Bébé dans le coffre : l'avocat général requiert "pas moins de dix ans de prison" à l'encontre de la maman de Séréna

Publié le 16 octobre 2019 à 12h02
Bébé dans le coffre : l'avocat général requiert "pas moins de dix ans de prison" à l'encontre de la maman de Séréna
Source : AFP

FAIT DIVERS - Rosa Maria da Cruz, 51 ans, comparait depuis le 7 octobre devant la cour d'appel de Limoges pour avoir, entre 2011 et 2013, dissimulé son bébé dans le coffre de sa voiture. L'avocat général a requis ce mercredi"pas moins de dix ans" d'emprisonnement à l'encontre de la quinquagénaire. Le verdict est attendu dans quelques heures.

Une peine de "pas moins de 10 ans" d'emprisonnement a été requise ce mercredi à Limoges au procès en appel de Rosa da Cruz, la mère de Séréna, le bébé dit "du coffre" resté caché et confiné pendant 23 mois, au prix d'infirmités aujourd'hui permanentes. 

"Parce que Séréna est détruite, vous ne pouvez pas la (sa mère) laisser repartir avec un blanc-seing", a déclaré l'avocat général Claude Derens à la Cour d'assises d'appel de Haute-Vienne, l'invitant à sanctionner "plus lourdement" qu'en première instance , en novembre 2018 à Brive. Rosa da Cruz, 51 ans, qui comparaissait détenue, avait alors été condamnée à cinq ans de prison dont trois avec sursis. Le parquet général, qui avait requis huit ans de prison, avait fait appel du jugement, la défense interjetant pour sa part appel sur la déchéance d'autorité parentale.

Pour ce procès en appel, la quinquagénaire comparait depuis le 7 octobre. Rosa da Cruz encourt 20 ans de réclusion.

Infirmité permanente

"Est-ce que (l'accusée) peut oblitérer le fait qu'il y a une petite infirme définitivement emmurée dans son silence ?", a poursuivi M. Derens, constatant que l'infirmité permanente de Séréna est le résultat direct d'un "enfermement constant, organisé (...) dans des conditions qui dépassent l'entendement" pendant ses 23 premiers mois.

"Cet enfermement, c'est la violence superlative", a-t-il résumé, estimant que le procès en appel, en huit jours d'audience, n'a fait apparaître "aucun signe en faveur d'une déresponsabilisation" de Rosa da Cruz. Il a pointé des "stratégies d'évitement", des "dérobades", un "mode de défense" qui "se retranche derrière son impossibilité à nommer les choses".

Me Chrystèle Chassage-Delpech, avocate de Rosa da Cruz, a débuté en fin de matinée sa plaidoirie en assurant que comme en première instance à Tulle, elle plaiderait l'acquittement.

"Elle la tuait à petit feu"

Mardi, les parties civiles - deux associations de protection de l'enfance, et le département de la Corrèze, dont l'Aide sociale est administrateur ad hoc de Séréna - ont avec méthode, ou émotion, tenté de saper la ligne de défense: un "déni de grossesse", suivi d'un "déni d'enfant". 

Déni de grossesse, d'accouchement, d'enfant... "Attention à ne pas tomber dans le déni de justice, par un déni de justesse d'analyse", a mis en garde Me Rodolphe Costantino, avocat d'Enfance et Partage. Il a appelé à se méfier du "piège de l'empathie", "bercés par le discours nécessairement empathique de soignants" ; des "abstractions catégorielles" qui sont "un moyen de contenir l'horreur à distance".

Est-ce que le déni de grossesse existe ? "C'est une réalité clinique". Mais la "thèse a été servie sur un plateau d'argent" à l'accusée. "Elle s'est imposée naturellement à elle, car c'est la plus déresponsabilisante. A minima pour échapper à ses responsabilités à ses propres yeux, à nos yeux ensuite", a-t-il plaidé.

"Elle ne parvenait pas à l'aimer. Elle ne l'a pas tuée d'un trait mais elle est entrée dans une logique mortifère. Elle la tuait à petit feu", a ajouté Me Rodolphe Costantino. 

Retrouvée au milieu des sacs poubelles

Séréna avait été retrouvée le 25 octobre 2013 au fond du coffre de la voiture de sa mère, au milieu de sacs poubelles, "à côté d'un couffin immonde" a expliqué Denis Latour, garagiste qui le premier a ouvert le coffre, alerté par un collègue sur les gémissements, l'odeur qui en émanaient.  Une enfant "très chétive", "extrêmement sale", qui "ne parlait pas, ne bougeait pas", ont décrit des gendarmes. "L'enfant était "toute nue, transpirait, cherchait la respiration", comme "noyée par le manque d'oxygène, asphyxiée par les excréments", poursuit le garagiste. "186 battements (de cœur) par minute, une température à 38,2 degrés" à l'arrivée au CHU de Brive. Des pompiers diront qu'à une demi-heure près, elle aurait été en grand danger. 

Le sort de Séréna s'est joué à peu de choses. Si, au bout du déni de grossesse, la mère n'avait pas été seule à 6H40, si les contractions étaient survenues en plein jour, en présence de tiers, de son concubin, "les choses se seraient passées autrement", assure Rosa da Cruz aux enquêteurs. Comme pour son fils Alexandre né en 2004 , lui aussi "expulsé" au bout d'un déni de grossesse, mais avec la famille autour. Pour Séréna, Rosa accouche seule au sous-sol, "panique", et s'enferme dans un "engrenage" inouï qui la verra cacher et confiner sa fille 23 mois.

Pendant deux ans, Séréna a été gardée entre la voiture, un réduit au rez-de-sol, sans que personne ne sache, n'entende, dans la maison de Brignac-la-Plaine, en Corrèze. 

Lundi dernier, le Pr Michel Dubec, l'un des experts -psychiatres, pédiatres, obstétriciens, qui se sont succédé depuis six jours à la Cour d'assises d'appel de Limoges, a été formel dans son diagnostic des carences subies par l'enfant. Séréna, 8 ans en novembre, est un cas d'autisme "précoce", "profond", qui "n'arrivera jamais à la normale. Elle ne sera jamais indépendante". Vivre seule ? "Non", a lui aussi affirmé peu après lui un expert pédiatre, qui l'a vue en juin.


La rédaction de TF1info avec AFP

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