur d'une plainte contre Audrey Pulvar, l'accusant de "diffamer la police", les avocats de la tête de liste socialiste aux régionales en Ile-de-France ont annoncé poursuivre le ministre pour "dénonciation calomnieuse".

L'affaire ne fait-elle que commencer ? Moins d'un mois avant le premier tour des élections régionales, le ministre de l'Intérieur Gérard Darmanin et la tête de liste des socialistes en Ile-de-France, Audrey Pulvar, se livrent une bataille sans merci dans les médias, avant peut-être un épilogue devant les tribunaux. 

La candidate a ainsi riposté lundi après que le ministre de l'Intérieur, lui-même candidat aux régionales dans les Hauts-de-France et aux départementales dans le Nord, a annoncé dimanche soir son intention de porter plainte contre elle. Gérald Darmanin accuse Audrey Pulvar de "diffamer la police", notamment pour ses propos sur la manifestation policière devant l'Assemblée nationale, qu'elle a jugée "glaçante". "Je ne laisserai personne diffamer les policiers de la République, a justifié Gérald Darmanin lundi lors d'un déplacement à Marseille. "Mon travail de ministre de l'Intérieur, c'est protéger ceux qui nous protègent, a-t-il poursuivi, assénant que "le débat électoral ne peut pas se faire en crachant à la figure des policiers".

En fin de matinée, à l'occasion d'une conférence de presse, les avocats d'Audrey Pulvar, Me Patrick Klugman et Ivan Terel, avaient annoncé leur intention de déposer une plainte à l'encontre de Gérald Darmanin pour "dénonciation calomnieuse".  "Vous avez un ministre de l'Intérieur qui annonce porter plainte en diffamation contre une candidate à des élections dont il a la charge. Nous ne savons pas, à l'heure qu'il est, quels sont les propos qui sont visés, quels sont les faits qui pourraient être reprochés à Mme Pulvar et à aucun moment le ministre ou son cabinet n'est capable de nous donner de plus amples informations",  a pointé Me Klugman devant les journalistes.

"La situation est à ce point inédite qu'elle nous prive de tout recours effectif, parce que vous avez un ministre qui s'autorise à porter plainte en diffamation contre une candidate. En revanche, comment peut-on porter plainte contre un ministre dans le cadre de l'exercice de ses fonctions quand nous savons que la Cour de Justice de la République est seule à même d'instruire ces plaintes-là ?,  a poursuivi l'avocat. Donc nous devons porter plainte, car Audrey Pulvar n'a aucune raison de se laisser accuser d'avoir diffamé qui que ce soit ou n'importe quel ordre constitué, et pas plus la police qu'un autre." 

"Une grossière manœuvre d'intimidation"

Les avocats d'Audrey Pulvar ont souhaité "prendre à témoins" les journalistes, "de ce qui est en train de se passer dans notre pays". "Le ministre de l'Intérieur assigne au silence une candidate  à une élection, ce que nous ne pouvons interpréter autrement que comme une grossière manœuvre d'intimidation, a dénoncé Me Patrick Klugman. Nous avons donc décidé de porter de porter plainte pour 'dénonciation calomnieuse'". 

"Ce que veut faire Monsieur Darmanin nous fait penser à l'ancien droit, le droit de l'Ancien régime, quand on pouvait assigner quelqu'un au silence au terme d'une action que l'on appelait provocatoire, a rappelé Me Klugman.  Il n'y a pas en démocratie d'action ou d'assignation aux fins de silence. On ne doit jamais réduire un candidat au silence. M. Darmanin a une seule responsabilité comme ministre de 'l'Intérieur, chargé entre autres de l'organisation des élections, c'est de garantir le pluralisme démocratique, de garantir la vivacité du débat démocratique et donc de garantir la liberté d'expression d'Audrey Pulvar au même titre que les autres candidats au lieu de tenter de l'intimider et de l'assigner au silence dans une annonce qui est particulièrement choquante et scandaleuse". 

Audrey Pulvar critique la police, Darmanin porte plainteSource : TF1 Info

Darmanin présente la candidate "comme une délinquante"

Me Ivan Terel a, lui, rappelé quels seraient selon eux les "propos poursuivis", "très peu". "Les contenus qui seraient visés par la plainte du ministre sont pour l'instant maintenus sous le boisseau", a regretté  Me Terel. 

Selon l'entourage du ministre de l'Intérieur, la  plainte pour "diffamation"  vise "une succession de propos", notamment les propos d'Audrey Pulvar sur France Info la semaine dernière : "Une manifestation soutenue par l’extrême droite, à laquelle participe un ministre de l’Intérieur, qui marche sur l’Assemblée nationale pour faire pression sur les députés en train d’examiner un texte de loi concernant la justice, c’est une image qui pour moi était assez glaçante". 

La plainte vise également une vidéo de juin 2020, exhumée samedi sur Twitter par Pierre Liscia, porte-parole de Libres!, le mouvement de Valérie Pécresse, candidate à sa réélection en Île-de-France, a précisé l'entourage du ministre. Audrey Pulvar y dénonce "le racisme dans la police" en France, lors d'une manifestation à Paris en hommage à George Floyd, cet Afro-américain tué par un policier à Minneapolis.  

Interrogé sur la prescription frappant ces propos - le délai est de trois mois en matière de diffamation -, l'entourage de Gérald Darmanin a répondu qu'ils pouvaient "être versés en accompagnement de la plainte pour l'étayer".

Pour les avocats de la candidate socialiste, le tweet de Gérald Darmanin "est constitutif d'une diffamation puisqu'il présente la candidate comme une délinquante, comme ayant commis une infraction". "Ce qui est envisagé à ce stade, c'est une action civile sur ce pan-là", a ajouté Me Terel.

"Nous allons étudier les recours administratifs qui nous sont ouverts au regard du caractère exorbitant de la plainte du ministre à l'égard d'une candidate aux élections" a-t-il poursuivi avant de préciser que les recours '"seront dirigés en fonction de l'article de la déclaration universelle des droits de l'homme concernant la liberté d'expression". 

Nombreuses réactions

La liste de Mme Pulvar, "Ile-de-France en commun", avait réagi dès dimanche soir en fustigeant "une atteinte à la liberté d'expression d'une extrême gravité".

"Jusqu'ici dans une démocratie, on pouvait encore exprimer une opinion sans que le ministre chargé des élections ne se sente autorisé à intimider une adversaire politique. Total soutien à @AudreyPulvar", a tweeté de son côté le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure dans la nuit de dimanche à lundi. 

"Du jamais vu!", a tweeté à son tour lundi la maire PS de Paris anne Hidalgo: "À quelques semaines de l'élection régionale, le ministre de l'Intérieur porte plainte pour diffamation contre une candidate tête de liste en Île-de-France. Heureusement nous sommes dans un État de droit. J’ai toute confiance dans la justice de mon pays".

Plusieurs responsables politiques de gauche, dont Anne Hidalgo, Olivier Faure et l'écologiste Yannick Jadot, s'étaient joints à ce rassemblement organisé par les syndicats de policiers, ainsi que des élus de tous bords politiques, du Rassemblement national au Parti communiste.

Seuls les responsables de La France insoumise se s'étaient abstenus d'y participer.

Les deux plaintes, de Gérald Darmanin pour "diffamation" et d'Audrey Pulvar pour "dénonciation calomnieuse" devraient être déposées dans le courant de la semaine. 


La rédaction de TF1info

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