"On a cru qu’on allait tous mourir" : au procès de Jawad Bendaoud, ses voisins racontent l'assaut du Raid

par Aurélie SARROT Aurélie Sarrot
Publié le 31 janvier 2018 à 19h23

Source : JT 20h Semaine

JUSTICE – Au sixième jour du procès de Jawad Bendaoud, Mohamed Soumah et Youssef Aït-Boulahcen, les locataires du 48, rue de la République à Saint-Denis sont revenus sur les heures terribles qu’ils ont vécues le 18 novembre 2015 au matin, alors que l’assaut était donné par le Raid. Traumatisées à vie, ces personnes n’ont pas été reconnues comme des victimes du terrorisme et n’ont pas perçu d’indemnité à ce jour...

Beaucoup auraient voulu le faire mais n’y sont pas parvenus. Ce mercredi, au sixième jour du procès de Jawad Bendaoud, Mohamed Soumah et Youssef Aît-Boulahcen, plusieurs locataires du 48, rue de la République à Saint-Denis ont défilé à la barre pour relater ces quelques heures au cours desquelles, ils se sont retrouvés, le 18 novembre 2015 pendantl’assaut du Raid, au milieu des cris et des balles. 

Car c’est dans leur immeuble, il y a un peu plus de deux ans maintenant, que les terroristes Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh, accompagnés d’Hasna Aït-Boulahcen, avaient trouvé refuge après les attentats qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. C’est là aussi qu’ont été retrouvés des documents concernant un projet de surattentat prévu dans le quartier de la Défense, le 18 ou le 19 novembre 2015 .   

"Les policiers m’ont pris pour un terroriste"

"Je me présente devant votre cour parce que j’ai envie de connaître la vérité. Ce qu’il s’est passé le 18 novembre 2015 à Saint Denis", a expliqué le premier des locataires à la barre.  Depuis ce jour, la vie de cet homme marié et père de trois enfants à l’époque âgés de 3, 12 et 16 ans, a été bouleversée. "Avant j’avais un emploi, je travaillais, jusqu’au jour de l’assaut où j’ai tout perdu, précise-t-il indiquant qu’il touche aujourd’hui le RSA (…)  L’assaut est arrivé brutalement. On ne savait pas de quoi il s'agissait. Les policiers m’ont dit : 'Couchez-vous sinon on va tirer'". Il se met à pleurer. 

Il explique être resté ensuite couché avec ses proches pendant 8 heures. Il dit avoir "perdu ses dents" parce que les policiers l’ont "pris pour un terroriste"." C'est quand ils ont vu ma famille qu'ils ont compris", déclare ce monsieur, ancien "du 48", qui a perdu l’audition à l’oreille gauche et qui indique "avoir énormément d’angoisses depuis l’assaut". 

"Ma fille creuse des trous dans les murs"

Sa femme ne va guère mieux. Femme de ménage à l’époque, elle est incapable de travailler pour l’instant. Elle aussi à la barre ne peut retenir ses larmes. Comme son mari, elle évoque leur fille cadette qui "parle des policiers" et "fait des cauchemars " depuis le 18 novembre 2015. "Depuis l’assaut, ma petite fille creuse les murs pour construire une fenêtre  (…) J’achète du plâtre pour reboucher les trous". Elle continue effondrée : "Je ne prends plus les transports, mes enfants ne faisaient jamais pipi au lit, après tout ça, ils ont recommencé. Et au moindre bruit, on se couche par terre".  La mère de famille, a aussi depuis ce drame des "problèmes de respiration", "des crises d’asthme et des crises d’angoisse". 

En deux ans, ce couple a touché 250 euros de la mairie, trois semaines après les événements. Leur fille aînée a raté son bac pour "cause d’absentéisme", la petite n’a pu "voir de psychologue faute de place", et leur garçon, jeune adolescent, a essuyé les moqueries de ses camarades au collège, l’associant à Jawad, "logeur des terroristes".

"A 4 heures du matin, j’ai entendu une explosion"

Charif, Libanais, vivait depuis six mois avec un ami au 48, rue de la République, dans l’appartement situé en dessous de celui dans lequel ont été hébergés les terroristes. "Le 18, à 4 heures du matin, j’ai entendu une explosion, j’ai cru que ça venait de loin. Je me suis réveillé. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu beaucoup de policiers. J’ai pensé que c’est quelque chose de normal car ça se passe souvent comme ça ", raconte le jeune homme. 

"Il y avait beaucoup de rafales.(..) 15 ou 30mn après. On est resté au milieu de l’appartement et on ne savait pas ce qu’il se passait. On a attendu 2-3h. On a cru qu’on allait tous mourir. Je m’attendais à ce que quelqu’un tire directement vers nous. L’appartement serait tombé sur nos têtes", continue-t-il. 

Il affirme avoir été alors malmené par les forces de l’ordre. "Les policiers nous ont poussés, nous ont frappés. On nous a mis par terre pour nous fouiller (… Ils nous ont faits sortir de l’appartement, il y avait un policier qui tirait en l’air. J’ai eu un morceau d’une explosion dans mon épaule". 

Etre reconnu comme une victime du terrorisme

Charif a été hospitalisé dix jours. Il est allé ensuite deux jours au gymnase où étaient temporairement hébergés les locataires du 48, rue de la République. Depuis, il est logé dans un hôtel et, comme ses anciens voisins, n’a jamais pu récupérer ses effets personnels dans son logement du 48. Comme les autres qui ont subi le même sort, il demande aujourd’hui à être reconnu comme une victime du terrorisme, pour être notamment, indemnisé…. 


Aurélie SARROT Aurélie Sarrot

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