La Cour de cassation ouvre la voie à l'arrêt des traitements : est-ce "le point final" de l'affaire Vincent Lambert ?

Publié le 29 juin 2019 à 7h45

Source : 24H PUJADAS, L'info en questions

ABOUTISSEMENT – Ce vendredi, la Cour de cassation a décidé de casser l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait ordonné, le 20 mai dernier, la reprise des soins de Vincent Lambert. Une décision saluée par l’avocat de Rachel Lambert, la femme de l'ex-infirmer de 42 ans, pour qui ce nouveau rebondissement marque "le point final" de cette affaire longue de dix ans.

"C'est le point final à cette affaire judiciaire." L’avocat de l’épouse de Vincent Lambert en est certain : la décision de la Cour de cassation permettra un arrêt immédiat des soins de cet ancien infirmier tétraplégique et en état végétatif depuis un accident de la route en 2008. Ce vendredi 28 juin, la plus haute juridiction française a cassé la décision de la Cour d'appel, rendue en mai dernier, de maintenir Vincent Lambert en vie. Mais après plus de dix ans de tergiversation et une trentaine de décisions de justice, ce nouveau rebondissement marque-t-il vraiment l’aboutissement de l'affaire ? 

Les parents du jeune homme, fervents catholiques, ne comptent, eux, pas en rester-là. Déterminés à se battre pour maintenir l’hydratation et l’alimentation de leur fils, qu’ils jugent handicapé et non en fin de vie, ils souhaitent ainsi porter plainte à nouveau. Après l'annonce de la Cour de cassation, leur avocat a menacé de poursuivre "pour meurtre avec préméditation" le(s) médecin(s) qui ordonnerai(en)t l'arrêt des traitement. 

La qualification de "meurtre" peut-elle être retenue ?

Un scénario réaliste ? Aux yeux de Me Jérémy Kalfon, avocat pénaliste au barreau de Paris, cette voie juridique n’est tout simplement pas envisageable. Et ce pour deux raisons. Il nous rappelle notamment qu’en droit français, un meurtre implique nécessairement un "élément matériel". Ce qui veut donc dire une action résultant d’un "acte positif" et non d’une "abstention". "Pour qu’il y ait meurtre, il faut prouver la causalité entre un acte positif et la mort d’un être humain. Là nous n’avons pas d’acte positif puisqu’on s’abstient de faire quelque-chose : les soins." 

Selon lui, si les parents voulaient vraiment prouver l'existence d'un crime, il leur faudrait aller sur le terrain de la non-assistance à personne en péril ou de parler d’un empoisonnement. "Si on l’euthanasie, c’est-à-dire si on injecte dans son corps un produit de nature à provoquer la mort, là, c’est un empoisonnement. Et donc il y a une qualification pénale criminelle." Sauf que dans le cas de Vincent Lambert, il n’y aura pas d’euthanasie mais arrêt des soins avec, parallèlement, une sédation profonde. Celle-ci peut résulter d’un "acte positif". Mais encore faut-il prouver qu’elle est "de nature à causer la mort". "Je ne suis pas médecin, mais je ne pense pas que ce soit le cas", reprend l’avocat.

Capture d'écran de l'article 121-3 du Code pénal
Capture d'écran de l'article 121-3 du Code pénal - légifrance

Il ajoute également qu’outre la qualification, reste l'"aspect justificatif". Ici, comme arrêter les soins résulte d’une décision de justice, le médecin du CHU de Reims pourra invoquer l'"autorisation de la loi". "C’est un peu comme pour la légitime défense", vulgarise Me Kalfon. "Techniquement, vous avez commis un meurtre mais on dit que vous aviez une raison de le faire." 

Pour Nicolas Hervieu, juriste en droit public, la menace des avocats des parents de Vincent Lambert ne pourra d'ailleurs faire obstacle à l’arrêt des soins. Elle n’est selon lui qu’une simple façon de "mettre la pression". "Non, le dépôt de plainte ne serait pas de nature à être suspensif", nous souligne-t-il. 

L'avocat des parents n'a plus grand-chose à explorer
Nicolas Hervieu, juriste en droit public

S’il admet que "tout est encore possible", l'affaire ayant été "jalonnée de rebondissements", cet enseignant à Sciences Po va dans le sens de l’avocat de Rachel Lambert, d'après qui "il n'y a désormais plus d'obstacle juridique et contentieux à la reprise du processus d'arrêt des traitements". "Juridiquement, à ce stade, on voit très, très mal ce qui pourrait être initié comme recours", fait valoir Nicolas Hervieu.

"Il n’a plus grand-chose dans les mains [des avocats des parents]", assure-t-il, rendant néanmoins hommage à ce dernier pour avoir "tenté toutes les voies de droit possibles et imaginables". Pour le juriste, l’annonce d'une possible plainte pour meurtre n’est donc rien d'autre qu’un aveu d’échec, la preuve qu’il n’y a "plus grand-chose à explorer". 

Selon Nicolas Hervieu, le sujet n’est maintenant plus juridique. Il estime que la prochaine question sera de savoir à quel moment le médecin de Vincent Lambert pourra bel et bien mettre en application la décision qu’il a pris d’arrêter les soins, décision qui a été validée aussi bien par le Conseil d’Etat que par la Cour européenne des droits de l’Homme. Un moment qui marquerait alors vraiment le point final à ce conflit de plus de dix ans. 


Felicia SIDERIS

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