Procès des attentats du 13-Novembre : la police fédérale belge a-t-elle voulu recruter Oussama Atar comme "informateur" ?

Publié le 2 décembre 2021 à 22h28, mis à jour le 3 décembre 2021 à 12h29
Procès des attentats du 13-Novembre : la police fédérale belge a-t-elle voulu recruter Oussama Atar comme "informateur" ?

JUSTICE - Un enquêteur belge a détaillé ce jeudi les circonstances des départs en Syrie d'Oussama Atar, cerveau des attentats de Paris puis retour en Belgique, alors qu'il avait été condamné pour des faits graves. Certains soupçonnent la police belge d'avoir voulu le recruter comme indic.

La police belge a-t-elle voulu recruter Oussama Atar, le futur commanditaire des attentats de Paris et Bruxelles comme agent double ? C'est ce que certains affirment et c'est l'une des questions qui a été posée ce jeudi au procès des attentats de Paris à l'enquêteur belge anonymisé "447.761.902". Entendu en visio depuis le parquet fédéral, le policier spécialisé en antiterrorisme a évoqué notamment les départs d'Oussama Atar en Syrie et son retour en Belgique. 

Avant que cette fâcheuse interrogation ne lui soit posée, le policier spécialisé en antiterrorisme a rappelé qu'Oussama Atar était né le 5 mai 1984 à Bruxelles de parents marocains immigrés en Belgique, qu'on le surnommait "Le chimiste" car il avait suivi un enseignement technique avec 15 heures de chimie et que sa kounya (son surnom)  était Abu Ahmed.  Son premier voyage en Syrie remonterait au début des années 2000."Il n'aurait pas fait de connaissance précise au cours de ce voyage, lui parle d'un voyage de tourisme", précise l'enquêteur "447.761.902".  En 2003, il repart à Damas pour suivre des cours d'arabe. "Oussama Atar aurait été en contact pendant ses cours avec des professeurs hostiles aux États-Unis. Il aurait illégalement gagné l'Irak en 2004. Il y avait des groupuscules présents en Syrie et qui auraient pu permettre à des candidats de se joindre en zone de combats" ajoute "447.761.902". 

"Sauvons Oussama, l'oublié belge détenu en Irak"

Puis en 24 février 2005, Oussama Atar est interpellé en Irak sous une fausse identité (Ali Salah Mohamed) à un check-point. "Plusieurs maisons sont visitées, les militaires retrouvent un fichier avec 200 djihadistes sur lequel figure le nom d'Oussama Atar qui serait rentré sur le territoire en juillet 2004, détaille l'enquêteur belge. Le 27 février 2007, il est condamné à la perpétuité pour accès illégal sur le territoire. Il va en cassation, le 20 mai 2007, il est condamné à 10 ans d'emprisonnement pour être entré illégalement sur le territoire irakien. " Interpol précise que les faits étaient en lien avec le terrorisme, mais ça n’apparaît pas dans le jugement", dit le policier.

Oussama Atar est incarcéré dans différentes prisons. Puis en  2010, sa famille organise en Belgique une conférence de presse pour demander sa libération pour raisons de santé, évoquant notamment la maigreur de l'intéressé et une tumeur. Une photo de cette conférence de presse est projetée sur le grand écran de la salle d'audience. Des rassemblements ont également lieu dans la capitale belge sous l'intitulé "Sauvons Oussama, L'oublié belge détenu en Irak". La famille Atar bénéficie alors de soutiens politiques et associatifs et obtient gain de cause. 

Oussama Atar regagne la Belgique le 16 septembre 2012 avant d'être libéré. Le 18 septembre 2012, Oussama Atar est entendu par la police belge. Il dit ne pas souffrir de maladie et ne pas être sous médication. Une juge le met en examen pour participation aux activités d’un groupe terroriste mais il ne se passe rien. Il n'est pas mis sous surveillance. Puis le 13 décembre 2013 il part pour Istanbul et ne prendra pas le vol retour. "Il part rejoindre Daech en Syrie", souligne l'enquêteur "447.761.902". 

Sa maladie, "c'est un gros mensonge"

L'avocat général prend la parole et évoque un message qu'Oussama Atar écrit à sa sœur avant son retour en Belgique.  "'Ma santé va de mieux en mieux, j'ai seulement du mal à reprendre du poids écrit le futur cerveau des attentats". On n'est pas dans un cancer en phase terminale, tout cela est un gros mensonge !" commente le représentant du parquet national antiterroriste comme pour introduire la suite de son propos.

Puis il enchaîne : "La police judiciaire fédérale a-t-elle délivré un passeport à Oussama Atar ?". "Non", assure l'enquêteur belge. "Certains disent que la police aurait voulu recruter Oussama Atar comme source d'information, comme informateur et que de ce fait un passeport lui aurait été délivré". Le policier conteste. 

"Comment cet homme qui revient d'une condamnation lourde en Irak manifestement pour des faits de terrorisme se retrouve inculpé par un juge belge en 2012 pour participation à une organisation terroriste et qu'il ne passe rien ?, interroge Me Chemla, avocat de parties civiles en marge de l'audience. Il faut qu'on comprenne pourquoi la Belgique le laisse libre de cette façon. Il y a une thèse qui est assez évidente et qui est lancée par le parquet selon laquelle Oussama Atar aurait dû constituer une source pour les services de renseignement belges, en tous les cas, c'est ce que les services belges pensaient. Et il les a manipulés  de façon évidente. Il organisait en Belgique son réseau local avec ses cousins les frères Ibrahim et Khalid El Bakraoui. Dès que ça a été prêt, il est parti en Syrie, et de là, il a planifié les attentats".

Visé par un mandat d’arrêt en date du 28 décembre 2016, Oussama Atar serait mort en novembre ou décembre 2017. Il lui est reproché dans le cadre du procès des attentats du 13 novembre 2013 cinq infractions, notamment la direction d'une organisation terroriste, pour lesquelles il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.


Aurélie SARROT

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