Mort de Clément Méric : cinq ans après la bagarre fatale, trois skinheads devant la justice

par Maud VALLEREAU
Publié le 3 septembre 2018 à 19h12, mis à jour le 3 septembre 2018 à 19h41
Mort de Clément Méric : cinq ans après la bagarre fatale, trois skinheads devant la justice

JUSTICE - Cinq ans après la mort Clément Méric, un militant antifasciste tué au cours d'une bagarre à Paris, le procès de trois skinheads s’ouvre ce mardi 4 septembre devant la cour d'assises de Paris.

Le 5 juin 2013, à 18h43, en face de la bouche du RER de la gare d'Haussmann-Saint-Lazare qui déverse sa foule de touristes et de travailleurs pressés de rentrer, le temps s’est suspendu. Un jeune "antifa" vient de s'effondrer sur les pavés parisiens. Une bagarre aussi violente que rapide a opposé le jeune homme de 18 ans et ses amis à un groupe de skinheads. Sept secondes et une vie qui bascule. 

Cinq ans se sont écoulés depuis la mort de Clément Méric, étudiant brillant de Sciences-Po dont l'histoire est passée du fait divers à l'affaire politique. Militant antiraciste, antispéciste, défenseur du mariage pour tous, et désormais symbole du mouvement antifasciste et de l'"extrême droite qui tue". Le gouvernement avait promis de punir "les assassins" et dissous plusieurs groupuscules, à l’instar de Troisième Voie et des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), dirigées par une figure de l'extrême droite : Serge Ayoub. 

Au terme de plusieurs années d'enquête, les juges ont, eux, écarté "l’intention d’homicide" des skinheads, concluant à une "rixe à l’occasion d’une rencontre fortuite de deux groupes rivaux dans un magasin de vêtements". Esteban Morillo et Samuel Dufour, 25 ans, devront ainsi répondre à partir de mardi devant les assises de Paris de coups mortels en réunion et avec arme. Alexandre Eyraud, 29 ans, sera jugé pour les violences volontaires à l’encontre de deux camarades de Clément Méric. Les premiers risquent vingt ans de prison, le troisième cinq. 

Poings américains ?

Si les enquêteurs ont pu reconstituer une partie du scénario de ce mercredi noir, restent ces zones d’ombre qui feront le procès. Les versions contradictoires des accusés, des victimes, et des témoins, tout comme le film peu lisible de la caméra de vidéosurveillance n’ont pas permis d’établir avec certitude qui a ouvert les hostilités. Ni si des poings américains armaient les mains des gros bras tatoués venues cogner le visage frêle du jeune homme, qui était en rémission d'une leucémie.

Une vente privée de la marque à la couronne de lauriers Fred Perry, au deuxième étage d’un immeuble de la rue Caumartin, avait réuni en cette fin d’après-midi de juin deux groupes aux idéologies ennemies. Matthias Bouchenot, Aurélien Boudon, et Steve Domas, militants antifascistes d’une vingtaine d’années, avaient croisé la route de Samuel Dufour et Alexandre Eyraud, crânes rasés et bombers sur tee-shirt explicites "White power", "100% pure race". "Les nazis viennent faire leurs courses ?" leur avait lancé Steve Domas. Le principal accusé et la victime n'étaient pas encore là. Ils rejoindront leur groupe respectif quelques minutes plus tard. Dans le showroom, seules des paroles avaient été échangées. Dans la rue, des coups les avaient accompagnées.  

"Ce n’est pas un procès politique"

Les "skins" ont toujours parlé de légitime défense. Si Esteban Morillo a reconnu avoir frappé à deux reprises Clément Méric, il réfute l’utilisation d’un poing américain, circonstance aggravante. Les rapports d’expertise médicale pratiquée sur le corps de la victime évoquent entre trois et cinq coups et n’excluent pas l’utilisation de cette arme de 6e catégorie. De son côté, Samuel Dufour conteste formellement avoir frappé le jeune homme en dépit de certains témoignages et de SMS envoyés depuis son portable le soir de la rixe : "Salut, j’ai frappé avec ton poing américain (…) bah, il est parti à l’hôpital. 5 contre 3. On les défonce. MDR". 

Leur défense souhaite éviter toute "politisation des débats". "Ils doivent être jugés pour ce qu’ils ont fait, il faut séparer la réalité de l’imaginaire collectif. Ce n’est pas un procès politique, il n’a jamais été question d’assassinat politique comme cela a été dit. Rien n’était prémédité.  Nous sommes face à une malheureuse bagarre de deux camps opposés", fait valoir Antoine Vey, avocat de Samuel Dufour. 

"Ce n’est pas une bagarre, c’est une agression. La volonté d'en découdre est du côté des accusés, répond en écho l'avocate de la famille Méric, Me Cosima Ouhioun, interrogée par Reuters. Ce que nous attendons de ce procès, c'est que la vérité soit dite et que la mémoire de Clément soit respectée." Le procès doit durer jusqu'au 14 septembre. 


Maud VALLEREAU

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