Il aurait peut-être pu sauver le Père Hamel : Mamadou Segpa, jeune youtubeur condamné à cinq ans de prison

Publié le 2 décembre 2017 à 10h09, mis à jour le 2 décembre 2017 à 10h50
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Source : Sujet JT LCI

JUSTICE - Un ancien réalisateur de sketchs sur YouTube, qui avait reçu la vidéo de revendication de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray, quelques jours avant qu’il n’ait lieu, a été condamné vendredi à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs à visée terroriste.

Si Omar avait parlé, le père Hamel, égorgé en juillet 2016 dans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray, n’aurait sans doute pas connu un tel sort. Omar comparaissait vendredi devant un tribunal correctionnel des Yvelines pour association de malfaiteurs à visée terroriste. Avant d’être hypnotisé par la propagande djihadiste, Omar réalise des sketches sur YouTube. Ce jeune sans histoires , qui vit avec sa mère à Mantes-la-Ville, est dissipé au lycée mais passionné de vidéo. Les milliers de vues de ces pastilles humoristiques qu'il diffuse sous le pseudo de "Mamadou Segpa", lui rapportent un peu d'argent.

Puis il se met un jour à regarder des vidéos diffusées par l‘Etat islamique, "par curiosité", affirme-t-il, dans un épisode intitulé : "Mamadou Segpa rejoint Daech". "A force, j'étais fasciné par Daech", "par ce genre de grosse production hollywoodienne", explique-t-il. "Y a aucune différence entre la cocaïne et les vidéos de Daech, à chaque fois on veut savoir ce qui va se passer". "Drogué" à la violence des images, il commence "à avoir le même discours".

Il discute avec Rachid Kassim sur Telegram

La justice lui reproche également des velléités de départ en Syrie, des échanges répétés au sein de la "jihadosphère" sur Internet et le téléchargement de fichiers par dizaines : images d'attentats, conseils sur les techniques de dissimulation... Début 2015, il s’abonne à plusieurs chaînes en lien avec le jihad sur la messagerie cryptée Telegram et, en juillet 2016, il commence à échanger avec le propagandiste Rachid Kassim, avec lequel il entretient des conversations nourries. 

Le 23 juillet 2016, soit trois jours avant l’assassinat du père Hamel, le cyber-jihadiste, qui se cache alors en Syrie ou en Irak, lui adresse une vidéo dans laquelle un homme annonce une "attaque dévastatrice", prêtant dans le même temps allégeance à l'Etat islamique. Kassim lui demande de la diffuser. Le 24, la police débarque chez Omar pour une perquisition administrative et saisit cette vidéo. "J'étais choqué par ces propos mais j'y croyais pas trop", assure aujourd’hui le prévenu. Par "peur", dit-il, il n'en avait pas parlé à la police. Il est interpellé puis placé en garde à vue.

"J'espère que c'est pas la personne qui est sur cette vidéo"

Le 26, alors qu’il est toujours en garde à vue, les jihadistes Abdel Malik Petitjean et Adel Kermiche égorgent le père Jacques Hamel dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray. "Une policière de la DGSI me parle d'une prise d'otage dans une église", se souvient le prévenu, "elle me dit : j'espère que c'est pas la personne qui est sur cette vidéo". Et quand les enquêteurs identifient formellement Abdel Malik Petitjean, la policière "m'a fait un signe de la tête".

L’hommage au père Jacques HamelSource : JT 20h Semaine

"Je culpabilise", assure-t-il aujourd'hui, "si j'avais dénoncé cette vidéo à la police, peut-être que le prêtre serait encore en vie". Il estime ne pas avoir été radicalisé "religieusement", mais reconnaît avoir été sensible aux arguments religieux avec lesquels l'EI légitimait sa violence. "On va dire que c'était une radicalisation cinématographique", poursuit-il. Attiré par le mirage d'une vie confortable en Syrie, il avait projeté avant son interpellation de s'y installer pour y faire "des vidéo-montages".

Vendredi soir, il a été condamné à cinq ans d'emprisonnement assortis d'un suivi socio-judiciaire de cinq ans. En dépit de faits "d'une gravité évidente", le tribunal s'est dit "confiant" s'agissant de sa "prise de conscience". Le procureur avait demandé sept ans, avec période de sûreté des deux tiers. Son avocate, Marie Dosé, a salué une décision "équilibrée, qui prend en compte sa personnalité et le travail effectué seul en détention".


La rédaction de TF1info

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