Bugaled Breizh : la piste du sous-marin refait surface après de nouvelles révélations

Publié le 8 octobre 2021 à 18h11

Source : JT 20h Semaine

LA CLÉ DU MYSTÈRE ? - Des secouristes britanniques ont affirmé jeudi devant la Haute Cour de Londres avoir vu un sous-marin néerlandais près du lieu du naufrage du chalutier français en 2004. Cet élément, qui n'avait pas été relayé par leur supérieur à l'époque, pourrait aider à élucider l'affaire.

"Il y avait un sous-marin en surface". Cette affirmation prononcée ce jeudi par un secouriste de la Royal Navy devant la Haute Cour de Londres, qui se penche depuis le début de la semaine sur le mystérieux naufrage du chalutier français Bugaled Breizh, pourrait aider à faire la lumière sur cette tragédie toujours inexpliquée 17 ans après les faits. La phrase a été lâchée par l'ancien capitaine Peter McLelland, qui pilotait un hélicoptère de sauvetage envoyé sur la zone du naufrage,  le 15 janvier 2004, au large des Cornouailles, au sud-ouest de l'Angleterre. 

"C'était inhabituel de voir un sous-marin" durant une opération de sauvetage, a-t-il souligné, avant d'ajouter que le submersible était resté présent "en surface durant les quatre heures qu'a duré notre mission de sauvetage". Il a ensuite expliqué avoir appris qu’il s’agissait d’un sous-marin de classe Walrus, en service dans la marine néerlandaise.

Après la mission de sauvetage, alors qu'il voulait signaler cet élément aux garde-côtes - "sans insinuer qu'(il) avait causé l'accident" -, son commandant David Cunningham a jugé qu'il n'était pas nécessaire de leur faire part de cette observation. Se souvenant avoir trouvé cela "un peu bizarre", Peter McLelland  dit avoir alors seulement pensé à l'époque que "c'était une erreur de jugement". Quand il en a reparlé à son supérieur quelques jours plus tard, celui-ci lui a assuré qu'il le mentionnerait aux garde-côtes. L'a-t-il fait ? "Je ne sais pas". Selon un plongeur présent dans l'hélicoptère, Daren Hall, qui a aidé à repêcher les corps de deux des cinq marins décédés, le sous-marin était présent "en surface durant les quatre heures qu'a duré notre mission de sauvetage"

"10 à 20%" des enregistrements conservés

Au moment où il a coulé, le Bugaled Breizh se trouvait dans une zone où se déroulaient des exercices militaires de l'Otan et de la Royal Navy. Selon le juge Nigel Lickley, trois sous-marins y opéraient au moment du naufrage :  le sous-marin néerlandais Dolfijn, remonté en surface et le plus proche lors du premier appel de détresse, l'allemand U22, également en surface, et un britannique. 

À l'audience, l'enregistrement d'un sous-marin néerlandais proposant de prêter assistance aux garde-côtes a été diffusé, et un responsable de la marine néerlandaise devrait témoigner lundi par visioconférence. À noter que seuls "10 à 20%" des enregistrements audio - appels radio ou téléphoniques - reçus le jour du naufrage, ont été conservés par leurs soins. Côté français, le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) du cap Gris-Nez avait quant à lui subi une panne d'enregistrement des communications pendant plusieurs heures, après le naufrage.

"Jamais l'espoir des familles n'a été aussi grand"

Le sous-marin néerlandais est pourtant peut-être la clef du mystère. Après une enquête française qui n'a pas permis de déterminer les causes de l'accident, les familles des victimes attendent beaucoup de cette enquête britannique, avec l'espoir de voir enfin aboutir leur combat pour obtenir la vérité. Pour rappel, seuls les corps de Patrick Gloaguen, Yves Gloaguen et Pascal Le Floch ont été retrouvés - le premier dans l'épave lors de son renflouement, les deux autres dans les eaux britanniques. 

Georges Lemétayer et Eric Guillamet ont, eux, été portés disparus en mer. "C'est un très grand espoir. La justice londonienne consacre trois semaines d'audience à cette affaire, elle va aller au fond des choses et jamais l'espoir des familles, qui n'ont jamais baissé les bras, n'a été aussi grand", a confié à l'AFP Dominique Tricaud, avocat des enfants de Georges Lemétayer.

Des marins expérimentés

Depuis l'ouverture du procès, lundi 4 octobre, les témoignages se succèdent. Au cours du premier jour, les familles se sont essentiellement attelées à décrire les victimes comme des marins expérimentés. Yves Gloaguen, décédé à l'âge de 44 ans, était "joyeux" et "blagueur", mais "carré quand il prenait la mer", a assuré sa sœur. Il était "à cheval sur la sécurité" et "n'aurait jamais pris de risques à mettre ses hommes et son outil de travail en danger", a-t-elle ajouté. La pêche, "il avait ça dans le sang depuis tout petit", a de son côté indiqué le frère de Pascal Le Floch, issu d'une famille de pêcheurs. 

Mardi, Serge Cossec, qui commandait le chalutier Eridan, a raconté l'appel de détresse lancé par le patron du Bugaled Breizh. "À 13h25 (heure française), j'ai un appel du patron du Bugaled Breizh me disant qu'il chavire sans me dire pour quelle raison", se rappelle-t-il. Je lui ai demandé : 'Qu'est-ce qu'il se passe?' et il m'a répété la même chose. Il avait l'air de se demander lui-même ce qui lui arrivait", témoigne-t-il. Quelques minutes plus tard, le contact entre les deux navires était rompu. 

Arrivé sur les lieux du drame trois quarts d'heure après, l'Éridan n'a alors rien vu de plus qu'une "grosse nappe de mazout à la surface et quelques débris". "Il n'y avait personne" dans les canaux de sauvetage, a souligné le mécanicien Marc Cariou, qui dit avoir vu un sous-marin en surface qui était à "300-400 mètres de l'Eridan". Une observation qui tend à confirmer la thèse des familles endeuillées selon qui le bâtiment a coulé après avoir été accroché par un sous-marin militaire participant à des exercices militaires de l'Otan et de la Royal Navy. L'audience doit durer jusqu'au 22 octobre prochain. 


Maxence GEVIN

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