VERDICT - La Cour constitutionnelle a rendu son verdict ce vendredi matin : la garde à vue de Murielle Bolle en 1984, sans l'assistance d'un avocat, n'était pas conforme à la Constitution. Cela ouvre la porte à une annulation de ses déclarations aux yeux de la justice et notamment ses accusations à l'égard de Bernard Laroche.
"Je m'en voudrai toute ma vie", nous confiait Murielle Bolle au début du mois de novembre. Elle raconte qu'elle se rend une fois par semaine sur la tombe de son beau-frère Bernard Laroche, assassiné il y a 33 ans. "Je lui demande pardon", explique-t-elle. L'objet de sa culpabilité : l'accusation qu'elle a porté à son encontre il y a maintenant 34 ans.
En novembre 1984, Murielle Bolle, alors âgée de 15 ans, est entendue au sujet du meurtre du petit Grégory. Elle livre alors un témoignage accablant : son beau-frère aurait enlevé sous ses yeux l'enfant de 4 ans, qui sera retrouvé noyé dans la Vologne, pieds et poings liés et répète ses aveux devant le juge d’instruction. La jeune fille a beau revenir sur ses déclarations trois jours après, et ne pas avoir changé de version depuis, les accusations sont inscrites dans le dossier, non sans conséquence.
Bernard Laroche est tout d'abord inculpé. Il sera finalement relâché en février 1985 mais le père du petit Grégory, Jean-Marie Villemin, convaincu de sa culpabilité, le tuera quelques mois plus tard. Alors que l'affaire n'est toujours pas résolue et que le ou les assassin(s) coure(nt) toujours, les avocats de Murielle Bolle contestaient depuis fort longtemps la validité de cette fameuse garde à vue et de ses déclarations polémiques. Le Conseil constitutionnel leur a donné raison, vendredi 16 novembre : la garde à vue initiale ne pourra donc plus être invoquée dans le dossier.
Le sujet avait été porté devant le Conseil constitutionnel sous la forme d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Au motif, selon l'avocat de Murielle Bolle Jean-Paul Teissonnière, que les droits les plus élémentaires de sa cliente n'avaient à l'époque pas été respectés.
"C’est surtout le droit à la présence d’un avocat dès la première heure de garde à vue" qui posait problème selon lui. Sa cliente n'a parlé que "pour mettre fin à une situation qui était devenue pour elle intenable". Murielle Bolle aurait menti pour être libérée : "Le seul moyen de rentrer chez (elle), c’était de leur dire ce qu’il ne cessait de répéter de (leur) dire", assure-t-il. "Si c'était Bernard, je l'aurais dit mais il était là quand je suis rentrée de l'école", nous racontait alors la témoin, désormais âgée de 49 ans.
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Maintenant que le Conseil constitutionnel a rendu un avis favorable à Murielle Bolle, le dossier judiciaire pourrait s'en trouver considérablement changé. Si les accusations portées à l'encontre de Bernard Laroche n'ont pas disparu, cette décision ouvre la porte à ce qu'un juge judiciaire, détermine "les conséquences de cette inconstitutionnalité sur la régularité d'actes ou de pièces de procédure". En clair, de faire invalider et disparaître du dossier les accusations de l'adolescente. Ce qui ne serait pas sans conséquence. La justice soupçonne encore cette femme d’avoir participé à l’enlèvement, sa rétractation ferait en réalité suite aux pressions et violences familiales qu’elle aurait subies à l'époque. Les accusations de Murielle Bolle forment donc un élément essentiel pour l'accusation.
Le parquet général et les avocats des parents de Grégory s'étaient d'ailleurs opposés au début de l'année à cette procédure, mettant en avant que le Conseil constitutionnel avait déjà refusé en 2010 l'application rétroactive des nouvelles règles de la garde à vue. La question a été tranchée "pour les majeurs", mais "pour les mineurs, cette question n'a jamais été jugée jusqu'à présent", avait alors rétorqué Me Jean-Paul Teissonnière. A raison, donc.