Du proxénétisme sur un site de petites annonces ? L'affaire Vivastreet en 4 questions

par Matthieu JUBLIN
Publié le 14 avril 2017 à 20h01
Du proxénétisme sur un site de petites annonces ? L'affaire Vivastreet en 4 questions

PROSTITUTION - Le parquet de Paris a ouvert, le 15 février, une enquête préliminaire pour “proxénétisme aggravé” visant le site de petites annonces Vivastreet, révèle 20 Minutes ce vendredi. Derrière son système d’annonces payantes, le site est suspecté d’abriter des milliers d’offres de prostitution.

L'un des sites français les plus consultés fait l'objet, depuis le 15 février, d'une enquête préliminaire pour "proxénétisme aggravé" confiée à l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH). À travers son système d'annonces payantes pour adultes, le site de petites annonces Vivastreet est soupçonné de soutenir et de tirer profit de la prostitution.

L'ouverture de cette enquête préliminaire, annoncée par 20 Minutes, fait suite à une plainte déposée le 1er décembre 2016 par l'association Le Nid, favorable à l'abolition de la prostitution. Mais si ces annonces dissimulent sans aucun doute des prestations sexuelles tarifées, Vivastreet se rend-t-il responsable de proxénétisme en les publiant ?

C'est quoi Vivastreet ?

Vivastreet est le deuxième site de petites annonces français, derrière le géant Le Bon Coin. Fondé en 2004 par Yannick Pons, dont la fortune était évaluée en 2013 à 70 millions d’euros, Vivastreet a pour maison mère W3 Ltd, une entreprise domiciliée à Jersey, un paradis fiscal.

Le site revendique 5 millions d'annonces en 2015, dont un million en France, et 35 millions de visites par mois. Vivastreet est particulièrement actif dans les secteurs de l'immobilier, de l'emploi, avec plusieurs dizaines de milliers d'annonces publiées chaque mois. 

Comment Vivastreet gagne de l'argent ?

Financé à ses débuts par la publicité, Vivastreet a depuis adopté un modèle de petites annonces payantes. Pour publier dans certaines catégories du site, il faut payer une première fois. Puis, pour mettre en avant l'annonce par rapport aux autres résultats, d'autres options payantes sont disponibles, à l'instar du site Le Bon Coin.

Ainsi, selon un calcul du Monde, si les annonces d'emploi et de formation ne représentent qu'un quart du total des annonces, elles génèrent plus de la moitié des revenus du site. Quant aux annonces d'escorting, elles sont encore plus lucratives : elles ne représenteraient qu'1 à 2% du total, mais rapportent elles aussi près de la moitié des revenus de Vivastreet, estime le quotidien.

 

Les annonces Vivastreet peuvent-elles être assimilées à du proxénétisme ?

C'est là que ça se complique. Selon les enquêtes du Monde et de 20 Minutes, il suffit de quelques minutes et d'un sms pour connaître les tarifs des prostituées présentes sur Vivastreet. Le site interdit, dans ses conditions d’utilisation, les annonces qui proposent "d’échanger des relations sexuelles contre rémunération". Et effectivement, aucune annonce n'avance un quelconque tarif. 

Selon la loi, tout organisation qui agit en tant qu’"intermédiaire en vue de la commission d’actes de prostitution" peut être poursuivie, même si cette organisation agit depuis l'étranger à destination de la France. Ainsi la domiciliation de Vivastreet à Jersey ne serait a priori pas un problème pour d'éventuelles poursuites judiciaires. 

Selon Le Monde, même sans référence explicite à une prestation sexuelle tarifée, des poursuite sont possibles. Et le quotidien de prendre pour exemple le "responsable d’un journal de petites annonces proposant une rubrique 'Relaxation' poursuivi pour proxénétisme sur la base d’indices financiers". Dans un arrêt  de 1996 sur cette affaire, la Cour de cassation affirmait que "le coût élevé de publication [des annonces], dont [certaines] paraissent sous forme d’encarts publicitaires, laisse présumer chez l’annonceur l’exercice d’une activité lucrative, de type professionnel."

Que répond Vivastreet aux accusations ?

En tant qu'hébergeur d'annonce, Vivastreet n'est pas juridiquement considéré comme leur éditeur. "Leur obligation en tant qu’hébergeur est notamment de mettre en place un dispositif facilement accessible et visible pour permettre aux internautes de porter à leur connaissance les contenus qui seraient illicites", explique l'avocate Me Marie Soulez, citée par Le Monde.

Le directeur général de Vivastreet, Cédric Brochier, a assuré dans le quotidien faire vérifier systématiquement toutes les annonces et "les supprimer si elles ont un caractère illégal ou non conforme à nos conditions générales d’utilisation". Et d'ajouter que "45 modérateurs" sont chargés de traiter les signalement et de supprimer d'éventuelles annonces illégales.


Matthieu JUBLIN

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