"Un film d'horreur" : le pêcheur qui a découvert les migrants sans vie dans la Manche témoigne

Y.R avec AFP
Publié le 26 novembre 2021 à 14h06, mis à jour le 26 novembre 2021 à 14h11

Source : JT 13h Semaine

TÉMOIGNAGE - C'est lui qui a donné l'alerte et qui a prévenu les secours, après avoir découvert dans la Manche les corps inertes des 27 migrants, mercredi 24 novembre. Éprouvé et choqué, les yeux rougis par l'émotion, Karl Maquinghen, qui pêchait dans ses eaux à bord de son chalutier, a raconté l'horreur.

Hanté par les images, rongé par les regrets. Mercredi 24 novembre, Karl Maquinghen est à la barre de son chalutier, le Saint-Jacques II. Le pêcheur de 37 ans navigue, comme il en l'habitude, sur les eaux de la Manche. Perché sur sa passerelle, qui surplombe la mer, il découvre, avec effroi, plusieurs corps inanimés, flottant à la surface. "Un film d'horreur, tout simplement. Voir autant de morts comme ça, à côté de nous, c'est vraiment choquant", a-t-il raconté, tout juste débarqué, au lendemain du naufrage, qui a coûté la vie à 27 migrants lors de leur traversée du bras de mer entre la France et le Royaume-Uni.

Premier arrivé sur les lieux du drame, aussi terrible qu'inédit, qui a vu périr 17 hommes, 7 femmes et 3 enfants au large de Calais, il a expliqué avoir distingué un premier corps à la surface de l'eau. Puis un autre et, encore, un autre. "Une quinzaine" en tout, "des gens morts, des enfants". "Ceux qui n'avaient pas de gilet de sauvetage, on ne les voyait pas", s'est remémoré le matelot expérimenté, barbu et en combinaison bleue. De tous ces cadavres entrevus sur l'eau, l'un d'eux l'a profondément marqué. "Il y en a un qui restera toujours dans ma tête. Il était sans gilet, habillé tout en noir", avec une "chemise à carreaux". Celui-là, "je l'ai vu parce qu'il est passé à deux mètres du bateau, même pas, un mètre", a-t-il rapporté, au bord des larmes.

On avait même peur de remonter les filets
Karl Maquinghen, le pêcheur qui a donné l'alerte

L'état de sidération passé, Karl Maquinghen donne immédiatement l'alerte, avec les autres matelots à bord du chalutier. Ils préviennent le Cross Gris-Nez, le centre régional qui surveille la Manche et orchestre quotidiennement les sauvetages de migrants en difficulté. "Les garde-côtes n'étaient pas loin, à deux milles de nous. Ils sont venus tout de suite", a-t-il poursuivi. Mais, malheureusement, il est déjà trop tard. "Si on était arrivés 5 minutes avant, on aurait peut-être pu les sauver", a-t-il déploré, avec une émotion qu'il n'a pu contenir. "On avait même peur de remonter les filets, de peur qu'il y en ait un dedans".

Depuis le drame, les images de ces vies envolées hantent l'esprit du pêcheur. "On n'en dort pas. Dès que tu fermes les yeux, tu revois le corps", a-t-il témoigné. "C'est la première fois que ça m'arrive, ça fait bizarre." Pourtant, il en est persuadé, un tel drame est amené à se répéter. "C'est la première, mais ce ne sera pas la dernière fois." Selon lui, si rien fait, "il y en aura tous les jours, surtout" avec l'arrivée du mauvais temps. "Il ne faut pas longtemps pour qu'ils meurent" dans une mer à 10-12 degrés. 

D'autant que, depuis l'été, les traversées clandestines à destination des côtes britanniques se font de plus en plus fréquentes. "Tous les jours, toutes les demi-heures, il en passe", a assuré Karl Maquinghen. En dépit de la mort de 27 d'entre eux, rien ne semble pouvoir détourner les migrants de leur seul et unique objectif. Ces deux derniers jours, des centaines de personnes ont tenté la périlleuse traversée, déterminés à couvrir la quarantaine de kilomètres qui les séparent des côtes anglaises. 


Y.R avec AFP

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