Opérations anti-stups dans les beaux quartiers : "Vous n’allez pas me mettre 200 euros d'amende pour un 'oinj'"

A.S
Publié le 26 mai 2021 à 21h18, mis à jour le 27 mai 2021 à 9h23
Opérations anti-stups dans les beaux quartiers : "Vous n’allez pas me mettre 200 euros d'amende pour un 'oinj'"

SÉCURITÉ – Chaque jour, des policiers de la brigade anti-criminalité du 7e arrondissement mènent des opérations antidrogues. Depuis septembre 2020, 2000 amendes forfaitaires pour usage de stupéfiants ont été dressées dans les rues des quartiers huppés de Paris.

Dans les impasses, les squares, les jardins, sur les pelouses du Champ de Mars et l'esplanade des Invalides. Quotidiennement, à l'heure du déjeuner, en fin d'après-midi, en soirée ou la nuit, un équipage de la BAC (brigade anti-criminalité) du très chic 7e arrondissement part en en mission à la recherche de trafiquants ou de consommateurs de drogue. 

"On parle du Nord de Paris, mais des opérations antidrogue, il n'y en a pas que dans les quartiers sensibles", explique ce mercredi à LCI Olivier Goupil, commissaire central du 7e arrondissement. "Il y en a tous les jours dans les beaux quartiers. Ici, les gens aussi ont envie d'être tranquilles. Nous n'avons pas de crack comme à Stalingrad, certes, mais il y a du cannabis. Des habitants nous appellent pour des odeurs dérangeantes ou de la fumée de joints qui remontent jusqu'à chez eux, des bruits récurrents aux pieds des immeubles causés par des attroupements. D'autres nous signalent les incidents sur la nouvelle plateforme moncommissariat.fr", précise-t-il. 

Puis ce dernier dresse un bilan au cours des derniers mois : "Depuis septembre, 2000 amendes forfaitaires de 200 euros pour usage de stupéfiants  ont été dressées dans les beaux quartiers ". Cette amende, expérimentée d'abord dans quelques départements, a été généralisée en septembre dernier dans toute la France. "Pour nous, c'est un gain de temps. On sort notre appareil avec le logiciel dédié, on demande une pièce d'identité au contrevenant qui consomme des stupéfiants, et on verbalise. Si le contrevenant est en possession de plus d'une certaine quantité, on l'emmène au commissariat, idem en cas de récidive".  Le contrevenant doit par ailleurs "reconnaître les faits" et "accepter la confiscation et la destruction des stupéfiants et accessoires saisis".

"C'est des baqueux"

Comme chaque jour donc, ce mercredi 26 mai, les policiers de la BAC du 7e partent accomplir cette mission.  Les endroits convoités pour fumer un joint ou acheter une barrette de shit, les fonctionnaires du 7e les connaissent. En civil, dans des véhicules banalisés, l'équipage débarque dans une impasse du quartier. "C'est à l'abri des regards, les jeunes aiment bien venir fumer ici", confie l'un des fonctionnaires. Pluie faisant, l'équipage de la BAC fait chou blanc. 

L'opération se poursuit, dans plusieurs squares dissimulés derrière des arbres et arbustes. Dans l'un d'eux, quelques jeunes sont rassemblés, mais rien d'illégal pour le moment, on boit des sodas et on mange des gâteaux. Devant l'entrée d'un autre jardin, les policiers sont démasqués par des individus méfiants : "C'est des baqueux", murmurent l'un d'eux un peu méfiant. "Bien sûr, il n'y a pas d'interpellation sur chaque intervention, et la météo aujourd'hui ne jours pas en notre faveur, il y a très peu de monde dans les parcs et jardins", glisse le commissaire central. 

