"Sept à Huit " : l'interview bouleversante de Valérie Bacot, jugée pour avoir tué son mari qui la tyrannisait

par Laure GIUILY
Publié le 21 juin 2021 à 10h10

Source : TF1 Info

ENFER CONJUGAL - Battue, violée et forcée à se prostituer par son mari, Valérie Bacot a fini par le tuer après 24 ans de calvaire, en 2016. Son procès commence ce lundi 21 juin. Le mois dernier, elle s'était confiée à Audrey Crespo-Mara dans l'émission Sept à Huit.

Valérie Bacot est encore une enfant quand Daniel Polette, le compagnon de sa mère, emménage chez elle. Le début d'un enfer qui durera 24 ans, avant qu'elle n'y mette fin le 13 mars 2016. Ce jour-là, elle tue celui qui sera entre-temps devenu son mari d'un coup de revolver, le même avec lequel il la menaçait régulièrement depuis des années. 

Celle-ci a douze ans quand Daniel Polette commence à abuser d'elle. "Tous les soirs après l'école, il venait, il me disait : 'Tu montes.' Je savais ce que ça voulait dire", se souvient avec émotion la mère de famille aujourd'hui âgée de 40 ans. "Une fois, je me souviens que je me suis beaucoup plus débattue et là je me suis retrouvée avec des brûlures, car c'était sur le tapis du salon. Au fil du temps, j'ai compris qu'il fallait se laisser faire plutôt que se défendre."

Il est revenu comme s’il était parti la veille
Valérie Bacot

Des abus quotidiens, permis par la complicité de sa mère : "Au début, je pensais que ma mère ne savait pas, mais au fil du temps, je me rends compte qu'elle devait savoir, mais n'a jamais rien fait." Un jour Daniel est dénoncé à la gendarmerie par l'une de ses sœurs. Il est condamné à 4 ans de prison pour viol sur mineure de moins de 15 ans et sort au bout de deux ans et demi. Il réintègre le domicile familial comme si de rien n'était. "Il est revenu comme s’il était parti la veille", regrette Valérie. 

Le calvaire recommence. "Il fait encore plus peur et a plus de force", confie la jeune femme, les larmes aux yeux. À 17 ans, elle finit par tomber enceinte. Sans lui laisser le choix et toujours avec la complicité de sa mère, Daniel prend un nouvel appartement pour qu'ils s'y installent tous les deux. Sa mère l'aide à faire ses cartons et lui prépare des oreillers avec de la lavande. "Et moi, je le fais, car je suis enceinte. Sinon j'aurais été à la rue et enceinte, parce que j'avais personne autour de moi."

Elle met au monde son premier enfant, puis trois autres dans la foulée. Pendant une vingtaine d'années, ils vivent en vase clos. Lui est chauffeur poids lourds, elle femme à la maison. Il revient midi et soir au domicile. Chaque jour, Valérie craint un peu plus son retour. 

Une spirale d'horreur infinie

"Insultes, claques, menaces de mort. Au fil des années, c'est de pire en pire", se souvient douloureusement la jeune femme qui assure avoir été menacée plusieurs fois avec un pistolet. "Ça lui arrivait parfois de tirer et je ne savais pas s'il y avait quelque chose ou pas. Il me disait 'T'as de la chance, c'est pas que j'en avais pas envie. La prochaine fois, je ne te louperai pas.'

Une violence inouïe dont Valérie ne parvient pas à s'extirper. "J'essaye de protéger mes enfants, c'est ma priorité. Faire en sorte qu'ils voient le moins de choses possible, qu'il ne les frappe pas." Impossible d'échapper au contrôle de son mari pour aller porter plainte. Ses enfants essayeront d'y aller à deux reprises, mais ne seront pas pris au sérieux par les gendarmes.  "J'avais l'espoir que les gendarmes disent qu'ils allaient nous mettre en sécurité ou le mettre en prison. Mais pour moi, c'était trop risqué qu'il l'interroge et qu'il le laisse rentrer le temps de faire l'enquête. Ma priorité, c'était de sauver mes enfants."

Ma seule obsession, c'était de me sauver pour pas qu'il me tue
Valérie Bacot

Dans cette spirale d'horreur infinie, Daniel force sa femme à se prostituer sur des aires d'autoroute. Il aménage le monospace familial avec une couchette à l'arrière, des protections aux fenêtres et un trou dans la fenêtre du coffre "pour regarder tout ce qu'il se passe." Il équipait Valérie d’une oreillette durant les passes et donnait ses instructions.

"Il regarde de dehors et il me dit ce que je dois faire dans une oreillette", confie Valérie la voix chevrotante. "J'encaisse, car si je ne le fais pas il me frappe et c'est toujours pareil, toujours la peur. Il faisait de moi ce qu'il voulait." Ce nouvel enfer dure quatorze ans. 

Le procès débute ce lundi 21 juin

Jusqu'au jour de trop. Leur fille a 14 ans et Valérie a peur qu'il lui réserve le même traitement. "Un jour, il lui a demandé, comment elle était sexuellement." Un déclic pour cette mère de famille qui veut à tout prix protéger ses enfants. Le lendemain, alors qu'elle reçoit un client violent dans son monospace, tout bascule. "Comme d'habitude quand on avait ce type de clients, mon mari gardait son arme dans la voiture", se souvient la jeune femme en larmes. Comme elle ne s'est pas laissé faire son mari lui a dit dans les oreillettes qu'elle allait "le payer", se souvient-elle, puis s'est approché de la voiture. 

C'est normal que j'aille en prison pour ce que j'ai fait
Valérie Bacot

"J'ai pris l'arme. Je me rappelle juste d'avoir fermé les yeux et d'avoir vu une lumière et entendu un gros bruit", raconte Valérie en sanglotant. Elle ouvre la porte de la voiture, l'homme tombe. Elle se sauve de peur qu'il ne la tue. "Ma seule obsession, c'était de me sauver pour pas qu'il me tue." 

Elle avoue tout à ses enfants qui lui répondent : "Ne t'inquiète pas maman, on va t'aider." Elle enterre son mari dans un bois avec l'aide de ses enfants. Les gendarmes retrouveront le corps un an plus tard. Valérie Bacot et ses enfants sont interpelés le 2 octobre 2017

Après un an de détention provisoire, elle est libérée sous contrôle judiciaire, en attendant son procès qui aura lieu à partir de ce lundi 21 juin. À l'approche de l'audience, Valérie Bacot s'était dite sereine. "C'est normal que j'aille en prison pour ce que j'ai fait, ce que je redoute, c'est d'abandonner mes enfants et ma petite fille. D'un autre côté, j'ai hâte que ce procès se fasse. Je le considère comme mon procès, mais un peu comme son procès à lui aussi. Je le vois un peu comme mon dernier combat contre lui. Et, cela me permettra de savoir si j'arriverai pour une fois dans ma vie à être plus forte que lui." 

Début janvier, un comité de soutien à Valérie Bacot a lancé une pétition pour obtenir la grâce d'une femme que "personne n'a jamais protégée", signée par plus de 120.000 personnes. Valérie Bacot sera défendue par Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini, les avocates de Jacqueline Sauvage.

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