"On les a tous tués" : au procès de l'attentat contre Charlie, les images de la tuerie figent le tribunal

Publié le 7 septembre 2020 à 15h56
Dessin de la salle d'audience, lors du premier jour du procès de Charlie Hebdo-Hyper Cacher le 2 septembre
Dessin de la salle d'audience, lors du premier jour du procès de Charlie Hebdo-Hyper Cacher le 2 septembre - Source : Benoit PEYRUCQ / AFP

JUSTICE Au 4e jour du procès des attentats de janvier 2015 ont été projetées dans les différentes salles des photos des 12 personnes assassinées le 7 janvier 2015 par les frères Kouachi ainsi que des vidéos des terroristes pendant et après l'attaque. Une rude épreuve pour les parties civiles dont plusieurs ont préféré quitter la salle.

"Nous allons visionner au cours de ces trois semaines des vidéos sous scellés. Ces scènes peuvent heurter la sensibilité. Il sera indiqué avant chaque visionnage de scellés la nature de ce scellé pour que chaque personne qui ne souhaiterait pas voir ces vidéos puisse prendre ses dispositions", a prévenu le président ce lundi matin, au début de l'audience. 

Au 4e jour du procès des attentats de janvier 2015, au cours desquels 17 personnes ont perdu la vie, ce sont des images très éprouvantes qui ont été diffusées dans les différentes salles d'audience. Celles des victimes assassinées au cours des attentats. Une projection faite à la demande d'un enquêteur de la section antiterroriste de la brigade criminelle, venu témoigner.

Bain de sang

A la barre, Christian Deau est revenu sur la manière de travailler de la police dans des événements comme celui-ci. Il a ainsi présenté plusieurs clichés pris dans les locaux de Charlie Hebdo, juste après l'attaque commise entre 11h33 et 11h35 ce 7  janvier 2015. 

Au sol, des traces de sang qui se succèdent, puis un premier corps, celui de Mustapha Ourad, correcteur du journal, suivi de celui de Franck Brinsolaro, policier. Viennent ensuite toutes les autres victimes, dans la salle de rédaction: Cabu, Elsa Cayat, Charb Honoré, Bernard Maris, Michel Renaud, Tignous, Wolinski. Certaines sont face contre terre, d'autres tournées vers le ciel, d'autres encore de côté. Le rouge recouvre le sol.  "Monsieur Charbonnier [Charb] est celui qui présente le plus d'impacts de tirs, sept impacts tirés à moins de 10 centimètres. Avec trois tirs de Kalachnikov au niveau du crâne", détaille le policier.

"Ils ont pu rester en vie car ils ont fait semblant d'être morts"

Quelques minutes plus tard, la cour visionne cette fois l'arrivée des terroristes, extraites des caméras de vidéo surveillance du journal. En noir et blanc, dépourvues de son, mais suffisantes à montrer l'horreur et la barbarie… Après s'être trompés plusieurs fois d'endroits, les frères Kouachi, vêtus de noir, cagoulés, armés jusqu'aux dents, font leur entrée dans la rédaction, guidés par Corinne Rey, dessinatrice de Charlie Hebdo qu'ils viennent de prendre en otage. Puis ils tirent sur un homme assis à son bureau. Simon Fieschi, webmaster, tombe à terre. Les deux hommes disparaissent des écrans, puis réapparaissent, moins de deux minutes plus tard. L'un d'eux lève un doigt vers le ciel. Et les deux terroristes repartent, après avoir assassiné la quasi intégralité d'une rédaction et de ses invités.

"Quatre personnes sont en urgence absolue. Monsieur Sourisseau [Riss], monsieur Fieschi, monsieur Lançon, monsieur Nicolino", détaille l'enquêteur à la barre après la diffusion de ces images. "Ils sont évacués. Certains survivants ont pu rester en vie car ils ont fait semblant d'être morts". Et le fonctionnaire de rappeler qu'avant de quitter les lieux, un des deux hommes dira : "C'est bon, on les a tous tués". Le visionnage s'achèvera sur celles d'Ahmed Merabet, blessé, puis achevé au sol et la fuite des deux assassins. Dans la salle, un silence assourdissant.

"Une scène de guerre en 1 minute 45"

A la sortie du prétoire, tout le monde est abasourdi. Interrogée par les médias, Me Caty Richard, qui représente le fils de Bernard Maris, assassiné ce jour-là, y va de son analyse sur des images dont elle souligne la rareté. "Dans ces images, on est saisi par la motivation des terroristes, les frères Kouachi. On les voit déterminés, sans hésitation. On sait qu'un bon nombre des victimes ont été lâchement assassinées, avec des balles tirées d'arrière vers l'avant. C'est une scène d'horreur, c'est une scène de guerre qui s'est passée en 1 minute 45".

L'avocate poursuit :  "Ce que l'on vient de voir c'est inhumain, on a vu des machines de guerre crier en arabe, crier Allah Akbar, Al Qaida. Il va être très important de répondre à cette barbarie par l'intelligence, par la culture, tel  que c'était le but de ces victimes, dans le cadre de leur rôle de journalistes". Pour Me Richard, "il fallait montrer [ces images] à la cour". A la cour, mais aussi aux accusés. "Ils les ont regardées avec beaucoup d'attention. Difficile de voir s'ils étaient émus ou non". 


Aurélie SARROT

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