Règlements de comptes meurtriers à Marseille : "Une poussée de fièvre incontestable depuis la mi-juin"

Propos recueillis par Aurélie Sarrot
Publié le 27 juillet 2021 à 15h16

Source : JT 20h Semaine

SÉCURITÉ - Trois personnes ont été tuées à Marseille en moins de 48 heures le week-end dernier. Éric Arella, directeur zonal de la police judiciaire Sud, évoque la situation dans la ville depuis quelques mois.

Des armes, des coups de feu, et trois jeunes hommes qui ont perdu la vie. En 48 heures, trois homicides ont été commis à Marseille dans les Bouches-dur-Rhône. 

Vendredi vers 23h30, un homme de 26 ans a été tué par balles, atteint par plusieurs tirs, notamment à la tête et à l'abdomen, à la cité des Oliviers (13e), considérée comme un haut lieu du trafic de stupéfiants. La victime était connue pour des délits n'ayant aucun lien avec le trafic de drogue.

Samedi soir, vers 21h, un autre homme de 31 ans a, lui aussi, été tué, le corps criblé par une dizaine de projectiles, dans la cité Bégude Nord, dont il était originaire et où il faisait du gardiennage et des ménages.

Dimanche soir, c'est un jeune d'une vingtaine d'années qui a été tué par balles en pleine rue par un ou des individus circulant en voiture, dans les quartiers nord de Marseille. Le jeune homme aurait échangé quelques mots avec le ou les occupants du véhicule avant de faire quelques pas et de s'effondrer sur la chaussée, mortellement atteint par le tir d'une arme à feu. La voiture a ensuite démarré et disparu vers une direction inconnue.

Aucun lien n'a été établi entre ces trois affaires pour lesquelles les policiers sont à la recherche d'éventuels témoins. Toutefois, les faits ne font qu'allonger la liste déjà longue des événements du genre commis en série ces derniers jours dans la cité phocéenne, avec pas moins de 10 tués depuis le 25 juin et un total de 17 depuis le début de l'année, la plupart liés au trafic de stupéfiants. Ce mardi, Éric Arella, directeur zonal de la police judiciaire Sud, explique la situation. 

Triste record en 2016 avec 26 faits commis et 29 morts.

Trois homicides en trois jours, le bilan est lourd… 

Oui. Malheureusement, de tels événements se sont déjà produits ces derniers jours, car depuis la mi-juin, nous connaissons une poussée de fièvre incontestable même si a priori, les affaires du week-end passé sont totalement distinctes. Pour l'affaire la plus récente par exemple, nous sommes autour du marché aux puces, avec des personnes pas toujours en situation régulière avec le séjour en France. Il semblerait qu'il s'agisse d'un trafic de cigarettes. 

Pourquoi cette flambée des crimes ? 

Nous sommes sur des situations que nous avons déjà connues à plusieurs reprises, au moins sur la décennie écoulée, et qui surviennent souvent après des périodes d'accalmie. Concernant les règlements de compte entre malfaiteurs, appellation policière qui concerne les affaires d'homicides dans le milieu organisé, entre 2010 et 2016, nous avons enregistré 24 faits tentés et commis par an sur les Bouches-du-Rhône, principalement à Marseille, soit 2 par mois en moyenne, avec un record en 2016 avec 26 faits commis et 29 morts. Je ne parle que des règlements de compte. La tendance est à la baisse depuis 2017, avec un fait commis par mois en moyenne : 13 faits dans le département en 2017, 21 faits en 2018, 11 faits en 2019 et 12 faits en 2020 (faits commis ou tentés dans le cadre de règlements de compte dans les Bouches-du-Rhône). Depuis début 2021, nous comptons 8 faits de règlements de compte. 

"Les règlements de comptes désignent des faits bien caractérisés"

Vous n'incluez pas les trois derniers faits du week-end dans ces 8 règlements de compte entre malfaiteurs. Pourquoi ? 

Les règlements de comptes entre malfaiteurs désignent des statistiques précises avec des faits bien caractérisés : un modus operandi qui suppose une pluralité d'auteurs, un armement assez lourd, une affaire qui est nécessairement un assassinat, une victime avec des antécédents qui est dans le banditisme organisé ou le narcobanditisme, et enfin la présomption que les faits qui ont été commis l'ont été pour régler un problème de banditisme ou de narcobanditisme. 

Que donnent les chiffres si l'on compte la totalité des homicides et tentatives d'homicides dans le département ? 

Sur les trois dernières années, sur les trois premiers semestres de 2019, 2020 et 2021, on est sur des chiffres qui sont plutôt stables, contre toute attente, avec une trentaine de faits d'homicides et de tentatives d'homicides dans les Bouches-du-Rhône, surtout sur Marseille et le pourtour. Ce chiffre inclut les règlements de compte, les affaires de droit commun - comme le mari jaloux qui va tuer l'amant -, et les affaires de coups de feu entre délinquants, sur lesquelles je place plutôt les affaires du week-end dernier. 

26 règlements de compte ont été déjoués

Comment expliquez-vous la multiplication des crimes au cours des dernières semaines ? 

Il y a une conjonction de plusieurs facteurs, notamment sur les affaires de règlements de comptes : un effet "sortie de prison" - mais je ne citerai pas de noms -, des jeunes gens qui ont des appétits qui s'aiguisent de plus en plus avec des guerres de territoires sur des points de deal, des vengeances entre les équipes... Et un effet trahison au sein de certaines équipes, mais je ne donnerai pas plus de détails.  

Concernant le taux d'élucidation des enquêtes sur les règlements de compte, quels sont les chiffres ?

Le taux d'élucidation moyen en France pour les affaires de règlements de compte est de l'ordre de 35%. Ici, nous visons un taux d'élucidation qui puisse tangenter ou dépasser les 50%. Depuis 2013, le taux d'élucidation ici est de 48%. 

Depuis le début de l'année, nous avons comptabilisé 8 faits de règlements de compte et 6 affaires du genre élucidées dont 2 de 2021. 

Des règlements de compte ont également été "déjoués" dans votre département…

Nous avons comptabilisé ce type de règlements de comptes dit déjoués après que des enquêtes d'initiative ont été ouvertes. Ainsi, depuis 2016, 26 règlements de compte ont été déjoués par nos services après des filatures, des écoutes, des noms identifiés… Nous avons pu ainsi anticiper la commission de règlements de compte en arrêtant des personnes qui étaient en train de préparer des assassinats et que nous avons arrêtées avant. Ces personnes ont été interpellées en association de malfaiteurs en vue d'un projet criminel. Pour ces faits, elles encourent en correctionnel jusqu'à 10 ans de prison. 


Propos recueillis par Aurélie Sarrot

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