Au procès de l'attentat raté de Notre-Dame : "J'étais choquée moi-même de ce que j'étais en train de faire"

Publié le 4 octobre 2019 à 5h42, mis à jour le 4 octobre 2019 à 7h39
Au procès de l'attentat raté de Notre-Dame : "J'étais choquée moi-même de ce que j'étais en train de faire"
Source : Benoit PEYRUCQ / AFP

PROCÈS - Un univers virtuel pour une radicalisation bien réelle. Sarah Hervouët, jugée pour avoir poignardé un policier après l'attentat raté de Notre-Dame en 2016, a raconté jeudi aux assises sa conversion à l'idéologie djihadiste sur internet, jusqu'à son basculement dans la violence.

Discussions religieuses sur Facebook, projets de mariages sur Skype et considérations via des forums sur la "mort en martyr"... "J'ai utilisé énormément de mon temps sur internet. Des heures et des heures, des nuits entières". Sarah Hervouët, 26 ans, est jugée depuis le 23 septembre devant la cour d'assises spéciale de Paris pour avoir attaqué à l'aide d'un couteau un policier de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) engagé dans une opération de surveillance, le 8 septembre 2016 à Boussy-Saint-Antoine (Essonne).

Elle comparaît aux côtés d'Inès Madani et d'Ornella Gilligmann, jugées pour avoir tenté de faire exploser une voiture près de Notre-Dame de Paris. Les trois femmes avaient été mises en contact, via internet, par le propagandiste du groupe Etat islamique Rachid Kassim, alors en Syrie.

Elevée par une mère catholique non pratiquante

Comment Sarah Hervouët, élevée dans le sud de la France par une mère catholique non pratiquante, en est-elle venue à épouser les thèses djihadistes ? "Ma vie, j'avais l'impression qu'elle ne ressemblait à rien", explique la Varoise, chemisier blanc, cheveux noirs tirés vers l'arrière. "La religion m'a aidée", ajoute-t-elle.

Père biologique absent, relation difficile avec sa mère, désir de reconnaissance amoureuse... Face aux juges de la cour d'assises, l'accusée raconte sans fard les états d'âme et le mal-être qui l'ont poussée sur le chemin de la radicalité, en plein conflit syrien.

Pourquoi se renseigner sur internet, et non auprès de personnes plus au fait des questions?, demande le président. "C'était plus rapide: en deux secondes j'avais la réponse (...). A cette époque, j'avais tendance à ne pas faire la part des choses. C'est dans mon caractère, malheureusement, je suis extrême", raconte la jeune femme.

"Les coupages de tête, c'est pas mon truc"

Active sur les réseaux sociaux, Sarah Hervouët est alors contactée par un combattant djihadiste en Syrie, qui lui propose de l'épouser via l'application Skype. Souhaitant le rejoindre, elle est interpellée en Turquie. A son retour en France, d'autres projets d'union voient le jour, avec Larossi Abballa, auteur de l'assassinat d'un couple de policiers de Magnanville en 2016, puis avec l'un des futurs tueurs de l'église Saint-Etienne-du-Rouvray, Adel Kermiche.

La jeune femme entre finalement en contact avec le propagandiste du groupe Etat islamique Rachid Kassim, accusé d'avoir piloté plusieurs attentats. "Je lui ai bien précisé que moi les égorgements et les coupages de tête, c'est pas mon truc", assure-t-elle. Sarah Hervouët souhaite alors "mourir en martyr", mais s'interroge sur la façon de passer à l'acte. Rachid Kassim lui propose de tuer le maire FN de Cogolin (Var), Marc-Etienne Lansade, où elle réside. Après une action de repérage en mairie, elle jette l'éponge.

"Je suis rentrée chez moi, j'ai vomi. J'étais pas capable: physiquement, ce n'était pas possible", rapporte l'accusée. Invitée à rejoindre Inès Madani et Ornella Gilligmann dans un appartement de région parisienne, deux jours après l'attentat raté de Notre-Dame, Sarah Hervouët voit sa vie finalement basculer quand les jeunes femmes apprennent que des policiers patrouillent près de leur appartement. Cherchant à s'enfuir, les jeunes femmes entreprennent de voler une camionnette, où se trouve un homme. "Elles m'ont dit: tu y vas, tu t'occupes de lui", explique Sarah Hervouët, qui assure n'avoir pas su qu'il s'agissait d'un policier et n'avoir "pas pensé à le tuer".

"Je ne comprends pas pourquoi je lui ai mis un coup, je ne l'explique pas. Mon cerveau était sur off : j'étais choquée moi-même de ce que j'étais en train de faire". La jeune femme, qui s'est mariée "religieusement" en détention à un détenu condamné dans une affaire terroriste mais qui se dit néanmoins "déradicalisée", encourt la réclusion à perpétuité.


La rédaction de TF1info

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