"Vous voulez pas faire un petit geste"

L'équipage continue son opération et il ne faudra que quelques minutes de plus pour trouver un contrevenant. Square Boucicaut, devant le très chic grand magasin le Bon Marché, un couple sur un banc, à quelques mètres des jeux et des enfants, attire leur attention. Dans les mains du jeune homme, un joint sur lequel ce dernier vient de tirer. "Police", préviennent les fonctionnaires avant de mettre leur brassard et de demander les papiers d'identité à leur interlocuteur. Le jeune garçon ne bronche pas, mais semble stupéfait par ce qui est en train de lui arriver. "Là je vais prendre 200 balles ? Sérieux. Vous n’allez pas me mettre 200 balles pour un 'oinj'. Vous avez rien trouvé sur moi ! Vous ne pouvez pas faire un petit geste. La semaine prochaine, je dois lâcher 800 euros pour mes études", dit-il dépité aux policiers. "Fallait pas fumer, encore moins dans un parc avec des petits", rétorque l'un des fonctionnaires. 

Le commissaire Olivier Goupil le confirme : petit joint ou quantité plus importante, c'est la "tolérance zéro". "La plupart des gens qui fument des joints sur la voirie ou ailleurs pensent que c'est légal, normal. Eh bien non, c'est un délit. Alors, l'amende de 200 euros est bien souvent dissuasive pour eux. Plusieurs réfléchissent avant de recommencer", dit-il. 

Pour le jeune homme du square Boucicaut pris un joint à la main, ça ne s'arrête pas là. "Vous êtes convoqués le 3 juin au commissariat pour un relevé d'empreinte", indique un des policiers. "Je vais quand même pas être fiché pour un joint", s'indigne le jeune homme sous le choc. Il comprend que ce sera le cas. Le relevé permettra aux policiers de l'identifier en cas de récidive. Le joint lui est détruit sous ses yeux. 

Livraison à la maison

Outre les consommateurs de joints dans les parcs, recoins et jardins, les policiers de la Bac ont vu dans le quartier une recrudescence des livraisons de cannabis à domicile depuis le premier confinement notamment. "Certains on le sait enfilent des tenues de livreur et les sacs qui vont avec pour livrer des stupéfiants, d'autres le font en civil et mettent parfois en danger la vie d'autrui en ajoutant au trafic une conduite à risque en voiture, en deux-roues motorisés ou en vélos. Il y a quelques semaines, les policiers ont remarqué un homme en trottinette au comportement suspect, il avait son téléphone à la main, il passait des coups de fils, cherchait visiblement une adresse. Ils ont pris en flagrant délit l'acheteur et son dealer, au pied d'un immeuble et les ont ramenés au poste". 

En plus des 2000 amendes forfaitaires, les policiers du 7e ont également interpellés plusieurs consommateurs et dealers dans l'arrondissement. "Il n'y a pas de point de deal ici comme dans certains quartiers de Paris, mais il y a de la drogue qui circule. Suivant les quantités, on verbalise ou on conduit les contrevenants au commissariat pour un placement en garde à vue, le parquet décide ensuite des suites à donner", précise le commissaire central. Et de conclure : "Avec l'amende, il y a une sanction, et pas un seul rappel à la loi comme c'était souvent le cas avant pour de petite quantité. Quand les quantités sont importantes, c'est aux tribunaux de statuer". 

40 000 PV dressés en quelques mois dans toute la France

L'amende forfaitaire pour usage de stupéfiants a été érigée en symbole de la guerre anti-drogue menée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, dans une France championne d'Europe de la consommation de cannabis, malgré une des législations les plus répressives du continent.

En février dernier, plus de 40 000 PV du genre ont été dressés dans toute la France. Début mars 2021, s'agissant de l'amende forfaire de 200 euros pour usage de drogue, Gérald Darmanin a cité le chiffre de 44.124 infractions relevées entre le 1er septembre 2020 et le 28 février 2021 dont 3.978 dans les Bouches-du-Rhône, 3.744 en Seine-Saint-Denis et 1.893 dans le Nord, département les plus verbalisés

En déplacement lundi dernier, 24 mai, à Marseille, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé la création d'une nouvelle amende dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue pour les guetteurs ou les squatteurs de halls d'immeuble.


A.S

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