Affaire Mimran : la chute d'un financier millionnaire tombé dans la grande criminalité

V.F
Publié le 20 septembre 2021 à 17h42, mis à jour le 20 septembre 2021 à 17h54
Affaire Mimran : la chute d'un financier millionnaire tombé dans la grande criminalité

REPORTAGE – Sa fortune spectaculaire et sa passion pour le poker avaient projeté Arnaud Mimran dans la lumière, mais c'est en prison que le trader dort aujourd'hui, soupçonné d'avoir orchestré deux meurtres. L'émission Sept à Huit revient sur les dessous de ces affaires.

Arnaud Mimran est-il un meurtrier en plus d'être un escroc notoire ? L'homme d'affaires français déjà impliqué dans une fraude à la TVA sur les quotas de carbone, a été mis en examen mi-avril dans deux affaires aux airs de "cold-cases" : l'assassinat en 2011 de son ex-beau-père, le milliardaire Claude Dray, et le meurtre en 2010 d'une autre figure de l'affaire de la taxe carbone, Samy Souied. L'émission Sept à Huit a mené l'enquête pour tenter de comprendre pourquoi et comment aurait-il organisé l'assassinat de son ex-beau-père et de l'un de ses associés ? 

"Le mystère de la chambre jaune"

Dans la première affaire, le corps sans vie de Claude Dray, un magnat de l'immobilier de 76 ans, est découvert par son majordome au matin du 25 octobre 2011 dans son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine. Le septuagénaire git à terre dans sa chambre, abattu par trois balles tirées par un revolver de calibre 7.65, probablement équipé d'un silencieux. Rien n'a été volé dans la villa pourtant luxueusement meublée. 

À l'époque, Philippe Courroye est procureur à Nanterre. Il est l'un des premiers à se rendre sur place. "C'était un peu le mystère de la chambre jaune dans la mesure où la nuit où les faits se sont passés, l'hôtel était fermé et pour y accéder il fallait un code. Par ailleurs, il n'y avait aucune trace d'effraction", dit-il. Qui pouvait bien lui en vouloir ? Les policiers ont rapidement la certitude qu'il s'agit d'un proche, car les codes d'entrée ne sont connus que par les membres de la famille. De plus, à l'intérieur de la demeure de 1000 mètres carrés, le tueur a trouvé sans difficulté la chambre du défunt. Enfin, l'absence de l'épouse de Claude Dray ce soir-là, en déplacement à Miami, était exceptionnel et seul le cercle intime en était informé. 

Très vite, Arnaud Mimran, 39 ans à l'époque, l'ancien mari de l'une des quatre filles de Claude Dray, est soupçonné. Il était en conflit avec son beau-père depuis qu'il s'était séparé de sa fille Anna. Claude Dray reprochait à son ex-gendre d'avoir trompé sa fille. Les deux hommes en seraient même venus aux mains. "C'est un secret pour personne que leur relation était mauvaise", confirme maître Cyril Bonnant, l'avocat de Claude Dray. Le patriarche avait également des doutes sur la probité de son ex-gendre et avait commencé à monter un dossier contre lui.

L'arnaque du siècle

À l'époque, Arnaud Mimran est soupçonné d'avoir monté avec des complices l'arnaque du siècle : une escroquerie à la TVA sur la taxe carbone qui consistait à acheter des quotas d'émission de CO2 hors taxe dans un pays étranger, avant de les revendre en France à un prix incluant la TVA, puis d'investir les fonds dans une nouvelle opération. La TVA, elle, n'était jamais reversée à l'État. Ce qui a abouti à un pactole de 283 millions d'euros. Fils de bonne famille, Arnaud Mimran a fait fortune dans les placements boursiers. Un génie de la finance selon ses proches. Rolls-Royce, yacht de luxe... Son train de vie est estimé à 500.000 euros par mois. L'un de ses meilleurs amis se souvient : "il nous affrétait un jet privé au Bourget, direction Las Vegas. À l'arrivée, une limousine attendait. Il pouvait commander des centaines de bouteilles de champagne ; il adorait flamber". 

Mais en 2017, c'est le début de la chute du golden boy. Il est condamné à huit de prison pour l'escroquerie à la TVA sur la taxe carbone et écroué. À l'époque, il est aussi mis en cause dans une affaire d'enlèvement et de séquestration d'un financier suisse, contraint de verser une rançon de deux millions d'euros, pour laquelle il a été condamné en juin dernier à 13 ans de prison. C'est Philippe Courroye, devenu avocat général qui a requis contre lui dans cette affaire. Au fil des audiences, s'est dessiné, selon lui, le profil d'un homme accro à l'argent avec une face sombre. "Incontestablement, Arnaud Mimran est quelqu’un qui aimait la transgression", affirme-t-il. 

Des témoins anonymes

L'ex-golden boy serait-il allé encore plus loin en faisant assassiner Samy Souied, 45 ans, un complice dans l'affaire de la taxe carbone ? Le 14 septembre 2010, l'homme est abattu par le passager d'un scooter porte Maillot à Paris. Son corps git entre deux voitures atteint par six balles de calibre 7.65. Au moment des faits, il était accompagné de trois amis, dont Arnaud Mimran. Connu des services de police pour blanchiment et escroquerie, il rencontre ce dernier en 2007 via une connaissance et monte l'arnaque à la taxe carbone. Selon le frère de Samy Souied, très impliqué dans l'enquête, les deux associés se seraient brouillés et Arnaud Mimran aurait fait éliminer son frère. 

Retour sur les faits : le jour de sa mort, Samy Souied débarque d'Israël à Roissy, il a rendez-vous avec son associé pour parler d'éventuels placements boursiers. Mais selon les avocats de la famille Souied, il y aurait une toute autre raison. "Il vient en France tout simplement parce qu'il voulait récupérer de grosses sommes d'argent qu'il avait confié à Arnaud Mimran. Ce serait 50, 60 millions d'euros. Il est inquiet, ennuyé et il veut vraiment savoir ce qu'il en est. Il veut voir s'il peut continuer à faire confiance à Arnaud Mimran", explique Sylvie Messica-Sitbon. Après son rendez-vous, il repart vers l'aéroport, quand soudain il reçoit un appel d'Arnaud Mimran. L'avocate de la famille Souied poursuit : "'Où es-tu ?', lui demande-t-il. Samy Souied répond : 'Porte Maillot'. Et à partir de ce moment-là, Arnaud Mimran arrive en scooter et les assassins tirent".

Entendu par les enquêteurs Arnaud Mimran nie tout lien avec le meurtre, mais en 2019, des témoins anonymes le désignent comme le commanditaire. Il est mis en examen pour "meurtre en bande organisée". Une descente aux enfers pour l'homme d'affaires qui risque la réclusion criminelle à perpétuité. 


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