Travail forcé des Ouïghours : quatre géants du textile visés par une enquête en France

MM avec AFP
Publié le 1 juillet 2021 à 16h57
Un drapeau chinois flotte à Yangisar, à l'ouest de la Chine, le 4 juin 2019
Un drapeau chinois flotte à Yangisar, à l'ouest de la Chine, le 4 juin 2019 - Source : AFP PHOTO / BADUNG POLICE/GREG BAKER

SOUS-TRAITANCE - L'enquête pour "recel de crimes contre l'humanité" a été ouverte fin juin par le pôle "Crimes contre l'humanité" du Parquet national antiterroriste. Elle vise Uniqlo France, Inditex (marques Zara, Bershka etc), SMCP (Sandro, Maje, de Fursac) et Skechers.

La justice française s'intéresse de près aux agissements en Chine de quatre géants de l'habillement. Ces entreprises sont visées, depuis fin juin, par une enquête en France pour "recel de crimes contre l'humanité" à la suite d'une plainte déposée en avril par l'association anticorruption Sherpa, le collectif Éthique sur l'étiquette, l'Institut ouïghour d'Europe (IODE) et une Ouïghoure ayant été internée dans la province du Xinjiang (nord-ouest de la Chine).

Les associations reprochent à Uniqlo France (qui appartient au groupe japonais Fast Retailing), à Inditex (qui détient les marques Zara, Bershka, Massimo Duti), à SMCP (Sandro, Maje, de Fursac...) et au chausseur de sport Skechers de commercialiser des produits fabriqués en totalité, ou en partie, dans des usines où des Ouïghours sont soumis au travail forcé. Les plaignants estiment aussi que ces sociétés ne justifient pas d'efforts suffisants pour s'assurer que leurs sous-traitants ne sont pas impliqués dans les persécutions de cette minorité.

Uniqlo a pris position contre le travail forcé des Ouïghours

L'enquête a été ouverte par le pôle "Crimes contre l'humanité" du Parquet national antiterroriste (Pnat). La plainte, déposée pour "recel de crime de réduction en servitude aggravée", "recel de crime de traite des êtres humains en bande organisée" ou "recel de crime de génocide et de crime contre l'humanité", s'appuie sur un rapport publié en mars 2020 par l'ONG australienne ASPI (Australian Strategic Policy Institute).

Le géant espagnol Inditex se voit ainsi reprocher ses liens avec des producteurs de fils et de tissus du Xinjiang, ce qu'il conteste. Uniqlo, qui a pris position officiellement contre le travail forcé des Ouïghours, est accusé de s'être fourni en textile dans la région et dans la province d'Anhui, où des milliers de travailleurs ouïghours ont été transférés, possiblement contraints.

Le fabricant SMCP a lui pour actionnaire majoritaire Topsoho, une société détenue par le Chinois Shandong Ruyi qui, selon l'ASPI, a implanté ses usines depuis 2010 dans le Xinjiang. Enfin, des chaussures de Skechers USA France ont été produites dans une usine de la province du Guangdong, où travaillent des Ouïghours transférés potentiellement de force, selon les plaignants.

"C'est une première, cette enquête va nécessairement créer un risque judiciaire et une responsabilisation supplémentaire pour tous ceux qui, en toute impunité, pensaient pouvoir importer en France, pour s'enrichir, des ressources et des produits au prix des larmes et du sang", s'est félicité auprès de l'AFP Me William Bourdon, l'avocat des plaignants.

Plusieurs pays évoquent un "génocide"

Le sort des Ouïghours, minorité principalement musulmane qui représente un peu moins de la moitié des 25 millions d'habitants du Xinjiang, est dénoncé dans le monde entier par les défenseurs des droits humains. Plusieurs pays, dont les États-Unis, évoquent un "génocide" et des ONG accusent Pékin d'avoir interné depuis 2017 plus d'un million d'entre eux dans des centres de rééducation politique.


MM avec AFP

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