Cambriolage sanglant dans le "jardin préféré des Français" : les mystères de l'affaire Malgouyres

Publié le 29 novembre 2021 à 9h58
Cambriolage sanglant dans le "jardin préféré des Français" : les mystères de l'affaire Malgouyres

JUSTICE - Le procès de Daniel Malgouyres s'ouvre ce lundi. Ce propriétaire d'un domaine dans l'Hérault est accusé d’avoir organisé le faux cambriolage de sa résidence et d’avoir lui-même tué l'un des malfrats. Une affaire entourée d'un épais mystère, sur laquelle "Sept à Huit" a enquêté.

Un petit paradis de verdure devenu le théâtre d'une scène de crime. Françoise Malgouyres, 62 ans, vit désormais seule dans sa résidence de Saint-Adrien, sur la route menant à Servian, dans l’Hérault, après un "home jacking" - un cambriolage en sa présence - qui aurait peut-être été orchestré par son propre mari il y a quatre ans. 

"C’est quelque chose qu’on ne pourra jamais enlever de notre vie", raconte-t-elle dans le reportage de "Sept à Huit" en tête de cet article. "On se demande pourquoi ça nous est arrivé, on ne comprend pas." Chaque jour, dès que le soleil se couche, la sexagénaire met sa maison sous verrou, déclenche l’alarme et ne sort plus. "Je ne fais rien le soir, j’ai très peur", confie-t-elle.

C’est son mari, Daniel Malgouyres, qui est soupçonné d'avoir commandité son propre cambriolage pour voler sa femme et la faire fuir du domicile conjugal. Jeudi 5 octobre 2017, vers 20 heures, les deux époux sont violemment frappés tour à tour par deux hommes cagoulés, qui ont fait intrusion dans la résidence. L'époux saisit son fusil de chasse et tue l'un des cambrioleurs, avant de tirer sur le second qui prend la fuite. 

Un crime dans le "Jardin préféré des Français"

Placé en garde à vue, il plaide la légitime défense. Mis en examen pour meurtre, il est toutefois laissé libre dans cette affaire qui jusque-là semble n’être qu’un cambriolage ayant mal tourné. Il affirme alors avoir voulu tendre un piège aux malfaiteurs en les menant à l’étage de sa propriété, où se trouve son fusil. Il aurait ensuite tiré sur l'un des malfrats qui tenait selon lui sa femme en joue avec un revolver. "Je ne pouvais pas faire autrement, c’était lui ou c’était nous."

Le cambrioleur meurt sur le coup. À l’époque, personne ne met en doute la parole du propriétaire, un fils de viticulteur bien connu dans la région et père de deux enfants. Avec sa femme Françoise, ils font fortune dans une entreprise de meubles, puis il acquiert un terrain sur ses terres natales, où le couple crée les Jardins de Saint-Adrien, un paradis végétal verdoyant. Ces quatre hectares de plantations font 50.000 entrées payantes par an et engrangent plusieurs centaines de milliers d’euros. En 2013, le site est même élu "Jardin préféré des Français" dans l’émission de Stéphane Bern. 

Douze jours après les faits, les gendarmes remontent la piste du deuxième cambrioleur, qui a pris la fuite. Richard Bruno, 53 ans, fait des révélations fracassantes : David Viers, le malfrat abattu, l’aurait convaincu de participer à un simulacre de cambriolage. "C’est un truc arrangé", lui aurait-il écrit. "Il veut prendre l’argent de sa femme. Il nous donnerait 100.000 euros à chacun." Françoise Malgouyres avait un coffre dont il fallait s’emparer, bien que Daniel n'en connaissait pas l’emplacement. 

Mais la résistance inattendue de l’épouse aurait fait déraper le plan. Selon l’avocat de Richard Bruno, face à cette "impasse", David Viers serait monté à l’étage avec Daniel Malgouyres pour élaborer la suite du plan, mais "c’est à ce moment-là que le coup de feu serait intervenu". Selon lui, le propriétaire a voulu tuer ses complices par peur qu’ils le fassent chanter.

L'argent, "creuset" de ce "mobile machiavélique"

Daniel Marlgouyres retourne alors derrière les barreaux. Mais pourquoi aurait-il commandité son propre cambriolage ? Quelques mois avant le drame, le couple entre en crise et décide de se séparer, car l'homme souhaite partir avec sa maîtresse, une employée du domaine. Mais les deux époux se déchirent au sujet de leur argent, car tous deux ont pris l’habitude de cacher des centaines de milliers d’euros de recettes dans la propriété sans rien dire à l’autre. "Dans les radiateurs, dans la terre, partout, il y a du fric", explique Me Luc Abratkiewicz, l’un des avocats du dossier. "C’est dans ce creuset que s’est forgé ce mobile machiavélique."

Selon les enquêteurs, Daniel Malgouyres refusait de partager ses jardins, son rêve d’enfance, avec sa future ex-femme, cherchant donc à la faire fuir par ce violent cambriolage. Une reconstitution en août 2018 révèle les mensonges du propriétaire, puisque sa femme serait restée au rez-de-chaussée et non à l'étage, comme il l'affirmait. 

En prison, le mari ne cesse pourtant de clamer son innocence, et après un an de détention provisoire, il est libéré. Il avait assuré alors auprès de "Sept à Huit" qu’il s’était entendu avec sa femme un mois avant le cambriolage sur le partage en deux de leur propriété, estimée à quatre millions d’euros. Mais il est à nouveau incarcéré le lendemain pour avoir violé son contrôle judiciaire, et s’estime depuis victime d’un acharnement de la justice. 

Un deuxième suspect dans l'entourage du couple

"Il n’y a aucun mobile qui tienne, le défend sa sœur cadette Magalie. Ils étaient allés voir le notaire pour régler ces choses-là, ils avaient trouvé un terrain d’entente. Il n’y avait pas de raison que ça se passe mal." Pour les proches de Daniel, il y a aussi un autre suspect désigné : son ami Richard Llop, qui organise tous les spectacles équestres organisés au jardin. 

Le soir du drame, il quitte en effet les jardins vers 19h30 mais a rôdé autour de la propriété ensuite selon les enquêteurs, jusqu'à l’arrivée des cambrioleurs, avec qui il avait déjeuné un peu plus tôt. "Je ne le sens pas, c’est un manipulateur", lâche Aurélie, la fille du couple. Mis en examen et incarcéré, il a reconnu avoir recruté les deux hommes, mais à la demande de Daniel. "C’est une posture de défense pour ignorer sa responsabilité", tance Jean-Marc Darrigade, l’avocat du propriétaire du domaine, qui souligne que l’homme est criblé de dettes. 

Après quatre ans d’enquête et de rebondissements, aucune preuve formelle de la culpabilité de Daniel Malgouyres n'a été mise au jour. Le procès, qui débute lundi pour trois semaines, devra déterminer s'il est le commanditaire et Richard Llop son homme de main, ou si le cavalier a agi seul. Tous deux risquent jusqu’à trente ans de réclusion criminelle.

"C'est mon mari depuis 40 ans, et j’ai du mal à accepter qu’il soit à l’origine à l’origine de ce cambriolage", confie Françoise Malgouyres. "Quand on est en couple depuis si longtemps, on a du mal à comprendre jusqu’où un homme peut aller pour avoir sa liberté. Ça, je ne le comprends pas."


La rédaction de TF1info

Tout
TF1 Info