Le secret de la confession, un dogme catholique face aux lois de la République

Publié le 12 octobre 2021 à 10h21

Source : JT 20h WE

SECRET- Au centre des débats depuis la récente déclaration du président de la Conférence des évêques de France, qui la place au-dessus des lois de la République, la confession fait question. Que sait-on vraiment de ce sacrement catholique et du "secret" réputé inviolable qu'il porte avec lui ?

"Plus fort que les lois de la République", selon la récente déclaration de Mgr de Moulins-Beaufort, après la déflagration du rapport Sauvé sur la pédocriminalité dans l'Église, la question du secret de la confession est depuis au centre des débats. Un prêtre peut-il vraiment entendre l'aveu d'un prêtre pédophile sans le dénoncer ? Trois points centraux pour mieux comprendre les origines et le fonctionnement de cette pratique de l'Église catholique alors que Gérald Darmanin a invité le président des Évêques de France à Beauvau pour une explication de ses propos.  

Le rite de la confession, comment ça se passe ?

"Bénissez-moi mon père parce que j’ai péché" : ce sont les premiers mots d'un fidèle lors d'une confession, prononcés à genoux. Il va ensuite énumérer - le cas échéant- les péchés qu'il estime avoir commis depuis sa dernière confession, avant de réciter un acte de contrition formel. À ce moment du rite, le prêtre qui a recueilli la confession va généralement absoudre le pécheur, puis lui imposer une pénitence. 

C'est un moment décisif pour les cas d'aveu d'acte pédocriminel : le prêtre peut refuser l'absolution, ou la conditionner, par exemple en exigeant du pécheur/criminel qu'il se dénonce aux autorités. Et ce sans briser le sceau du secret. Le frère dominicain Laurent Lemoine explique ainsi que "si le prêtre se trouve face à un cas avéré de crime pédophile dans le confessionnal, il a la possibilité de refuser l’absolution sacramentelle". Il peut également inclure l'auto-dénonciation dans la pénitence qu'il impose.

Se confesser, qu'est-ce que c'est ?

La "confession auriculaire", qui comme son nom le suggère, consiste à confier ses péchés à l'oreille d'un prêtre, existerait dans l'Église sous sa forme privée depuis le VIᵉ siècle, mais n'a été formalisée que depuis le 4ᵉ Concile de Latran, en 1215. Chaque fidèle doit se confesser au moins une fois par an lors de la communion pascale, d'où l'expression métaphorique : "faire ses pâques". Ce n'est qu'au XVIᵉ siècle en revanche que le meuble d'église du "confessionnal" se généralise, après le concile de Trente. 

Pour les catholiques, la confession est une "institution divine", que les conciles n'ont fait que formaliser, ce qui expliquerait que l'Eglise ne l'ait pas définie, et qu'elle a été très peu discutée en son sein. C'est une rencontre (au minimum) annuelle "avec la miséricorde divine", selon le pape François, un rituel qui permet de se placer "entre les mains et le cœur d’un autre qui, à cet instant, agit au nom et pour le compte de Jésus." 

Droit canon vs Code civil : lequel l'emporte ?

C'est aussi un "sacrement", ce qui selon le droit canonique place la confession entendue sous le sceau du "secret sacramentel".  La violation du secret de la confession, tranche le frère Laurent Lemoine dans La Vie, "du point de vue du droit canon, c'est l'excommunication ipso facto" pour le prêtre qui l'a recueillie. Le droit canonique, ce sont les règlements et les ordonnances que se fixe l'Église, et qui entrent ici en conflit avec les lois de la République, comme le souligne le débat en cours. 

Paradoxalement, le secret de la confession fait partie des différents "secrets professionnels" protégés par le droit pénal, au même titre que pour un médecin ou un avocat. C’est-à-dire que s'en affranchir est également lourdement punissable aux yeux de la loi... sauf dans certains cas. Parmi ceux-ci, la loi précise que si des sévices ont été infligés "à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique", le professionnel peut se libérer du secret professionnel- que le confessé soit l'auteur des actes ou la victime. En revanche, les lois laissent une marge d'interprétation sur l'obligation à le faire ou non, et la déclaration de Mgr de Moulins-Beaufort ne laisse aucun doute sur la position de l'Église sur ce point.


Frédéric SENNEVILLE

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